Le 3 août 1914 l’Allemagne déclare la guerre à la France et à la Belgique.
Le 4 août le Royaume-Uni déclare la guerre à l’Allemagne. Aussitôt, un Corps expéditionnaire britannique (la British Expeditionary Force) est envoyé pour participer aux combats en France et en Belgique.
L'Infanterie Anglaise arrivant en France.
L'Artillerie Anglaise se rendant sur le front.
En mai 1918 le quartier général de la 8e Division Britannique se trouve à Roucy où d’importants combats vont se dérouler.
Le château de Roucy siège, en mai 1918, de la 8th Infanterie Division Britannique.
Nous publions sur cet épisode, et avec son aimable autorisation, un article de Jean-Louis LEGAY paru dans la revue Entre Deux Terroirs. Qu’il en soit remercié.
N.B. : nous nous sommes permis d’ajouter quelques illustrations.
Entre Deux Terroirs
N° 56
AVRIL-JUIN 2008
HISTOIRE : Mai 1918, de l’Aisne à la Vesle, trois jours de cauchemar pour les Anglais
Par Jean-Louis Legay
Il y a 90 ans, le 27 mai 1918, notre région voyait une nouvelle fois les armées allemandes passer sur son sol. Le IXe Corps de l'armée britannique était là. Il a tenté de résister. Pour lui rendre hommage, j’ai choisi de vous présenter le récit d’un jeune officier britannique, Sidney Rogerson, qui exerçait dans les transmissions et le transport au sein de la 8e Division. Il raconte son histoire, celle de son unité, qui en mai 1918 a dû faire face à l’offensive allemande dans un livre intitulé « The last of the ebb » (1). Il raconte l’attaque qui traverse notre région, de l’Aisne à la Marne, en passant par Roucy, Ventelay, Montigny, Jonchery, …après avoir parcouru vingt-sept milles (2) en quatre jours à travers bois et collines, en traversant trois cours d'eau, sous la chaleur d’un printemps torride, avec des rations insuffisantes et pratiquement sans appui d'artillerie, sans appui d’aviation. J’ai souvent utilisé les termes de son texte imagé qui rendent parfaitement compte de la situation du moment.
Le IXe Corps d'Armée Britannique, P.C. à Jonchery-sur-Vesle, a 3 divisions en ligne et une en réserve. En ligne, la 50ème D.I. Britannique, P.C. à Beaurieux, la 8ème D.I. Britannique, P.C. à Roucy, la 21ème D.I. Britannique, P.C. à Châlons-le-Vergeur. En réserve, la 25ème D.I. Britannique, P.C. à Montigny-sur-Vesle. |
En 1918, lors de cette deuxième bataille de l'Aisne, le IXe Corps de l'armée britannique a été presque entièrement détruit. Il comprenait avant la bataille de l’Aisne, les 8e, 21e, 25e et 50e Divisions qui avaient été fort malmenées pendant la grande offensive allemande de mars 1918 dans la Somme. Il avait été envoyé au repos dans l'Aisne, secteur supposé tranquille, placé sous commandement français, dans le cadre de la VIe Armée française. Le IXe Corps va prendre la garde du front entre Craonne et Loivre.
Bataillons anglais revenant des lignes, sur une route du front de l'Aisne.
Bien que les traces de l’offensive française de 1917 soient encore visibles, les Anglais furent surpris de trouver là une région verdoyante, avec de grands bois, des ruisseaux et des rivières, loin de la boue des tranchées de la Somme.
On les avait placés en avant des barrières naturelles que sont l’Aisne et le canal. Leur Chef de Corps, Alexander Hamilton-Gordon, aurait préféré se tenir en arrière, mais le Commandement français, le général Duchêne en avait décidé autrement ; il fallait tenir les saillants durement conquis, le plateau de Californie, le bois des Buttes, le plateau de Gernicourt, 1a ligne des villages de Cormicy, Cauroy, Villers-Franqueux, Thil et Saint-Thierry. La vie s’écoulait tranquillement. On ne s’attendait ni à attaquer, ni à être attaqué. A partir de mi-mai, le secteur était toutefois devenu trop calme. Des prisonniers allemands capturés, des déserteurs et des prisonniers français échappés disaient qu'une grande attaque allemande était imminente. Le Commandement l’a ignoré ; il n’a pas changé sa défense.
