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4 novembre 2009 3 04 /11 /novembre /2009 13:11
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Biographie de Yves GIBEAU

 

Naissance

Yves GIBEAU est né le 3 janvier 1916 à Bouzy des amours furtives d’une fille du village et d’un fusilier-marin italien en permission, disparu sans laisser d’autres traces qu’un rejeton et le pompon de son béret. Ses grands-parents maternels dont Yves Gibeau, né Yves Auguste REGNAULT, a porté le nom à la naissance tenaient alors une épicerie dans ce village de la Marne.

Deux ans plus tard, sa mère se marie avec un sergent français de l’infanterie coloniale qui adopte l’enfant.

Le grand-père - Champigny - Avaux

Le beau-père d’Yves GIBEAU, prend sa retraite de l’armée. Instable, il entraîne la famille dans de nombreux déménagements. « Mes parents, ils ont toujours eu la bougeotte. Ils aimaient le changement, la variété. Ils espéraient je ne sais pas trop quoi. Ils s’emmerdaient surtout. L’un à cause de l’autre et vice et versa. On a beaucoup roulé. Déménagé plus de trente fois. Essayé des tas de métiers ». 

C’est à Champigny, dans la banlieue parisienne, vers ses onze ans qu’il découvre les livres du grand-père maternel. « Je l’ai tellement tarabusté, le grand-père, qu’il a cédé à la fin. C’étaient ses livres, des centaines, empilés tassés, avec des couvertures en couleur, des dessins terribles… 

-         Tu les liras plus tard, a dit le grand-père…Faut d’abord que t’aies ton certificat… »

Après avoir tenu une mercerie, assez prospère, ses parents s’installent dans une fermette à Avaux, dans les Ardennes, près des grands-parents.

La vie est rude, rustique et financièrement difficile. Yves GIBEAU scolarisé en primaire est un excellent élève mais il n’éprouve aucune attirance pour les travaux agricoles. « J’avais onze ans passés, j’étais bâti, et à la campagne on leur apprend vite aux enfants que le pain quotidien faut le mériter, que les alouettes, comme ils disent les sentencieux, elles vous tombent pas rôties dans le bec. Mon père a voulu m’initier, et j’ai pas mis long à m’en dégoûter de la culture. » Passionné de livres et de cinéma, c’est au milieu des livres et des revues, dans le grenier du grand-père qui avait suscité son goût pour la lecture, qu’il vécut les plus belles heures de son enfance, tout en fuyant les corvées et les travaux de la ferme.

« Je l’ai eu, mon certif. Premier du canton même. Et les cent points maximum presque. Si j’en parle, c’est à cause d’un autre grenier et des livres. On avait encore déménagé pour le pays de culture dans les Ardennes. C’était celui du grand-père, par parenthèse. Ils avaient suivi lui et la grand-mère, comme d’habitude, pour aider aux frais une dernière fois, j’ai su. »

« C’est chez eux, dans la maison qu’ils habitaient pas loin de la ferme, qu’on l’a fêté mon certif. » Dès la fin du repas il part en douce, grimpe dans le grenier et vide toutes les caisses de livres. « Mon grand-père, en tout cas, quand il a vu l’étalage au grenier, le tri et le classement, il en revenait pas…S’il a pas rouspété ce jour-là dans le grenier, s’il a ri au contraire, en me frottant gentiment la tête, peut-être qu’il se doutait, mieux que moi à l’époque, que j’allais en voir des dures, et que j’avais bien raison de jouir de mon reste, une expression à lui. » 

 

Ses parents, au bout de 2 ans, renoncent à cette vie miséreuse et déménagent de nouveau, mais pour Yves GIBEAU une nouvelle vie va commencer.

 

Mais c’est aussi à Avaux qu’il connaîtra plus tard ses premiers émois amoureux, à près de dix-huit ans, invité au mariage d’une cousine pendant ses grandes vacances d’enfant de troupe. « On n’a pas fait grand-chose ensemble, et surtout pas le principal. On se voyait qu’aux permissions, et pas longtemps.»

