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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet :
« Roucy 2 janvier 1935 (date supposée).
Cher Cousin et Chère Cousine
C’est avec plaisir que j’ai reçu vos bons souhaits et je vous adresse les miens en retour en priant Dieu de vous conserver en bonne santé et de bénir vos travaux. Nous avons été contents d’avoir la visite de Pierre et je pense qu’il ne s’est pas trop ennuyé ici. S’il était resté jusqu’aujourd’hui, il aurait pu aider sa grand-mère à opérer le sauvetage des légumes de la cour car nous avons 20 cm d’eau ! C’est arrivé tout d’un coup (…) »
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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet
(sa cousine Julienne Rebequet Poittevin est décédée 9 jours plus tôt à St Paul :
« Roucy 30 mai (1938)
Cher Cousin et chère Cousine
J’ai été heureux d’avoir de vos nouvelles et de lire la lettre de Pierre Rebequet, je vous envoie à mon tour une lettre de l’ancienne fermière de Gernicourt dont le mari a été tué par un ouvrier il y a quelques années, et une carte d’une amie de Mme Baschet et une lettre d’un ancien aumônier militaire dont ma cousine (Julienne) a dû vous parler.
J’ai eu hier la Communion à Roucy 2 premiers communiants frère et sœur et 7 renouvelants : le temps a été passable et j’ai été manger à midi et au soir chez le fermier belge du bas du pays avec Mr et Mme Baschet.
Mme P. a des ennuis avec son fils qui travaillait chez A. : il est parti avec la femme du cafetier de Roucy, Mme L. et le mari a failli l’assommer : il l’a frappé à coups de serpe et il est un peu amoché, mais on ne sait pas où il est allé. C’étaient des communistes.
Albert Baschet vient dimanche chez ses parents, je lui demanderai de me conduire à Berry au Bac et à Concevreux où je dirai la 3e messe à midi à l’occasion d’un mariage fait la veille.
J’aurai ensuite la Communion à Berry au Bac le 12 et à Concevreux le 19. Vous voyez que j’ai de quoi m’occuper : je tâche de me suffire pour l’instant. Si Marcelle était plus valide, elle pourrait peut-être venir un mois ou deux, mais j’ai peur qu’elle tombe malade et me donne de l’embarras (…) »
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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet :
« Roucy 20 sept. (1938 ?)
Cher Cousin et Chère Cousine
Notre retour s’est effectué dans de bonnes conditions. Nous avons suivi le Chemin des Dames et sommes arrivés à Roucy vers 7h1/2, sans fatigue et tout heureux d’avoir passé quelques bonnes heures en votre compagnie et celle du cher Mr Péchenart et de ses amis. Il avait plu assez fort à Roucy dans la journée.
Nous allons continuer la fête aujourd’hui en mangeant chez Mr Boschet le flan et le gâteau. Le poulet sera réservé pour le jour où Albert viendra. C’est dimanche la fête de Bouffignereux : je crois vous avoir dit que Mr Petitfrère avait cédé sa ferme à son gendre Mr Moureaux, marié à Lucie. Cela va bien pour le moment. Le fils de Mme P. qui s’est sauvé avec une femme d’ici n’est pas revenu, ni elle non plus (…) »
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L’abbé Gréhan, réfugié à Carantec (Finistère), à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Carentec, Finistère le 27 mai (1940)
Chers Cousin et Cousine
Je vous écris sans savoir si cette carte pourra vous arriver, car peut-être êtes-vous évacués comme nous le sommes depuis le dimanche 19. Après bien des péripéties, et des centaines de kilomètres, en auto et en chemin de fer, 2 nuits et 3 jours, nous avons débarqué à Morlaix dans le Finistère et nous sommes arrivés dans une station balnéaire appelée Carentec où nous occupons un hôtel. Ici nous sommes 20 de Roucy et 67 du Nord et du Pas de Calais. D’autres hôtels en contiennent beaucoup d’autres. Nous sommes nourris et logés gratis.
J’ai écrit à l’Evêque de Quimper pour obtenir un emploi : je ne sais si je l’aurai. Ma bonne est avec moi, nous sommes tous en bonne santé malgré toutes nos émotions et nos fatigues.