Soldats de l'Infanterie Anglaise entourant "un jeune volontaire" français.
Contrairement aux Français dont la politique est de ne « jamais déranger un nid de guêpes », les Anglais avaient pour règle de harceler continuellement les Allemands. Un ennemi calme est un ennemi qui doit être suspecté.
Le quartier général de la 8e Division se trouvait à Roucy dans le château perché sur la colline à la vue des tranchées allemandes. Une sensation de malaise commençait à se propager parmi les troupes anglaises.
Infanterie anglaise occupant un village français.
La nouvelle est parvenue le 26 mai à 3 h 45. L'ennemi devait attaquer le lendemain sur un large front à une heure du matin. Notre conteur, Sidney Rogerson, remarque : « Ainsi, le coup est tombé. Pour la troisième fois, nous avons à supporter le poids d'une offensive ennemie. »
Au Bois des Buttes, le 2e Devon s’est préparé avec difficultés car les tranchées et les souterrains n’avaient pas été explorés avec minutie. A 9 h, un feu de harcèlement a été ouvert sur l’ennemi. Sydney écrit : « La forte détonation des dix-huit livres se mêle au bruit rauque des obusiers ». L’ennemi n’a pas riposté. Le silence a persisté pendant des heures. Sidney raconte : « J'ai pris un whisky-soda… quand soudain whizz-plop! whizz-plop! Deux obus allemand de gaz ont éclaté à portée de main » et le déferlement de feu et de fer a commencé autour du Bois des Buttes. Il était 1 heure du matin le 27 mai.
Batterie d'artillerie anglaise en action.
Les hommes se sont précipités dans les abris, ont mis leur masque à gaz. Par manque d’électricité, tout fut plongé dans l’obscurité. « C’est la descente aux enfers ». Au fond des tranchées et des sapes, dans la foule des soldats qui se bousculent, dans les odeurs de transpiration, le gaz a commencé à pénétrer. Les masques à gaz ont été endossés à la hâte et les entrées des abris fermés avec des couvertures. Des braseros d’éclairage furent placés dans les escaliers. Le gaz ne pouvait plus entrer, l’air non plus. C’était presque l’asphyxie.
Sydney obtint quelques informations. Le Middlesex, tout proche, étaient terriblement battu. Vers 5 h 30 il a été indiqué que l’ennemi avait rompu la ligne de bataille et progressait vers la Ville-aux-Bois. La position du Bois de Buttes n’était plus une forteresse mais un piège mortel. L’ordre fut donné de quitter les lieux, d’abandonner tout, sauf la boîte contenant les envois confidentiels que Sydney prit sur ses épaules.
La Ville-au-Bois - Le Bois des Buttes.