« J’y ai repensé à mon amour de jeunesse en parcourant le pays… C’était pas si loin il m’a semblé… A la lisière du village, derrière les fermes, il y avait encore le transformateur électrique. Je m’y suis appuyé un moment. Comme une nuit, avec la grande fille contre moi. »   

 

L’armée

A 13 ans, son beau-père, militaire de carrière, le fait entrer dans l’armée. Enfant de troupe aux Andelys puis à Tulle, de 1929 à 1934, il endurera les pires tourments sous les drapeaux.

Il effectue un stage à Saumur en 1934 et quitte l’armée cinq ans plus tard, en 1939, à l’expiration de son contrat, après avoir été cassé du grade de brigadier-chef. « Je n’avais aucune capacité de commandement, volontairement d’ailleurs ».

Yves Gibeau a porté l’uniforme militaire pendant plus de dix ans, mais il est rappelé presque immédiatement, en août 1939, à Châlons-sur-Marne pour défendre la patrie. Il tombe alors entre les mains des Allemands, en 1940, à Malo-les-Bains près de Dunkerque.

Il sera envoyé au Stalag XI B en Prusse orientale jusqu’à sa libération en 1941.

 

La vie civile

De retour en France, il vit à Marseille jusqu’à la Libération. Il revient alors à Paris où il écrit son premier livre, Le Grand Monôme qui sera publié en 1947 et lui vaut une bourse Blumenthal.

A Marseille puis à Paris, il connaît les petits boulots : camelot en pacotilles, mitron, moissonneur, comique (plus lunaire que vraiment troupier), caissier à Marseille dans un cabaret tenu par des truands corses, artiste de bastringue, figurant de cinéma, chansonnier dans une revue parisienne, commis d’agent de change…

 

Le journaliste

En 1947 il rencontre Raymond Aron qui le fait entrer à Combat. C’est Albert Camus qui en est le directeur.

En débutant dans le journalisme, la route de Gibeau croise celles des géants de la littérature.  Camus lui demande ainsi de rédiger une critique à propos d’un spectacle donné à l’A.B.C. à Paris, le jour de leur première rencontre. « J’ai rapporté mon petit papier. Il l’a lu et m’a dit « Nous n’aurons plus de publicité à l’A.B.C. mais cela n’a pas d’importance ». J’ai trouvé cela extraordinaire ».

Les deux auteurs se retrouvent sur la même longueur d’onde. Ils partagent en commun la volonté d’exprimer l’absurde qui broye les hommes et les divise.

 

Boris Vian

Boris Vian, qui vient de terminer L’herbe rouge, appartient lui aussi à ce courant de pensée. Il a semble-t-il été influencé par Gibeau, alors penché sur le manuscrit de Allons z’enfants, pour écrire Le déserteur, chanson qui témoigne de cette communauté de vues qui stigmatise l’armée. A cette époque, Boris Vian cherche un appartement, Gibeau lui en trouve un sur son palier. C’est d’ailleurs Boris Vian qui lui construira sa première bibliothèque. En 1952, deux ans avant Le déserteur, Boris écrit la chanson Allons z’enfants sous-titrée « petite marche gibaldienne » qui sera mise en musique et interprétée par Mouloudji.

 

Le cinéma

Passionné de cinéma, Yves Gibeau collectionne des dizaines d’affiches de films, devient figurant et l’ami d’Yves Montand et de Simone Signoret. Il donne même la réplique, à Simone Signoret qui tourne Les démons de l’aube.

 

Combat - Constellation – L’Express

Journaliste à Combat de 1947 à 1952, il devient correcteur puis rédacteur en chef de la revue Constellation, et enfin secrétaire de rédaction à l’Express.