Hier, j’ai chanté la messe de la Fête Dieu et fait la procession, puis après les vêpres, nous avons été visiter St Pol de Léon et Roscoff. Nous sommes tout à fait sur le bord de la mer et le climat est très bon. Les gens nous ont bien accueillis, mais tout cela n’enlève pas notre chagrin d’avoir quitté notre pays pour la 2e fois et abandonné nos affaires. Enfin, il faut offrir à Dieu ce sacrifice pour contribuer à la victoire.
Vous pourrez m’envoyer un mot ici si vous recevez le mien. En attendant, je vous renouvelle à tous mes meilleures amitiés et je vous embrasse de tout cœur.
A.Grehan.
Hôtel d’Arvor
Carantec
Finistère. »
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L’abbé Gréhan, réfugié à Carantec (Finistère), à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Carentec, 3 juin (1940)
Chers Cousin et Cousine
J’ai reçu votre lettre hier Dimanche après la belle procession de la Fête Dieu qui a eu lieu dans les rues du village, tout près de la mer. Nous sommes vraiment privilégiés auprès de vous et nous ne devons pas nous plaindre. J’aide Mr le Curé et l’évêque de Quimper m’a donné les pouvoirs de remplir toutes les fonctions du ministère. On est très pieux ici et il y a des communions nombreuses. Tous les jours de la semaine dernière, on chantait les Vêpres du St Sacrement à 8h ½ ; l’église était pleine.
Nous sommes 90 dans le même hôtel : nous mangeons tous ensemble et ce sont les femmes qui font la cuisine, 3 équipes pendant 3 jours chacune : soupe, rata et eau. On s’y fait.
Je fais quelques excursions : j’ai été à St Pol, à 10km d’ici et dont je vous envoie la belle cathédrale : j’ai bien pensé à notre St Paul. Hier, j’ai été à Morlaix, à 13 km. Des autobus d’ici y vont tous les jours. Tous ces pays sont agréables à voir et le voisinage de la mer les rend encore plus intéressants.
Qui aurait jamais pensé que nous serions transportés si loin. En somme nous n’avons pas eu à marcher à pied et nous avons trouvé à temps des autos et le chemin de fer pour nous transporter. A Laval, on nous a défendu de descendre parce qu’il n’y avait plus de place : il y a des gens de Roucy qui y sont certainement, dans des villages comme vous y êtes aussi. Je ne crois pas qu’on nous y transportera, nous sommes avec des gens du Nord et d’ailleurs : il y a plusieurs centaines de réfugiés et il en arrive dans les pays voisins encore maintenant. Quelle chose épouvantable ! Quelle misère va résulter de tout cela et que retrouvera-t-on ?
J’ai eu de nouvelles de quelques personnes de Roucy qui vont à Bordeaux et à Dax, j’en attends de Laval où j’ai écrit à notre vicaire général.
Notre petit groupe des 17 de Roucy reste bien uni et nous nous consolons mutuellement, en espérant reprendre le plus tôt possible le chemin de Roucy. Ce qui est le plus ennuyeux pour nos gens, c’est de ne pas avoir de travail (…) »
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L’abbé Gréhan, rèfugié à Carantec (Finistère), à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Carantec le 11 juin (1940)
Chers Cousins et Cousines
Je vous envoie ce petit mot pour vous donner de mes nouvelles et en avoir des vôtres.
J’espère qu’elles sont satisfaisantes vu les circonstances plutôt pénibles que nous traversons.
Avez-vous retrouvé vos enfants et avez-vous des nouvelles des absents ?
Quant à moi je continue à aider Mr le Recteur dont la population a doublé par suite du grand nombre de réfugiés qui sont logés ici dans les hôtels : nos gens de Roucy sont toujours avec moi et nous prenons nos repas ensemble avec près d’une centaine d’autres réfugiés comme nous.
Nous avons vu hier dans le journal que l’on se battait dans la région de Pontavert et aujourd’hui quelqu’un disait que les Boches étaient à Fismes.
