La rue de l'Auditoire, aujourd'hui rue de la Fontaine.
En 1833, Monsieur Delhorbe, ancien géomètre de première classe, habitant rue de l’Auditoire à Roucy, publie une deuxième édition, revue et corrigée, de son Nouveau traité de géométrie - Théorie-pratique, suivi de la division des champs, etc., imprimée à RHEIMS, Imprimerie GUYOT-ROBLET, rue des Deux-Anges.
Il n’est pas question de reproduire ici, même partiellement, cet ouvrage mais seulement l’intéressante préface de ce livre devenu fort rare.
N.B. : l’orthographe a été respectée.
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PREFACE.
Si les années pouvaient immortaliser un ouvrage ; si l’estime que plusieurs siècles lui accordent était un titre qui défendît de toucher au sujet dont il est l’objet, ou à la méthode de l’auteur, nous nous serions abstenu d’écrire. Il a existé, ce préjugé ! mais le temps heureux où nous vivons, et où l’esprit de servitude s’évanouit de plus en plus, l’a fait disparaître ! et surtout en particulier pour les sujets que nous entreprenons de traiter.
Déjà nous pourrions citer les noms des auteurs dont l’exemple nous mettrait à l’abri de tout reproche. L’assentiment qu’on a donné aux nombreux succès mérités par leur entreprise, en est la preuve ; mais si nous avons quelque chose à craindre, ce serait de vouloir être plus moderne que les modernes mêmes, plutôt que de suivre de près les anciens.
Si une entreprise heureuse était preuve sûre d’une habileté sublime et jamais le fruit d’un plus grand génie, ou d’une profonde érudition, cette pensée nous aurait imposé silence, et sur l’utilité de l’ouvrage que nous destinons au public, nous ne nous en serions rapporté, ni à nous yeux, ni à ceux de nos amis. Mais il y a longtemps qu’on a dit que l’homme d’une coudée voit plus loin qu’un géant, dès que celui-ci veut bien l’élever sur ses épaules. Il se passe quelquefois un demi-siècle avant de voir un nouvel auteur qui ait en même temps et assez de courage, d’étendue d’esprit et de pénétration pour s’ouvrir un chemin à ce que les autres hommes regardaient comme inacessible. Il n’appartient encore qu’aux génies du premier ordre de tracer un sentier nouveau à ce qui est déjà connu, surtout quand la route ordinaire, a pour elle, outre la force de la coutume, le poids des préjugés autorisés par des siècles. Mais dès qu’une fois on a appris à se former sur ses exemples, à se servir de ses yeux, à faire usage de ses forces, choisir des sentiers et s’ouvrir des passages, en un mot, à marcher autrement que sur les pas et précisément sur les traces d’un autre, alors, quoiqu’avec un génie inférieur, quand à une bonne intention on joint une grande assiduité, on peut aussi aligner des routes, aplanir des chemins, en trouver de plus courts et de plus aisés. Loin d’obscurcir la gloire de ceux qui ont défriché le terrain, arraché les broussailles, élargi et redressé les voies d’une ténébreuse forêt, où on n’avançait qu’avec force, fatigue et peines, après une infinité de détours, on y contribue plutôt en perfectionnant leur ouvrage, dès qu’on a soin de profiter du jour qu’ils ont donné.
Il est toujours facile d’embellir un sujet sur lequel on voit plus clair.
Un temps était, et il n’est pas fort éloigné du nôtre, où il fut défendu de penser de devenir géomètre par principes, sans se rendre les auteurs du premier rang, familiers. Prévenu de leur opinion, on semblait croire que la route qu’ils ont tracée fût la seule. Il n’était pas facile de donner un nouvel ordre à ce qu’une habitude affermie par des actes cent fois réitérés, et une application infatigable avait rangé d’une certaine manière. La nature même, et le nombre des choses auxquelles il fallait donner une disposition nouvelle, augmentaient la difficulté du projet. Il s’agissait de classer un nombre considérable de propositions dont la plupart n’avaient presque point de liaison entr’elles, et de les mettre dans un ordre qui parût naturel à les imprimer dans la mémoire et à les retenir chacune dans la place qui pût lui convenir. On a osé l’entreprendre, mais cette réforme peut n’avoir pas été portée à sa perfection. Il se pourrait que les premiers auteurs n’y aient pas donné assez de temps, dans la louable impatience où ils étaient de passer a des études dont la sublimité semblait avoir plus de rapport à leur vocation.
L'une des planches illustrant l'ouvrage.
Gardez-vous d’exécuter un plan au moment où vous en avez conçu le projet ! Laissez refroidir la prévention que vous avez naturellement de vos propres idées : il est bon de se donner le temps de les oublier, pour être en état de rectifier les premières impressions, et de construire enfin un édifice solide et plus régulier.
Les éléments de géométrie théorie-pratique que nous avons traités, sont destinés à l’utilité des commençans. Aussi tout y est succinct et précis : point d’idées vagues qui rebutent plutôt les élèves que de les attirer. Il leur semble ne rien saisir, et ils ont besoin de toute leur confiance en celui qui les enseigne, pour ne pas s’imaginer qu’on les promène dans le pays des ombres et qu’on ne les repaît que de vent. C’est par des raisonnements justes, lumineux et évidens, qu’on les oblige, en quelque sorte, sans qu’ils le veuillent, de quitter l’ornière où ils semblent être enrayés depuis longtemps.
Autres planches
Deux motifs ont dû nous porter, à ne point insérer dans cet ouvrage, les noms, axiôme, théorème, lemme, corollaire, scolie et problème : le premier, que leur usage n’ajoute rien à la clarté des démonstrations ; le second, que la diversité de ces noms fait prendre le change aux élèves, et les conduit ordinairement sur une voie dont l’issue leur est inconnue. Mais s’il leur arrivait d’ouvrir d’autres livres, pour qu’ils ne se croient pas en pays étranger, nous les avertissons, que, axiôme signifie une proposition évidente par elle-même.
Théorême, une proposition qui fait partie de la science de laquelle il s’agit, mais dont la vérité, pour être apperçue, exige un discours raisonné, qu’on nomme démonstration.
Lemme, une proposition, qui ne fait pas essentiellement partie de la théorie, mais qui sert à faciliter le passage d’une proposition à une autre.
Corollaire, une conséquence tirée d’une proposition établie.
Scolie, une remarque ou une récapitulation de ce qui précède.
Problème, une question qui a pour objet, ou d’exécuter quelque opération, ou de démontrer quelque proposition.
Pour atteindre le but que nous nous sommes proposé d’arriver au port où tendent nos désirs, il a été confié à la vérité seule, le soin de conduire nos pinceaux. C’est de cette vérité même, que sont sortis les matériaux composant cet ouvrage. Assiduité dans l’application, sévérité dans l’exactitude, y ont été apportées ; d’ailleurs, tout ce qu’il contient doit être vrai, et peut se vérifier, la plume, le compas et le crayon à la main.
Que l’auteur tremble, s’il n’a pas rempli la tâche qu’il s’est imposée ! car il se verra infailliblement obligé de comparaître devant le tribunal des convenances, où il sera libre d’être le juge de sa cause, et où aussi il sera contraint de se condamner en dernier ressort et sans recours.
Quand un livre de géométrie devient herbier.
Table des matières.