Lorsqu’il sortit, la poussière tourbillonnait dans la tranchée. Dès qu’il eut parcouru vingt mètres, les lunettes de son masque à gaz se couvrirent de buée. Il heurta le mur de tranchée, et se retrouva seul. La peur l’envahit. Il croisa deux officiers avec qui il tenta d’atteindre le bois de Gernicourt. Aucun d'eux ne connaissait le chemin. A peine étaient-ils arrivés au bord de la rivière, dans les roseaux et les saules, que des obus de gros calibre tombèrent propulsant de grands geysers de boue noire. Ils cherchèrent frénétiquement un pont en amont, mais il n'y en avait pas. Après avoir perdu ses compagnons, Sydney tenta de traverser la rivière. Le masque suffocant sur le nez, un bras tenant la boîte des messages et ses effets personnels, il essaya de nager d’un seul bras. Pressé par une mitrailleuse allemande, il perdit toutes ses affaires et les documents dont il avait la charge. Il se résolu donc à progresser sur la rive au milieu des orties pour finalement arriver au pont de Pontavert, lequel était copieusement arrosé par l’ennemi. Le général de brigade debout, bâton dans la main, dirigeait tranquillement les blessés. « J'étais sans armes, sans masque à gaz, j'avais perdu l'agenda, mes vêtements humides accrochés sur moi comme un cataplasme » ; voici comment il se décrivait à cet instant. Il a pu se faire conduire à Roucy. En moins de dix minutes il était en sécurité dans une maison derrière la ligne de tir où, après un bain et après avoir mis des vêtements secs, il prit un petit déjeuner avec du bacon. Il apprit que Fismes avait été pris après avoir été bombardé toute la nuit. La section mobile vétérinaire, et la cantine de Division y avait été piégée.
Une heure plus tard, se sentant plus sec, il est retourné au combat, près du Général de brigade, qui était à ce moment-là en train d'essayer d'organiser une ligne défensive sur le village de Roucy.
Infanterie anglaise abritée derrière un mur.
La brigade avait beaucoup souffert. Une centaine de soldats seulement avait passé la rivière. Il y avait Lowry, un jeune de l'Ouest Yorkshire avec une balle dans le pied, et son adjudant, Sanders, un caporal du même régiment, une poignée de la Middlesex, deux ou trois des Devons, et quelques fantassins. L’attaque a été si violente qu’il a été difficile d'en obtenir une image claire et précise. Toutes les brigades avaient subi de lourdes pertes. Le Commandement a été aussi très touché. Le Brigadier-Général R. Haig a été gazé, le Général de la 25e brigade, Husey, et Pascoe, son jeune major, ont été portés disparus. En ce qui concerne la 8e Division, l'effectif total de tous grades qui a réussi à passer la rivière n’a été que de quelques centaines. Son commandement a été confié au Brigadier-Général Grogan, qui incorpora ce qui restait de la 23e Brigade. Une sorte de ligne défensive fut mise en place en face du village de Roucy.
Les nombreux ponts sur la rivière, à Pontavert, Concevreux et Maizy, qui n'avaient pas été détruits, permirent aux Allemands de traverser vers midi, sans encombre, l’Aisne et le canal. Par conséquent, ils purent déplacer leurs canons et leurs véhicules sans entrave.
Entre 2 et 3 heures, l'ennemi obligea la 8e Division à faire une retraite précipitée sur les crêtes de Roucy. Toutes les positions fortifiées établies par les français dans les bois au-dessus du village durent être abandonnées, et une nouvelle ligne fut réorganisée plus haut, à cheval sur la route Roucy-Ventelay.
Infanterie anglaise traversant une forêt.
L’activité aérienne ennemie s’est alors développée. A faible altitude les avions se sont mis à mitrailler les voies avec régularité. Les ballons allemands se sont rapprochés.
Dans un fossé-abri au bord de la route, les agents du quartier général de Brigade se sont réunis pour la première fois pour prendre un dîner avant la nuit. Le repas a consisté uniquement en une boîte de saucisses réparties entre les huit présents.
A 5 h 30 les Allemands ont tenté de prendre d'assaut les positions anglaises. Leur avance a été momentanément stoppée par des tirs de fusil et de mitraillette. Mais, la situation est devenue rapidement critique. Sydney, sur un vélo qu’il avait trouvé, a été chargé de porter un message au siège de la 8e Division à Montigny. Le long de cette route, les baraquements, magasins, cantines, étaient désertés, en ruines. Un corps d’homme et son cheval étaient là, carbonisés. A Montigny, Sydney a remarqué que le quartier général et la plupart du personnel s'étaient déjà déplacés encore plus loin en arrière. Il a toutefois pu délivrer son message et a pu retourner sur les lignes, sur la crête de Roucy.
