(Editions Librairie du Travail. Imprimerie Centrale. Paris, 20 mars 1937).
Louis Hobey, instituteur et pacifiste, deviendra le Président de la Ligue des anciens combattants pacifistes. Il sera révoqué par le gouvernement de Vichy, pendant la seconde guerre mondiale, en raison de son activité de dirigeant syndicaliste.
Comme beaucoup d’autres, son chemin est passé par Roucy pendant la Première Guerre mondiale.
Pages 117 – 118 :
« Début de 1917. L’hiver trouva la compagnie dans l’Aisne, au « Choléra », en avant de Pontavert. Vingt degrés au-dessous de zéro ! Le pain arrivait en ligne dur comme la pierre. Il fallait – enfilé par un bâton – le faire dégeler au-dessus des braseros qui brûlaient sans arrêt dans les sapes. Dans les bidons de pinard, des glaçons s’entrechoquaient. En ligne, les fusils-mitrailleurs tenaient constamment auprès de leurs armes de petits braseros fabriqués avec des boîtes de conserves vides. Les sentinelles devaient marcher sans arrêt. « On les aura, les pieds gelés ! ». Cri général ; et dans ce cri il y avait, en même temps, que l’énoncé d’une vérité toujours tangibles, l’ironie féroce que les soldats du front marquaient pour les formules héroïques toutes faites, fabriquées par grosses à l’arrière. »
Page 120 :
« La nuit du 15 au 16 avril passa comme un cauchemar. Le régiment, en deuxième position, devait aller renforcer la première ligne quand elle serait épuisée, c’est-à-dire décimée. Il n’y aurait plus alors, selon la formule célèbre, qu’à exploiter le succès. Le matin apporta la rituelle distribution des jours d’attaque : la gnole mélangée d’éther, distribution de poison. »
Page 122 :
« On avait tourné le bois des Buttes. On avançait dans la plaine de Juvincourt. »
Page 122 :
« Dans les jours qui suivirent on connut dans le détail la pagaïe de cette journée, marquée entre toutes d’un caillou noir. Réseaux de fils de fer encore intacts par endroits, fortins debout avaient brisé l’élan des vagues. Les tanks qui devaient accomplir des merveilles n’avaient pu atteindre la Nationale 44 : des obus avaient arrêté en pleine course les machines meurtrières. Elles étaient restées là, toutes, seize ou dix-sept, en ligne. Moreau devait les retrouver, plus tard, à ce qu’on appela le « cimetière des tanks ». Les servants avaient essayé de fuir sous les rafales qui déferlaient. Ils devaient rester étendus sur la plaine, pourrissant au soleil dans leurs habits tout neufs. La fosse commune elle-même ne les recevrait pas. »
Page 124 :
« La tranchée nettoyée, on repartait. Combien en prit-on ce jour-là ? Moreau ne le sut jamais. Le soir trouva la compagnie sur la plaine de Juvincourt, entre le « Bois des Buttes » tourné l’avant-veille et le « Bois des Boches », enlevé dans l’après-midi. »
Page 125 :
« A nouveau le front s’était figé. La bataille qui devait être la dernière de la guerre avait une fois de plus avorté. Bataille ? Non, massacre ! Ceux qui depuis toujours risquaient leur peau avaient, une fois de plus, payé en nombre imposant les lourdes fautes des généraux incapables qui n’en souffraient guère. »
Page 142 :
« Les deux salves de trois « cent cinq » venaient d’éclabousser l’eau de l’Aisne de chaque côté de la passerelle étroite réparée chaque jour par les gars du génie. On avait deux minutes. Temps considérable. La peur de la salve prochaine vous pousse à toute vitesse, vous et votre barda. On était passé, Roucy, village bombardé où l’on ne s’attardait pas. Plaisanterie habituelle : « ça sent le… Roucy ! » Les corps baignés de sueur avaient enfin gagné les baraquements de bois. Et c’était le repos – le filon, disait Boudois. »