Passionné de mots-croisés, Yves Gibeau a très vite rêvé d’en fabriquer lui-même. « Cela remonte au numéro zéro du magazine Constellation. J’y suis resté vingt-et-un ans… Ensuite, j’en ai publié dans des revues confidentielles et l’Express désirant avoir quelqu’un en exclusivité, on m’a demandé de les faire… » « Je compte trois à  quatre heures pour bâtir la grille, si tout va bien, je peux en finir en deux heures. Mais il me faut environ un jour et demi au moins pour les définitions."   

 

Le sport

Passionné de sport (surtout d’athlétisme) il suit le Tour de France 1954 avec son ami Antoine Blondin

 

Les romans

Ecrivain discret, Y. Gibeau était un grand styliste.

Il publie Et la fête continue (1950), Les Gros Sous (1953) Prix du roman populiste, La Ligne droite (qui obtient le Grand Prix de Littérature sportive en 1957). Dans son ouvrage le plus connu, Allons, z'enfants... (1952), il revient sur son passé d'enfant de troupe en décrivant un milieu où il met en évidence la bêtise et la brutalité. 300 000 exemplaires seront vendus dès sa parution. Il rate de peu le prix Interallié. Furieux, Boris Vian dénonce les pressions du ministère de la Défense sur le jury. Sa lecture valut aux appelés d'Algérie qui osèrent le faire circuler quelques séjours au « trou ». Etienne Lalou fut un temps écarté de la radio pour avoir osé en parler avec chaleur.

 

La Guerre c’est la guerre

Et puis il « commet », en 1961, le pamphlet fatal : La guerre, c’est la guerre, un salut aux armées en forme de bras d’honneur. Le salut n’ayant pas été compris, mais alors pas du tout, même des bons entendeurs, Yves Gibeau cesse d’écrire et disparaît comme par enchantement.

Il s’est seulement retiré des jeux mondains auxquels le conviait la carrière, leur préférant de beaucoup les mots-croisés.  

 

Gibeau collectionneur

Correcteur à l’Express pendant quatorze ans, il meuble son temps disponible à constituer plusieurs collections qui lui tiennent particulièrement à coeur. Son grand-père est mort lorsqu’il avait 20 ans, ses livres ont été éparpillés puis perdus. Gibeau se fera un honneur de les retrouver et de les acheter. "Je les ai tous retrouvés. Avec de l'acharnement, de la patience, du pognon aussi. Il serait content le grand-père s'il savait. S'il savait que j'en ai écrit à mon tour des livres. Des histoires qu'il aurait sûrement aimées."

 

Le film

En 1981, Yves Boisset adapte Allons z’enfants  qui raconte sa cruelle expérience de l’armée, sans qu’on mesure réellement sa souffrance et son acharnement à crier sa révolte. Il devient néanmoins un des plus brillants pamphlets anti-militaristes de l’histoire du cinéma.

 

Roucy et le Chemin des Dames

A la même époque Yves Gibeau s’installe à Roucy, dans l’Aisne, à une portée de fusil du sanglant Craonne et de ses champs de bataille. « Il ne faut pas prononcer Cra-honne, mais quelque chose comme Crâne ! Crâââne avec de la fierté, un peu plus de profondeur caverneuse que parlant de l’ossement. »

Cet anticlérical devient l’hôte d’un ancien presbytère, à côté d’une église. Ce pacifiste, antimilitariste, va devenir le veilleur du Chemin des Dames. 

Dans les couloirs de son habitation, comme dans son bureau, des citations d’auteurs traduisent sa passion des mots, ses liens de parenté comme son souci d’indépendance. Elles font parler les murs, punaisées comme des avertissements. Dès l’entrée, Mauriac hurle en lettres capitales : « Y a-t-il ici seulement quelqu’un à qui parler de Tchekhov ? ». A l’étage, le fantôme d’Henri Calet tient le visiteur à distance : « Ne me secouez pas, je suis plein de larmes ».    

Il consacre désormais toute son énergie à ses 8 000 livres, classés soigneusement, qu’il recouvre méticuleusement de papier cristal. Il caresse parmi eux les titres mythiques de la collection de son grand-père maternel.

