Pierre Ambroise François Choderlos de Laclos est né à Amiens, en 1741. En 1759, il entre à l’école d’Artillerie de La Fère (Aisne).
En 1777, il est promu au grade de capitaine en second de sapeurs, et l’année d’après il commence à travailler sur son roman épistolaire, Les Liaisons dangereuses, qu’il termine en 1781.
L’ouvrage parait en 1782 et lui vaut la notoriété avec une réputation de scandale ; c’est à cette époque qu’il commence une liaison avec Marie-Soulange Duperré, fille d’un receveur trésorier de La Rochelle.
En 1784 nait, à Mortagne-la-Vieille, de parents inconnus, Etienne Fargeau.
Acte de naissance d'Etienne Fargeau
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Pierre Ambroise François Choderlos de Laclos et Marie-Soulange Duperré
Le 3 mai 1786, à La Rochelle, Pierre Ambroise, 44 ans, épouse Marie-Soulange, 26 ans. A cette occasion les époux « ont reconnu pour leur veritable enfant né de leur commerce charnel avant la celebration de leur mariage ; Etienne fargeau né le premier mai mil sept Cent quatre vingt quatre ».
Ils vivront jusqu’à la mort de Pierre une grande histoire d’amour et auront deux autres enfants.
Acte de reconnaissance d'Etienne Fargeau, à la fin de l'acte de mariage de ses parents.
Mais Pierre Choderlos de Laclos n’est pas seulement l’auteur des liaisons dangereuses. Militaire de carrière, il est nommé général de brigade dans l’artillerie en 1800, et inspecteur général d’artillerie en 1802.
Affecté au commandement de la réserve d’artillerie de l’armée d’Italie, affaibli par la dysenterie et le paludisme, il meurt en défendant Tarente (Italie) en 1803.
On lui doit, avancée majeure en artillerie, la mise au point en 1795 du boulet creux chargé de matière explosive éclatant à l’impact, ancêtre de l’obus.
Après sa mort, et conformément aux vœux de Laclos, le Premier Consul, Napoléon Bonaparte, accorde une pension de 1 000 francs à Marie-Soulange, sa veuve ; il fait entrer le fils aîné, Etienne Fargeau à l’Ecole militaire ; le second fils, Charles-Ambroise (1795-1844) au Collège militaire de La Flèche, d’où il fera une carrière militaire. Quant à la fille, Catherine-Soulange (1787-1827), elle épousera le colonel Duret de Tavel, auteur du Séjour d’un officier français en Calabre, paru en 1820.
Etienne Fargeau Choderlos de Laclos, l’enfant de l’amour, suit comme son père une carrière militaire. Du 24 Brumaire an XIV (15 novembre 1805) au 14 mars 1814, il rédige des carnets de marche qui seront publiés sous le titre « Le fils de Laclos. Carnets de marche du commandant Choderlos de Laclos, an XIV-1814 Suivis de lettres inédites de Madame Pourrat ». Lausanne, Payot, 1912.
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Extrait de la préface de cet ouvrage, par Louis de Chauvigny :
« Et les carnets avec leurs observations minutieuses, leurs notes quotidiennes, se succèdent les uns aux autres, toujours aussi modestes d’aspect, au cours des étapes et des cantonnements, des marches et des contre-marches, des reconnaissances, des escarmouches, des combats et des batailles, en Allemagne, en Prusse, en Pologne, à Tilsit, jusqu’à ce que le sous-lieutenant, devenu officier supérieur, aide de camp de S.-E. Mgr. le duc de Raguse, passe par Paris, entre l’Espagne et la Saxe, et achète enfin un agenda en maroquin, digne de sa fortune. »
Etienne Fargeau Choderlos de Laclos
Extraits du dernier carnet. La Campagne de France vient de commencer, bien que jalonnée de quelques victoires elle n’empêchera pas l’avance de l’armée ennemie, la prise de Paris et la chute de l’Empire.
Etienne Fargeau est aide de camp du maréchal Marmont*, commandant le 6e corps de la Grande Armée :
« Worms.
1er décembre (1813). Reçu mon brevet d’officier de la Légion d’Honneur. Nommé par décret de S.M. le 19 novembre.
8 décembre. Retour à Mayence. »
(…)
« 1er janvier 1814.
Le matin on était à Neustadt. On apprend que l’ennemi approche de cette ville. Départ de nos troupes pour aller à l’encontre. Entre Muttersdat et Oggerheim, on présume qu’ils sont en force. »
(…)
5 (janvier). Frankenstein. Long défilé ; il finit à Kaiserlautern, où s’établit le quartier général. Le peu de monde que nous avons force à la retraite. L’ennemi est beaucoup plus nombreux. »
Les évènements se précipitent, le commandant Choderlos de Laclos n’a plus le temps de noter les détails :
« 8. Parti de Sarreguemines, allé à Saarbruck par la traverse, 3 lieues.