Ils auraient donc réussi à percer le front comme en 1918. Si on pouvait comme alors les arrêter dans la forêt de Villers Cotterêts. Ils ont sans doute Paris comme objectif et Rouen. Où s’arrêteront-ils ? Et l’Italie qui va nécessiter le maintien de nos troupes dans le midi ? Vraiment, si on n’avait pas la confiance que Dieu est avec nous, on pourrait croire la situation désespérée (…) »
Quelques vues de Carantec :
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L’abbé Gréhan, de retour à Roucy, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy Vendredi (sans doute vendredi 28 juin 1940.)
Cher Cousin et Cousine
Je ne veux pas tarder à vous donner des nouvelles de mon retour à Roucy, car vous vous demandez comment j’ai pu m’en tirer. J’aurais dû suivre votre conseil et aller à St Waast prendre le petit train, mais j’ai été à la grande gare, pensant descendre à Breuil et n’avoir qu’une dizaine de kilomètres à faire pour gagner Roucy. Mais le train était parti et alors pour ne pas revenir en ville, j’ai pris la route de Reims après la pluie et je suis arrivé à Braine à 3h1/2, là j’ai cassé la croûte dans l’église et j’ai pris la direction de la Vallée de l’Aisne par Viel Arcy, favorisé par le vent que j’avais dans le dos et je suis arrivé à Roucy à 6h, j’ai donc mis 4h à faire la route qui comporte une quarantaine de kilomètres. Hier jeudi, j’ai été dire la messe à Berry au Bac sans trop de fatigue et au retour, nous avons goûté au poulet qui était excellent. La bonne l’avait très bien fricassé : il y en a encore pour une fois, et voici qu’on m’a donné un lapin de garenne et une demi-livre de vrai café : tout arrive à la fois.
J’espère que votre retour a été assez bon, quoique vous ayez eu aussi de la pluie, mais vous n’avez pas été longtemps sur la route, heureusement.
Enfin, nous avons eu le plaisir de nous voir quelques instants, nous renouvellerons la visite, ou plutôt je me rendrai chez vous comme nous l’avons dit. Je n’ai rien acheté à Soissons et je serai obligé d’aller à Reims la semaine prochaine (…) »
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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy, le 4 février 1942
Chers Cousin et Cousine
Je me demande comment vous avez passé ce coupon d’hiver que nous avons en ce moment et si vous avez de quoi vous réchauffer pour supporter ce terrible froid auquel nous n’étions pas habitués les hivers précédents. Hier, ma servante est tombée en allant chez la voisine chercher de l’eau de source, car nous n’avons rien de la concession depuis plusieurs jours et nous avons eu peur ; elle avait perdu connaissance et ne pouvait plus parler, heureusement elle a repris conscience et ce ne sera qu’une peur.
Il y a 8 jours, je n’ai pas pu aller à Bouffignereux dire la messe du dimanche. J’ai été avant-hier tout de même à Guyencourt avec bien de la peine et en rentrant, j’ai dit la messe dans mon salon, comme je le fais d’ailleurs tous les jours car notre église a trop de trous dans les vitraux et la neige est tombée en dedans.
Nous avons eu ici deux séances récréatives, l’une par les jeunes filles de Beaurieux et l’autre par la jeunesse de Guyencourt au profit des prisonniers. La recette a été très bonne, il y a eu aussi une séance à Berry au Bac à laquelle je n’ai pas pu assister (…) »
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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy le 14 décembre (1942)
Cher Cousin et Chère Cousine
J’ai un peu tardé à vous écrire me semble-t-il : aussi je ne veux pas attendre plus longtemps pour vous donner de mes nouvelles qui sont assez bonnes, malgré la situation qui nous est faite.
J’espère que de votre côté, vous arrivez à vous débrouiller, et surtout je pense que mon cousin, ne souffre pas trop de ses douleurs. J’ai à vous apprendre aujourd’hui que la femme de Mr Petitfrère de Bouffignereux a eu une attaque de paralysie mercredi dernier : elle a tout le côté droit pris, elle ne peut plus parler : elle avait 27 de tension, on lui a enlevé une cuvette de sang et on ne sait pas comment cela va aller. J’ai dit à Mr Petitfrère que je vous ferai part de son malheur et que je vous donnerai des nouvelles si cela va mieux dans les neuf jours qui vont s’écouler.