Ce cinéphile qui voulait devenir metteur en scène a également enregistré 3 600 cassettes vidéo et recensé tous ses films sur des fiches. Deux mille disques, des journaux, des cartes postales, des partitions ont encore été amassés à son domicile où ce sentimental impénitent, nostalgique du passé, pratique le culte de la mémoire.

 

Attaché à cette terre meurtrie du Chemin des Dames, comme à un cordon ombilical, l’écrivain arpente sans relâche les labours infinis de cette terre dévastée qui l’obsède et le tourmente comme une plaie à jamais ouverte. Il se remémore la souffrance des combattants entre 1914 et 1918, et scrute chaque jour, de son regard d'un bleu perçant, l'horizon encore funeste du passé. Il y cherche la trace de son géniteur dans les cimetières mais cet antimilitariste y récolte aussi tous les témoignages de la présence des soldats comme des bouts de vêtements, des restes de barbelés ou des armes rouillées qu'il entrepose dans son grenier.
Son grenier était « un dépôt de mémoire active », dit l’historien Philippe Gagen et Jacques Jouet d’ajouter : « Yves Gibeau collectionnait la guerre pour en entretenir la haine ».

 

« Et le Bois des Buttes ? Connaissez-vous le Bois des Buttes ?  C’est là qu’Apollinaire a reçu sa blessure, pendant la Grande Guerre. Je rêve d’y faire ériger une stèle à sa mémoire. »

En 1990 il y fait ériger à ses frais une stèle en l’honneur du poète qui y a été blessé en 1916.

 

Ni mondain, ni écrivain à la mode style cocktails et interviews, Yves Gibeau n’est pas facile à rencontrer. On peut le croiser, à Reims, au Café du Palais où il prend souvent ses repas, parfois avec Cabu, ou au Relais Sainte-Marie, à la Ville-aux-Bois-les Pontavert, à deux pas du Bois des Buttes.

 

A partir de 1981 le photographe Gérard Rondeau parcourt régulièrement le Chemin des Dames avec Yves Gibeau, le suivant dans ses pérégrinations. Une solide amitié s’est forgée entre eux. Ses premières photos d’Yves Gibeau  remontent à la rencontre entre l’écrivain et le photographe à Roucy. A la disparition d’Yves Gibeau, Gérard Rondeau photographiera sa maison agonisante. Il le fera pendant plusieurs années pour suggérer à la fois sa présence encore dans les murs et son absence, mais aussi le temps qui passe. « Le presbytère est une porte ouverte sur tout, une porte d’entrée sur la mémoire ». Il lui consacrera un livre Les fantômes du Chemin des Dames. Le presbytère d’Yves Gibeau (Editions du Seuil, 2003)  et un film documentaire Le Presbytère d’Yves Gibeau (Sodaperaga / France 3 Lorraine Champagne Ardenne).

 

Mourir idiot

En 1988, Mourir idiot signe le grand retour d'Yves Gibeau au roman. Un livre poignant où brûlent la difficulté d'être et la rage des mots. Un pèlerinage de la conscience et du souvenir.

 

 « Mourir idiot, c’est le dernier livre d’Yves Gibeau qui, à la manière d’un conteur et dans un style aussi savoureux qu’inlassable, nous raconte son histoire et le mal qu’il a à vivre parmi les hommes. Confidence d’une souffrance, c’est l’aventure d’un anarchiste et auteur de livres qui règle un peu ses comptes tout en livrant ses petites joies inattendues. Les « galères » sont vécues et nous valent des pages superbes sur la condition d’écrivain dans une petite commune de l’Aisne. C’est du fond du cœur, après un silence de plus de vingt cinq ans, qu’Yves Gibeau nous offre ce voyage à rebours dans la veine de son premier livre Allons z’enfants. » E. Bluteau

 

Gibeau n’est pourtant pas toujours tendre pour certains habitants de ce canton héroïque de l’Aisne où il a choisi d’achever sa vie. 

A Roucy, le romancier n’est pas aussi seul qu’il le prétend. Les villageois le respectent plus qu’il ne le pense. Ici, le romancier est un peu ce que fut le poète Paul Verlaine, dans le village ardennais de Juniville : un homme pas comme les autres.