Le jour a commencé à s'estomper et la lueur du soleil couchant a été assombrie par le passage de nuages de fumée provenant des villages, fermes, et refuges en feu. La nuit fut la bienvenue. De nouvelles positions avaient été prises par les Allemands sur la crête au-dessus de Montigny, entre Les Grands Savarts et Romain qui brûlait farouchement. L'avance des Allemands a été si rapide sur la droite qu’ils ont capturé l'ensemble de la 25e Ambulance de campagne dans Bouvancourt. Le Colonel GJ Ormsby, venu donner l’ordre de la retraite, reçut une balle au bras, mais son chauffeur, avec une grande présence d'esprit, se mit rapidement hors de portée. Le commandant de l'ambulance, le Lieutenant-colonel TP Puddicombe, pris par les Allemands, put s’échapper, sauter en dehors de la route dans un marais et tomber dans un trou d’eau jusqu’à la taille. Là, sous le clair de lune, il est resté pendant plus d'une heure, accroupi dans l'eau froide tandis que les Allemands le cherchaient sur la route et sur les hauteurs, et que les mitrailleuses pulvérisaient par intermittence la végétation du marais. Providentiellement il ne fut ni trouvé ni blessé, et dès que les Allemands abandonnèrent la chasse, il quitta les lieux. Après une longue progression sur les mains et les genoux dans les lignes ennemies, il atteignit finalement Montigny qui, par chance, était encore aux mains des Britanniques.
Le Transport de la 8e Division s’est installé dans de vieux baraquements français. Sydney, qui avait besoin de repos s’est endormi rapidement. Toute la nuit les colonnes en retraite se sont déplacées sur la route, bombardées par les Allemands, surtout à l’approche des carrefours et des ponts. Le 28 au matin, une troupe nombreuse de soldats avec ses véhicules s’est retrouvée dans la vallée de la Vesle et sur les hauteurs qui la surplombent, au-dessus du village de Jonchery.
Pendant le petit déjeuner, frugal et improvisé, le poste a été pris sous le feu de l’ennemi. Un obus blessa grièvement deux hommes. Tout le long de cette journée de printemps qui commençait, la malédiction a accompagné les hommes en sueur, fatigués, et les animaux apeurés, sur ces routes poussiéreuses, sous un soleil de plomb.
Fin mai 1918, le IXe Corps Britannique au combat, entre l’Aisne et l’Ardre – Gravure exposée à la Mairie de la Ville-aux-Bois-les-Pontavert.
Sur le front, aux petites heures du matin, les Allemands ont soudainement attaqué la ligne vers Bouvancourt et forcé la dispersion des défenseurs sur les hauteurs de Montigny pour provoquer une retraite précipitée vers la Vesle. Le Général Grogan avait reçu l'ordre de recueillir les isolés et de tenir la rive sud de la Vesle. Une ligne de défense a été improvisée, de Prouilly, où la route traverse la Vesle (3), à une grande ferme sur un mille et demi au nord-ouest de Jonchery (4). A l’aube, le 28, la situation était temporairement stabilisée avec les restes de la 8e, de la 50e, et la plus grande partie de la 25e Division. La matinée n’a été marquée par aucune action ennemie. Le soleil est monté haut dans un ciel sans nuages, le panorama semblait étrangement calme à première vue, malgré quelques fumées éparses.
Prouilly pendant la guerre 14-18.
A droite, le 21e Division, en dépit de lourdes pertes en vies humaines, était toujours en mesure de maintenir un front organisé. Elle avait maintenu le contact avec les Français plus loin sur son flanc. Sur la gauche, la situation était beaucoup moins rassurante. Au centre les survivants des 8e et 50e Divisions et les Français ont été bel et bien mélangés, ce qui veut dire que quelque part derrière, et de loin, trois commandants de Division ont été nominalement responsables du même secteur ! C'est sur le flanc gauche que le prochain coup tomba. Peu après midi, une attaque déterminée a été lancée contre la 50e Division, à environ deux milles à l'ouest de Jonchery. Les Allemands passèrent avec une grande rapidité et commencèrent à progresser vers le haut, au-dessus des crêtes boisées de Vandeuil. L'attaque s’était portée en même temps vers la droite, forçant une retraite accélérée des Anglais au-delà de la Vesle.
