(Editions du Cerf-volant, Paris, sans date.)
Recueil de poèmes, 5e volume de La légende de la Grande Guerre.
Dieudonné Grancier était affecté au 8e Régiment d’Infanterie depuis le 2 août 1914.
Ironie du sort, les deux poèmes ci-dessous ont été écrits à Roucy, à l’endroit même où en 1916 et 1917, six soldats avaient été, à l'aube, « fusillés pour l’exemple ».
Pages 38 – 39 :
AUBE DE PRINTEMPS
Cette aube de printemps,
Si douce et langoureuse,
En ces jours attristants
Apparaît douloureuse.
Tout invite au bonheur
Dans cette tiédeur tendre,
Cependant du malheur
Chacun doit se défendre.
La nature renaît
Et l’on se sent revivre
Lorsque l’homme, au méfait,
Sans obstacle se livre.
Est-ce dérision ?
Il semble qu’à la vie
Notre aberration
Attente, et la défie.
Pourtant, ne pas goûter
L’heure délicieuse
Ne ferait qu’ajouter
Ombre à la ténébreuse.
Oublions cet entour
De mort et de souffrance,
Rêvons à notre amour,
Reprenons assurance.
Cette aube de printemps,
Langoureuse et si douce,
En ces sombres instants,
Aucun ne la repousse.
ROUCY – La Mutte-des-Grillots, 28 mars 1918 »
Page 40 :
PAQUES FLEURIES
Comme vous êtes loin, belles Pâques en fleurs !
Las ! pour les retrouver, vos ondes parfumées,
Il nous faut remonter tout le cours des années
Perdues en des mois de peines et de pleurs !
C’étaient alors les temps où les plus grands malheurs
N’étaient que les chagrins des heures fortunées.
Nous n’étions dans les rangs de ces troupes armées
Où se répand le sang, trop souvent des meilleurs.
Sans savoir maintenant ce que le sort préjuge,
De ces lieux ravissants où nous avons refuge,
Nous assistons encore à l’un de leurs sursauts.
Pleins d’appréhension pour l’inique souffrance
Et l’incertain succès de ces nouveaux assauts,
Ne perdons pas l’appui d’une calme espérance.
La Mutte-des-Grillots, 31 mars 1918