Arrivé à Saarbruck. On fit couler les bateaux en éloignant les Cosaques à coups de canon. »
(…)
« 10 janvier. Passé à St-Avold. Gîte à Joinville, village à 1 lieue sur la route de Metz. Prise de position. »
(…)
« 12. Metz. L’ennemi suit toujours notre mouvement. »
(…)
« 18. Gîte à Verdun. Marche de nuit et très pénible. Temps affreux. »
(…)
« 23. Bar-le-Duc.
24. Heilz-Morupt (Heiltz-le-Maurupt). »
(…)
« 26. Arrivée de l’Empereur. Gîte à Heitz-Luthier.
27. Entrée des Français dans Saint-Dizier, en chassant la cavalerie ennemie. Cris d’allégresse et de grande joie. »
(…)
« 30. Vascy (Wassy) ; Revenu de mission auprès du général Duhesme, qui était à Doulevant. – Au retour à Dammartin-le-Franc, j’eus le bonheur d’échapper à une patrouille de Cosaques. »
(…)
« 1er février. Bataille près de Brienne.
2. Retraite, marche de nuit… »
Et la retraite se poursuit, « le fils de Laclos » passe l’Aube et arrive à Arcis-sur Aube le 3 janvier, à Méry-sur-Seine le 4. Il est à Nogent-sur-Seine les 6 et 7. Il fait une halte à Barbonne le 8, qu’il quitte pour se diriger sur Sézanne, Quartier général de l’Empereur.
« 10. Combat remporté par les Français à Champaubert. La victoire fut complète sur un corps russe. Nous les poussâmes jusqu’à Etoges.
10. Gîte à Etoges. L’armée du général Blucher est en présence. »
Mais ce n’est qu’un répit, la retraite se poursuit.
« 25. L’ennemi nous suivit jusqu’à la Ferté-Gaucher. Plusieurs engagements successifs eurent lieu avec notre cavalerie.
26. On continue à se retirer… »
C’est ainsi que le :
« 5. (mars). On arrive devant Soissons, qui est occupé par l’ennemi. On campe devant cette ville. Quartier général à Villeneuve, sur les bords de l’Aisne.
6. On lève le camp et, l’ennemi occupant encore Soissons, on remonte l’Aisne pour nous rapprocher de l’Empereur.
On passe la Vesle à Braisne, où l’on fit halte, et le quartier général y passa la nuit.
Le 7, départ de Braisne à 4 heures du matin. On passe à Fismes.
On prend la route de Laon.
Halte au beau château de M. de Charost-Béthune, à Ronsoy (Roucy), à une lieue et demie de Béry au Bacq (Berry-au-Bac)**.
7 mars. Béry au Bacq. On passe l’Aisne. Quartier général du 6e Corps.
8. Gîte à Corbeny, route de Reims à Laon.
9. Affaire malheureuse pour le 6e Corps, en avant de Fétieux (Festieux), près de Laon. C’est à la nuit que commença notre déroute. Perdu l’artillerie.
10. Retraite. Gîte à Fismes.
11. Ordre de se reporter en avant. Gîte à Ronsoy (Roucy), au château de M. de Charost.
12. On revient à Fismes.
13. Départ. L’armée se porte sur Reims. L’Empereur commande en personne. On n’entre dans Reims qu’après une vive résistance.
14. Cormicy, bourg à un quart de lieue de Béry au Bacq. »
C’est sur ces mots que s’arrête brutalement le dernier carnet de marche du commandant Choderlos de Laclos.
Mais il n’est pas tout à fait terminé. Mme de Laclos***, sa mère y ajoutera :
« Le 18 mars 1814.
Sa mère eut à le pleurer pour toujours.
Il fut tué sur le champ de bataille à Bac au Béry. »
Dans ses Mémoires, Marmont, duc de Raguse, écrivit :
« J’évacuai Béry au Bacq. Ma droite se replia sur mon centre placé sur les hauteurs de Pont à Vair, où l’ennemi travaillait à un passage que je contrariai. Un de mes aides de camp, officier très distingué, fils d’un homme fort célèbre à divers titres, bons et mauvais, Laclos, y fut tué. »
Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont, duc de Raguse
Notes :
*Etienne Fargeau était aide de camp de Marmont, duc de Raguse, maréchal d’Empire et pair de France, grand ami de sa famille et protecteur quasi paternel d’Etienne Fargeau et son éducateur militaire.
**Le 5 mars, l’empereur traverse Roucy, le 6 Marmont occupe le village avec ses troupes.
Le 7 mars, la bataille de Craonne se termine par une victoire des armées françaises contre les armées russes et prussiennes, mais le 10 mars, lors de la bataille de Laon, Napoléon doit se replier sur Soissons, puis sur Reims où il remporte une dernière victoire, le 13 mars 1814.
Pendant ce temps, Marmont, duc de Raguse, tient Roucy jusqu’au 18 mars. Ce même jour, à Berry-au-Bac, Etienne Fargeau Choderlos de Laclos tombe dans une embuscade. Il est tué par des cosaques, d’une balle dans la tête.
Après le départ de Marmont, Roucy est occupé par les cosaques (Baskirs) qui saccagèrent le château, et sans doute le village.
***Elle décèdera à Paris, le 6 avril 1832, à l’âge de 72 ans.