Le travail de consolidation du matin n’avait servi à rien. Les soldats escaladant les pentes au sud de la rivière pouvaient voir l'artillerie ennemie et les convois sur les deux routes qui convergeaient sur Jonchery (5), alors que leurs fantassins s’essaimaient activement à travers la campagne.
Jonchery-sur-Vesle après la retraite allemande 1918.
Sur la crête des collines surplombant la rivière, le long de la route de Jonchery à Branscourt, se trouvait un ancien fort français qui permit de stopper l’avance allemande pendant environ deux heures. C’était une belle position qui commandait le passage de la Vesle. Les mitrailleuses et les fusils ont pu stopper l’avancée des hommes en gris. L’arrêt n’a pas été de longue durée. A 4 h, les Allemands abondamment fournis de mitrailleuses légères, enlevèrent les hauteurs ouest de Jonchery à Vandeuil. La situation fut bientôt intenable et vers 5 h, il fallut évacuer le terrain pour se positionner sur une des crêtes parallèles, à l’est de la route Jonchery-Savigny. Sur d’anciennes tranchées, Grogan réussit à former une ligne cohérente d'artillerie ainsi que d'infanterie. A gauche, il y avait une grande ferme (6) occupée par une poignée de fantassins français, mais de l'autre côté de la route, le terrain en pente vers le haut se dirigeait vers un grand bois qui semblait déjà occupé par les Allemands au vue des silhouettes grises qui se glissaient derrière les arbres. Malgré cela, le commandement décida que tous les efforts devaient être faits pour empêcher l'ennemi de prendre le contrôle de la route de Jonchery à Savigny. Soixante-dix hommes ont été envoyés à l'avant pour prendre position de l'autre côté de la route et pour empêcher toute tentative des Allemands de déboucher de la forêt. Leur tâche n’était guère enviable, l’ennemi était peut-être caché dans le champ de blé large d’une centaine de mètres entre la route et le bois. La charge dans le blé, baïonnette au canon, fut efficace puisque plusieurs Allemands s’en échappèrent comme des lapins. Après quelques alertes, les Anglais prirent possession de l’endroit, dans le champ de blé, entre la route et les bois. L'ennemi ne fit aucune autre tentative pour se déployer. La venue de l'obscurité rendit la position encore plus précaire, mais tout au long de la nuit dans le blé, le groupe tint une place tout à fait étonnante.
Section de l'Armée anglaise attendant l'ordre d'attaque.
Pendant ce temps, à l’arrière, il n’y avait ni calme ni repos. C’était un étrange pèlerinage le long des routes à la tombée de la nuit. Plusieurs fois les Anglais ont perdu leur chemin, parfois avec des retours en arrière comme par exemple une avancée vers Crugny qui était déjà aux mains des Allemands.
A la 8e Division, chacun essayait de trouver un peu de sommeil, blotti au fond d’une ancienne tranchée. Tout au long de la ligne de bataille, la nuit du 28 au 29 mai a été calme. (7) Le détachement disposé dans le champ de blé ne fut dérangé que par une forte rafale vers 3 h 30 du matin. L'ennemi était massé dans le bois mais ne bougeait pas ! Vers 11 h du matin, alors que les Allemands s’agitaient, ordre a été donné de se replier et de rejoindre le Corps de l'autre côté de la route. Immédiatement le retrait a été observé. Les Allemands ont poursuivi le groupe, ce qui a donné lieu à des tirs fournis de fusils et de mitrailleuses, sans toutefois faire de graves dommages. Puis, ce fut l’assaut de la position anglaise principale. Les Allemands ont pu être retenus jusque vers midi, heure à laquelle une retraite générale a été ordonnée pour un regroupement sur une autre crête en face de Treslon, village à environ un mille en arrière. Ce retrait n'a pas été effectué sans difficulté ni sans victimes, mais une fois de plus le Général de Brigade, par son énergie et son exemple personnel, réussit à former une sorte de nouvelle ligne de défense. Mais la troupe de Grogan était pitoyable. Mise en lambeaux, elle ne comptait peut-être plus que 250 hommes affamés, fatigués, sales, 70 d’entre eux étant blessés. On y trouvait aussi quelques éléments des troupes coloniales françaises.