J’ai eu tout de même la satisfaction de voir arranger un peu les plus grandes brèches des vitraux de l’église de Roucy et je puis y faire les offices sans avoir trop froid.
Je suis toujours content des services de ma Dame de ménage et elle fait tout ce qu’elle peut pour me soulager.
Je vais envoyer à ma cousine une paire de pantoufles qui feront, je crois, son affaire (…) »
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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy 19 janvier (1944)
Chers Cousins et Chère Cousine »
« (…) depuis quelques jours je me trouve un peu mieux, les saignements de nez ayant cessé. J’ai été à Reims jeudi dernier 13 par vélo jusque Breuil et par chemin de fer de là à Reims or, en descendant en gare, voilà un fort saignement causé sans doute par le trajet, qui me prend. J’ai dû chercher asile chez un coiffeur et faire demander un Père Jésuite du voisinage qui m’a procuré une religieuse de clinique. Au bout d’un quart d’heure le saignement s’est arrêté et j’ai pu aller chez les Saints du bon Pasteur pour déposer mon linge à blanchir. Elles m’ont restauré et j’ai pu aller ensuite revoir le médecin qui m’avait soigné en 1938. Il m’a ordonné le repos et pas d’efforts, comme celui de Beaurieux, même une retraite ou une petite paroisse. Mais surtout il m’a fait acheter une sorte de gaze ferropyrine pour mettre dans le nez et elle me fait beaucoup de bien car elle arrête le sang quand il veut partir. Je prends aussi trois cuillères à café de chlorure de calcium que je prenais autrefois dans les mêmes cas et je m’en trouve très bien. Aussi j’espère être débarrassé pour quelque temps de mon infirmité. »
« (…) J’ai fini de manger le beurre que j’avais rapporté de St Paul . Mme Bernard l’avait fait fondre et il a duré jusqu’ici. Si vous aviez une petite boîte de fer blanc et que vous puissiez en mettre un petit morceau. Mais je ne veux pas vous ennuyer pour cela. »
« (…) peut-être dans un mois serai-je obligé d’aller renouveler ma provision de vin de messe à Soissons : je tâcherai d’en profiter pour aller chez vous (…) »
L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy 29 janvier (1944)
Chers Cousins et Cousine »
« (…) Je suis heureux de vous dire que je suis tout à fait remis de mon indisposition et j’ai repris mon service du dimanche.
Hier même j’ai pu aller à pied à Bouffignereux dire la messe et revenir de même par la neige célébrer la seconde à midi. Dans la semaine je dis la messe dans le salon du presbytère à 8h30 et je fais le catéchisme dans ma cuisine. Nous avons tout de même un temps bien dur : il fait très froid et on brûle du bois en quantité ; j’en ai un petit peu et je le ménage le plus possible (…) »
L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy le 8 mars 1944
Chers cousin et cousine »
« (…) Je continue à être en bonne santé mais je souffre beaucoup du froid très vif que nous avons ici. L’église est vraiment une glacière et j’ai hâte que les offices se terminent car je ne sens plus mes mains et je tiens à peine sur mes pieds.
J’ai encore de la neige dans ma cour. Fort heureusement, on m’a fourni du bois, 2 mètres de sec et 2 mètres de frais, mais pas difficile à scier.
J’espère que vos grippes sont diminuées et même guéries. Ici, on n’entend rien dire.
C’est toujours la même misère pour la guerre. On a fait sauter l’écluse de Berry au Bac et bombardé Juvincourt ou du moins le camp d’aviation. Que dire de St Quentin ? (...) »
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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy le 17 mars (1944)
Chers Cousin et Cousine
« (…) Nous avons un prisonnier rentré ici mais un peu malade et deux autres à Guignicourt..
Le commis du garagiste est parti en Allemagne comme volontaire. Des jeunes gens d’ici ont été à Neufchatel passer le Conseil de Révision ; on ne sait pas s’ils seront appelés.