 

Le vieil homme au regard clair et à la voix douce a conservé malgré les années son tempérament de rebelle. « J’ai toujours été sincère, ça c’est certain. J’ai un coup d’œil très critique sur l’humanité, tout en sachant bien ce que je vaux, ce que je suis ».

 

Fidèle à cette maxime de Dostoïevski « l’humanité sauvera le monde », Yves Gibeau rencontre souvent les élèves de Laon ou de Corbeny pour dialoguer. Entre les générations, un pont est suspendu. Et les adolescents découvrent un adulte qui au fond leur ressemble car il a  la même soif de partage.  

 

La mort

Yves Gibeau s’est éteint paisiblement le 14 octobre 1994, dans sa maison de Roucy, à l’âge de 77 ans.

 

Collectionneur de mots et de définitions également, il a livré chaque semaine, jusqu’au jour de sa mort, une grille de mots croisés à L'Express.

« Yves Gibeau était à nous, un peu nous, corrigeait nous, écrivait nous. Il connaissait la grammaire comme personne d'entre nous. Le vocabulaire était son empire. Il nous «révisait». On osait écrire. On avait intérêt à la fermer. On la fermait… Aujourd'hui, ces gens, ces gens d'ici, de ce journal, en ont du regret. Une douleur. Yves était l'ancien emmerdeur, qui souhaitait, simplement, en ronchonnant, que L'Express fût un mot français. Il l'était devenu. En huit lettres au 1 horizontal. Dans une grille de maux croisés. Une grille où il n'y aura jamais de place pour les cinq lettres d'oubli. » Jean-Pierre Dufreigne de L’Express.

 

L’enterrement

Il put être inhumé, selon son souhait et grâce à la détermination du maire, Noël Genteur, dans l’ancien cimetière de Craonne  « Je voudrais être enterré ici. Le maire de Craonne me l’a promis. C’est tellement beau. »

Le lundi 17 octobre, guidés par le père René Courtois qui l’a souvent accompagné sur le Chemin des Dames et qui prononcera l’éloge funèbre, trois cents personnes ont formé un cortège conduit par les membres de la famille et des amis de l’écrivain. Ils ont poussé une petite charrette en bois portant son cercueil recouvert d’un catafalque violet.

La veille, les fossoyeurs avaient creusé le sol. Ils avaient découvert à l’emplacement choisi par l’écrivain une douille d’obus de 75 de la guerre 14-18.

Durant la minute de silence un coup de tonnerre étouffé et furtif s’est fait entendre dans le lointain.

Il n’a manqué que le Requiem de Fauré qu’il aurait aimé pour son enterrement.

 

Son fantôme court toujours sur la crête du Chemin des Dames sans doute à la recherche  de ce père inconnu qui y a combattu et peut-être laissé la vie.

 

L’hommage de Charles Juliet :

« Je l’ai peu connu mais j’avais pour lui beaucoup d’estime et d’amitié.

Nous avons fait connaissance il y a cinq ans. Après la parution de « l’Année de l’éveil » - ce récit dans lequel j’ai relaté la seconde des huit années que j’ai passées dans une école d’enfants de troupe -, une librairie parisienne m’avait organisé une séance de signatures. A peine étais-je arrivé qu’un inconnu m’avait tendu la main. Crâne dégarni, cheveux blancs, barbe blanche, les yeux d’un bleu intense, c’était l’auteur d’ « Allons z’enfants ». J’étais surpris et confus. Faute de posséder son adresse, je ne lui avais pas envoyé mon livre.

Pourtant, en l’écrivant, j’avais bien souvent pensé à lui. Et six mois avant ce jour qui nous voyait réunis, j’avais lu avec un intérêt des plus vifs « Mourir idiot », ses Mémoires.

Par la suite, nous avons échangé des lettres, puis nos livres, et je l’ai rencontré à quelques reprises.