Ce reste d’armée était dispersé le long d'une crête abrupte, dans une grande culture de blé, qui descendait en pente vers la vallée boisée de l'Ardre. En arrière, la colline en pente abrupte rejoignait une vallée miniature dans laquelle était niché le village de Treslon. Plus loin on apercevait une autre crête d'une nature plus boisée, qui dominait le village de Bouleuse. L’ennemi qui venait d’arriver sur les hauteurs se chargea de mitrailler copieusement les soldats en retraite ; éclats de blé, poussière de terre, ricochets… heureusement, les tirs étaient approximatifs.
Une femme française approvisionnant un blessé anglais.
La déroute a continué. Le 30, les Allemands atteignaient la rive droite de la Marne entre Château-Thierry et Dormans et accentuaient leur poussée sur leur aile gauche pour faire sauter le saillant de Reims et la Montagne de Reims. Ils n’y réussirent pas. Quant aux Anglais, ils participèrent activement aux combats de juillet qui permirent de repousser l’avance allemande. La présence et le courage des Anglais sont marqués par les cimetières anglais qui parsèment les champs de bataille. A Jonchery-sur-Vesle, Hermonville, La Ville-aux-Bois, reposent les braves qui sont tombés pendant ces jours terribles. Dans ces trois cimetières, ils sont 1173 soldats. Le nombre des tombes de soldats inconnus, environ 70 %, montre la violence des combats qu’ils ont eu à mener. Parmi celles qui portent un nom, 65 % des soldats sont morts dans les combats des 27, 28 et 29 mai 1918, la plupart, en défendant notre petit coin de terre…
Les Anglais morts au champ d'honneur ne sont pas oubliés.
1 Voir en fin d’article les références de ce livre.
2 Un mille anglais ou mile = 1609 mètres.
3 Le pont de Cuissat.
4 Certainement la ferme Voisin.
5 La route de Montigny-Ventelay et la route de Pévy-Bouvancourt.
6 Certainement la ferme de Montazin.
7 Le Commandement avait envoyé des renforts de troupes françaises pour appuyer les Anglais. C’est ce qui a certainement retenu les Allemands cette nuit là !
The Last of the Ebb: The Battle of the Aisne, 1918 (en anglais)
auteur : Sidney Rogerson
Editeur : Greenhill Books (15 Jun 2007), 160 pages, ISBN-10: 1853677388
Sidney Rogerson, jeune officier dans le West Yorkshire Regiment, a participé à la troisième bataille de l'Aisne. Il a décrit la vie de son bataillon de l'Aisne à la Marne. Le parcours de son régiment emprunte des routes que nous connaissons bien, de Pontavert à Treslon, en passant par Roucy, Ventelay, Montigny-sur-Vesle et Jonchery-sur-Vesle.
Un compte rendu du Major-général A D Von Unruh complète le récit et donne des précisions sur l’offensive à la fois du côté britannique et du côté allemand.
L'auteur exprime clairement le grand courage et l'extraordinaire capacité de résistance de l'Ouest Yorkshire, qui a su faire face à la terrible épreuve de cette bataille sans perte de moral. Initialement publié en 1937, ce classique a été réédité avec une introduction de l'historien Malcolm Brown Rogerson.