Malgré ces soucis, les jeunes gens de Roucy ont organisé une séance de récréation qui a eu lieu dimanche dernier, on y a même dansé, ce qui n’est pas très bien, aussi je n’ai pas assisté à cette séance et je suis allé à Corbeny voir les sœurs de l’hospice et voir si un jour je pourrai aller prendre ma retraite chez elles : elles ne demandent pas mieux, mais je n’ai pas encore parlé à notre Evêque, et je crains qu’il ne me donne pas la permission tant que je serai en bonne santé et que je serai secondé par ma servante volontaire.
Il va venir le lundi de Pâques présider le pèlerinage de la Ste Vierge à Chaudardes.
Mme Baschet vient de m’écrire : elle va bien, mais ses enfants ne sont pas très valeureux, vu les restrictions : elle a toujours beaucoup de soucis (…) »
L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy 18 avril (1944. Bombardement de Tergnier dans la nuit du 10 au 11 avril 44)
Chers Cousin et Cousine
(« ... » Nous avons entendu ici le bombardement terrible de Tergnier : les vitres résonnaient dans la maison ; nous avons pensé que c’était à Laon, car le journal a relaté les obsèques des victimes par Mgr Mennechet, c’est bien triste d’avoir de pareils malheurs et il y a toujours à craindre pour nos parents et nos amis »
« (…) Je suis en ce moment dans les mariages : le fils de notre maire et un frère d’un cultivateur. A Bouffignereux Mr Petitfrère va bien et la fille de Mr Moureaux son gendre continue à tenir l’harmonium. Elle a même loué à Reims un instrument pour pouvoir se perfectionner. Nous avons eu le jour de Pâques 3 statues à bénir : celles de ND de Lourdes, de St Pierre et du Curé d’Ars offertes par des paroissiennes. La quête a produit 22 frs pour les écoles. La petite église était remplie. J’ai mangé chez Mr Moureau et j’ai ensuite été chanter le Ichet ( ?) à Guyencourt avant que de le dire à Roucy. J’ai été un peu fatigué et le lundi je n’ai pu aller à Chaudardes pour le pèlerinage où il y a eu foule et 8 curés.
En ce moment cela va mieux et je me prépare à aller à Soissons renouveler ma provision de vin de messe.
Mme Bernard est toujours à mon service et je suis assez tranquille (…) »
L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy 16 juin (1944)
Chers Cousin et Cousine
« (…) Je vais assez bien comme d’habitude et j’ai pu aller à Liesse le lundi de la Pentecôte, le mercredi j’ai été à Soissons pour avoir mon vin de messe mais les transports étant plus rares, je n’ai apporté que 2 bouteilles. Puis le samedi de la même semaine, j’ai dû aller à Jonchery à l’enterrement d’une jeune fille née à Roucy et qui a été victime d’un bombardement à Reims : elle était la fille de notre ancien boulanger Neveux. (1)
Aujourd’hui, nos occupants ont convoqué 30 hommes pour préparer des défenses près de Beaurieux. On fauche les blés en herbes, on piétine les betteraves : c’est un vrai désastre : cela leur est bien égal. Nous avons toujours à l’hospice des GMR. J’ai pu aller à Reims la semaine dernière sans alerte pour chercher mon linge d’église et mes affaires personnelles.
Le ravitaillement est toujours le même, sauf pour le vin dont on ne voit plus la trace - Impossible aussi d’envisager de recevoir des colis par la poste »
« (…) Quand donc serons-nous libérés (…) »
(1) Voir l’article sur le blog du Regain Roucy : Août 1944. Il y a 70 ans, la tragique aventure de trois enfants de Roucy.
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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy 6 Nov (1944)
Bien chers Cousins et Cousine »
« (…) Ce qui m’a fait de la peine, c’est de savoir le pauvre cousin Pierre Rebequet dans le pays des Boches où il doit souffrir de la faim et du froid. Quand donc sera-t-il délivré ? On ne peut que prier de tout cœur pour lui et demander à Notre Dame de Liesse qui a délivré les chevaliers de Marchais d’avoir pitié de lui et de sa chère Dame qui doit bien souffrir de cette triste séparation.»