C’était un homme meurtri, douloureux, perpétuellement blessé par tout ce qui enlaidit l’existence. La première moitié de sa vie avait été marquée par trop de souffrances, trop de déceptions, et il ne pouvait se résoudre à admettre que les hommes fassent si souvent preuve de bassesse, de dureté, soient capables de tant de vilenie.

A la fin de ses Mémoires, il égrène les noms de Céline, Guérin, Bove, Calet, Hyvernaud… « Tous les dégoûtés du monde ou d’eux-mêmes », constate-t-il. Par le talent, la sensibilité, la douleur qu’il portait en lui, il appartenait à cette famille. Son indignation et son amertume étaient à la mesure de son besoin de concorde, de fraternité, de propreté morale. On aura compris qu’il était un être profondément émouvant. »

 

Péronne

Grâce à Gérard Rondeau, l’Historial de la Grande Guerre à Péronne dans la Somme accueille les vestiges qu’Yves Gibeau avait amassé au cours de ses incessantes balades sur le Chemin des Dames : obus, grenades, armes rouillées, boutons de vêtements et objets ayant appartenu aux soldats. « Je récupère des boutons, des pièces… Ce n’est pas par morbidité ou par goût de l’armée, mais cela me bouleverse. Je suis toujours aussi ému quand je me balade dans les cimetières militaires. »

 

Les Dingues

Après sa mort, en 2004, sera publié le roman Les Dingues écrit quand il travaillait à Constellation.

 

Le Prix Yves Gibeau

Organisé par l’inspection académique et le village du livre de Merlieux, le prix Yves Gibeau existe depuis 1994. Décerné par un jury composé de collégiens et lycéens volontaires, de la classe de quatrième à la terminale, qui se réunissent tout au long de l’année lors de débats, il récompense une œuvre littéraire choisie parmi cinq ouvrages d’auteurs contemporains parus en édition de poche.

 

Bibliographie :

-          Cinq ans de prison avec M. Blézot, M. Bruezière, M. Gabé et J. Darlac. Editions Malesherbes, 1946.

-          Le grand Monôme. Calmann-Lévy, 1947.

-          …Et la fête continue. Calmann-Lévy, 1950.

-          Allons z’enfants. Calmann-Lévy, 1952 (adapté au cinéma par Yves Boisset en 1980).

-          Les gros sous. Calmann-Lévy, 1953 (Prix du roman populiste 1953).

-          La ligne droite. Calmann-Lévy, 1956 (Grand Prix de Littérature sportive 1957 et qui sera adapté au cinéma par Jacques Gaillard en 1961).

-          La guerre, c’est la guerre. Calmann-Lévy, 1961.

-          Mourir idiot. Calmann-Lévy, 1988 (sélectionné pour le prix Goncourt).

-          Les dingues. Edition des Equateurs, 2004. 

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commentaires

C
QUE VA DEVENIR LE PRESBITER QUI TOMBE EN RUINE REGARDER LE TOIT SUR LA DROITE COTER CHEMINEE LE TOIT VA S ECROULER UN JOUR FAUT LE METTRE EN VENTE AVANT QUE TOUT S ECROULE ET QUE CELA NE VAL PLUS<br /> RIEN
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P
<br /> Yves Gibeau, quel souvenir !<br /> Amoureux moi aussi du Chemin des Dames, j'avais projeté il y a bien longtemps maintenant, de visiter l'église de Roucy. Pour obtenir la clef, je frappe à la porte la plus proche et c'est le célèbre<br /> écrivain qui m'ouvre avec un air bourru. L'ami qui m'accompagnait, connaissait les oeuvres de Gibeau, ce qui rendit notre homme beaucoup plus aimable. Mais de l'édifice religieux, point de clef.<br /> Nous nous sommes donc contentés de marcher dans les rues de ce village chargé d'histoire. Ah les fameux comtes de Roucy qui voisinaient avec les non moins célèbres comtes de Coucy. La Picardie est<br /> une terre d'émotion.<br /> <br /> <br />
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