« (…) J’ai reçu une carte de la cousine Marie d’Auxerre : elle ne sait pas grand chose de sa sœur Julie d’Epinal et je me demande si elle a reçu d’autres nouvelles : la résistance des Boches par là est terrible et les pauvres gens sont dans des angoisses bien grandes.
Mr Petitfrère va toujours bien ainsi que sa fille Mme Moureaux et Armande qui est toujours mon organiste et s’en acquitte assez bien.
Mme Bernard va bien aussi et ne manque pas de venir chaque jour préparer mon ravitaillement, son patron Mr Boileau maire de Concevreux est mort il y a bien 15 jours, on l’a enterré à Berry au Bac, il avait mon âge : 75 ans et il était malade depuis plus d’un an : une anémie cérébrale : il y a eu un enterrement des plus pompeux (…) »
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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy 4 Xbre (4 décembre 1944)
Je suis bien en retard pour vous répondre mais le temps passe vite et je suis parfois très occupé par les détails de la maison : je continue à être en assez bonne santé et j’ai encore pu aller à Reims en vélo il y a 8 jours, mais le retour a été dur car il a plu et fait un temps désagréable (…) »
Il n’y a rien de bien extraordinaire à vous signaler de notre région. Nous n’avons pas de troupes bien qu’il y en ait à Pontavert et Juvincourt où les Américains occupent le camp des Boches.
Nous avons eu la St Eloi vendredi il est venu une trentaine de travailleurs des champs ; j’avais été le matin à Guyencourt.
Nous sommes bien ennuyés par le temps détestable qu’il fait depuis si longtemps. L’Aisne est débordée dans la plaine et les routes sont bien mauvaises pour le service de mes paroisses. Espérons que les évènements de guerre se poursuivront avec succès mais les Boches se défendent avec acharnement ; on prétend qu’Hitler est mort : Himmler qui le remplace est encore pire. Quelle guerre maudite !
Je remercie mon cousin de Béhéricourt de m’offrir le presbytère de sa commune pour m’y retirer mais Mgr l’Evêque ne veut pas me donner congé sous prétexte qu’il manque de remplaçants pour ceux qui peuvent encore tenir et pourtant je lui ai dit que je ne vois plus bien clair et que je ne reconnais plus mes paroissiens. Les enfants sont très cruels ici et je me fais du mauvais sang avec eux.
Il me sera peut-être bien difficile d’aller à Soissons d’ici la fin du mois, bien que j’ai encore une vingtaine de litres de vin de messe à prendre. Les trains partent trop matin et pas tous les jours…
A.Grehan
Excusez la mauvaise encre
et la plume détestable
et mes pauvres yeux
L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy le 15 décembre (1944)
Chers cousins et cousine
Je suis un peu en retard, il me semble, pour vous écrire et vous êtes peut être en peine de savoir ce que je deviens par ces temps de brouillard et de neige. Depuis le 28 novembre je suis grippé, mais je vais beaucoup mieux depuis quelques jours. J’ai eu cinq ou six saignements de nez et j’ai dû m’abstenir de dire la messe pendant 8 jours. Le médecin est venu une fois et il m’a donné pour arrêter les hémorragies. La dame de Concevreux m’a très bien soigné : elle passait la nuit au presbytère et Mme Thonon l’a bien aidée ainsi que d’autres personnes. J’ai descendu mon lit dans la chambre située près de la cuisine et je profite ainsi de la chaleur de cette pièce.
Je devais dire aujourd’hui le service anniversaire de Mme Petitfrère à Bouffignereux mais il a fallu le remettre à huitaine : ce sera une messe chantée à 11h ½ et je serai invité à dîner avec la famille. Mme Moureaux va bien ainsi qu’Armande : elle m’a envoyé un quart de beurre, un litre de lait et quelques œufs.
Je pense que vous êtes tous en assez bonne santé à St Paul et à Béhéricourt, excepté toujours hélas mon cher cousin Lucien pour qui l’hiver est bien pénible. C’est aussi la question du chauffage qui est bien ennuyeuse. J’ai eu la chance d’avoir un homme qui m’a fendu les grosses bûches que j’avais et j’ai pu avoir quelques fagots de Concevreux.
Les vitres de l’église sont maintenant réparées et il n’y a plus de courants d’air, à part dans la sacristie que l’on n’a pas assez isolée du clocher et où je ne puis me tenir : je vais être obligé de me mettre derrière l’autel avec les enfants de chœur pour prendre les vêtements des offices.
J’ai toujours un reste du bon beurre que j’ai rapporté de chez vous et il m’est bien utile car la graisse manque assez souvent ; j’ai tout de même un peu de lard quand un bon paroissien tue un porc et cela fait bien plaisir.
Si encore on pouvait prévoir la fin des misères de la guerre, mais c’est à désespérer de voir quelque amélioration. On ne peut que prier de tout cœur et se confier au bon Dieu pour l’avenir (…) »
L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy 8 janvier (1945)
Cher Cousin et Chère Cousine »
«(…) je continue à être bien portant et je n’ai pas à me plaindre quand j’en vois de plus malheureux. Je peux dire la messe chaque dimanche à cause du Jubilé meriel et ainsi mes paroissiens ont la messe tous les 15 jours. En juillet, Mgr me donne sans doute un remplaçant et je pourrai prendre un peu de repos (…) »
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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy le 7 avril (1945)
Chers Cousin et Cousine
Je n’ai pu répondre plus tôt à votre dernière lettre, mais je puis vous donner de bonnes nouvelles de ma santé qui est tout à fait rétablie, j’ai repris mes habitudes et j’ai même pu refaire deux fois déjà le voyage de Reims, mais je prends des précautions et je ne fais pas d’imprudences.
Nous sommes assez bien ravitaillés et je me trouve encore bien favorisé par rapport à certains autres.
Il fait un froid bien vif en ce moment et dans notre église toujours ouverte à tous les courants d’air, on ne sera pas trop bien pour les offices de la semaine sainte. Nos édiles communaux ne font vraiment pas leur devoir pour fermer les brèches causées par les obus (…) »
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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy 5 décembre (1945)
Chers cousins et Cousine »
« (…) Nous avons fêté St Eloi à Roucy et à Guyencourt, et j’ai pu aller l’après-midi à Reims en auto chercher 12 bouteilles de vin de messe à 20 f… »
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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
« Roucy 21 Sept. (1946)
Chers Cousins et Cousine
Je pensais pouvoir partir pour St Paul lundi matin 23, et voici que je suis retenu par l’annonce que me fait une Dame de Paris qui vient sur la tombe de son mari enterré dans notre cimetière. Elle doit arriver mardi ou mercredi et elle logera au presbytère puisque notre hôtelier ne peut ou ne veut recevoir personne.
Je serai donc obligé de remettre mon voyage à la semaine suivante : je regrette bien ce contretemps et je vous demande de m’en excuser bien vivement (…) »
« A.Grehan
Nous allons à ND de Liesse dimanche prochain. Le car n’est libre que ce jour-là (…) »
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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :
Carte de visite non datée.
« Sœurs de l’Enfant Jesus
38, Rue du Barbâtre
Reims
L’Abbé Gréhan
Curé de Roucy
(Aisne)
Chers Cousins et Cousines
C’est de Reims que je vous écris car depuis hier, mercredi, je suis en traitement à la Clinique de l’Enfant Jésus pour des saignements de nez trop abondants ; 6 en 10 jours et en observation pour l’arterio-sclérose.
Je ne sais pas combien de temps je serai ici, je vous tiendrai au courant : je suis bien soigné par les sœurs.
J’ai fait mon testament et vous ai nommé légataire universel en cas de malheur.
Je vous envoie à tous mes meilleures amitiés et vous embrasse de tout cœur.
J’écris étant au lit, cela ne va pas bien excusez.
A.Grehan »
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Ainsi s’achève ce qui nous est parvenu de la correspondance de l’Abbé Gréhan.
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