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17 avril 2021 6 17 /04 /avril /2021 10:11

 

 

 

 

 

Sous la direction de Marie-Claude Dinet-Lecomte et Pascal Montaubin, maîtres de conférences à l’Université de Picardie-Jules Verne, a été publié en 2014, aux Editions Encrage, un important ouvrage qui recense tous les hôpitaux de Picardie du Moyen Age à la Révolution.

Cet ouvrage contient les notices de 180 hôpitaux répartis dans 110 localités des départements de l’Aisne, de l’Oise et de la Somme.

Les notices ont été réalisées par une équipe d’historiens, d’historiens de l’art, d’archéologues, d’archivistes, et reposent sur un important travail de recherches.

Ci-dessous, un extrait de la notice concernant l’hôtel-Dieu de Roucy, rédigée par Jean-Christophe DUMAIN des Archives départementales de l’Aisne :

 

« 2 / Historique

Si quelques documents évoquent l’Hôtel-Dieu de Roucy au XVIIe siècle, son existence et son fonctionnement ne sont clairement documentés que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle ; celui-ci consacre alors son activité aux pauvres. Un état général contemporain des établissements et fondations dans la subdélégation de Craonne signale cet Hôtel-Dieu comme « subsistant depuis longtemps par les bienfaits des anciens comtes de Roucy ». La participation de ces derniers à sa création est probable.

L’institution était dirigée par deux administrateurs, un ecclésiastique et un laïc, ce qui semble indiquer une double tutelle, à la fois religieuse et civile. Jean-Hippolyte Richon, prêtre prieur et curé de Roucy, et Henri Jamin, procureur fiscal du comté de Roucy, sont ainsi mentionnés comme administrateurs entre 1762 et 1787, sans interruption. La liste des « receveurs par charité des revenus de l’Hôtel-Dieu » est également assez bien connue, puisque François David Gondallier, sieur de Tugny, occupa cette charge jusqu’en 1762 ; lui succédèrent Gilles Pelcerf de 1763 à 1782, puis Nicolas Jamin avocat en Parlement de 1783 à 1788, et Jean-Marie Métreaux entre 1789 et 1792. Les comptes étaient rendus devant le bailli du comté de Roucy ou son lieutenant. La composition du personnel de l’Hôtel-Dieu était assez modeste : on relève annuellement un ou deux chirurgiens qui fournissaient pansements et médicaments et un maître d’école chargé de l’instruction des enfants des pauvres. Dès 1786, une sage-femme est également attestée.

Une grande part des dépenses était consacrée à la distribution de grains aux pauvres, essentiellement du seigle. Néanmoins ses ressources et par conséquent la redistribution aux nécessiteux apparaissent assez faibles. La duchesse d’Ancenis est ainsi obligée d’assurer sur ses propres deniers des distributions en argent et en blé envers les plus pauvres. L’établissement tirait une partie de ses revenus des propriétés qu’il détenait essentiellement à Roucy et Concevreux. A la veille de la Révolution, la contenance totale de ses terres et prés était de 113 arpents et 46 verges. Le procès-verbal d’adjudication des terres appartenant à l’établissement hospitalier, établi le 2 germinal an II (22 mars 1794), évoque encore les terres « dépendans de l’hostel-Dieu de Roucy appartenans aux pauvres dudit lieu ».

…/…

4 / Patrimoine

Aucun vestige »

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18 juin 2020 4 18 /06 /juin /2020 10:29

Il y a 80 ans, le 18 juin 1940, à 18 h 03 heure anglaise, le général de Gaulle prononçait sur les ondes de la BBC son fameux appel exhortant les français à ne pas cesser le combat contre l’Allemagne nazie.

Le général de Gaulle au micro de la BBC

Quelques jours plus tôt, sa femme, ses enfants, et leur gouvernante, ont quitté Colombey-les-Deux-Eglises devant l’avancée des troupes ennemies. Ils arrivent à Carantec, dans le Finistère, où ils séjournent quelques jours.

 

L’après-midi du 15 juin, le colonel de Gaulle, nommé général à titre temporaire depuis le 23 mai, s’y arrête et indique à sa femme qu’elle doit partir avec les enfants. Le soir même, à Brest, de Gaulle monte à bord du contre-torpilleur Milan, qui lève l’ancre pour Plymouth.

 

De peur que la femme et les enfants du général soient enlevés par les Allemands, l’Amirauté britannique organise une mission secrète.

Le 18 juin, à 2 h 55, un hydravion décolle de Plymouth. A son bord, deux pilotes australiens, et deux britanniques, le radiographiste et un agent des services secrets. Mais, entre 4 h et 5 h, l’avion s’écrase, à 30 km de Carantec.

 

Malgré l’échec de la mission, la famille du général parvient à gagner Brest le soir du 18 juin et à prendre un navire marchand pour l’Angleterre, après avoir laissé toutes les valises à Carantec. Elle débarque en Angleterre, le 19 juin, sans avoir pu écouter le discours du général et apprend que le bateau qu’elle n’a pu prendre à cause d’une panne de voiture, a été coulé.

Le même jour les Allemands investissent Carantec.

 

Coïncidences de l’Histoire.

Charles de Gaulle, alors capitaine au 33e régiment d’infanterie, a habité Roucy de juin 1915 à février 1916, près du presbytère où vivait l’abbé Gréhan.

 

Le 15 juin 1940, le général de Gaulle a rendu visite à sa famille évacuée à Carentec, sans savoir que dans le même village, l’abbé Gréhan et une vingtaine d’habitants de Roucy étaient eux-mêmes réfugiés. Ils y resteront du 19 mai à fin juin 1940.

 

A lire :

Ouest-France, le 9 juin 2014. La villa d’Arvor a accueilli la famille De Gaulle en juin 1940.

Ouest-France, 17 juin 2014. La mission secrète devait sauver les De Gaulle.

Le Télégramme, 18 juin 2010. Juin 1940. La famille De Gaulle à Carantec et Les heures bretonnes de De Gaulle.

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5 juin 2020 5 05 /06 /juin /2020 05:35

Le 3 septembre 1939, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne nazie après l’invasion de la Pologne. Pourtant, les adversaires se font face sans se combattre, ce que Roland Dorgelès nommera « la drôle de guerre », et ce n’est que le 10 mai 1940, que débute l’offensive allemande contre la Belgique, la Hollande et la France.

Dès le 14 mai, devant l’avancée foudroyante des troupes allemandes, les populations de l’Aisne sont invitées à évacuer leur domicile. Le département de destination prévu est la Mayenne, mais chacun agit selon les circonstances et les aléas d’un pénible voyage. Accueillis avec plus ou moins de bienveillance par les populations des autres départements, les réfugiés axonais seront profondément marqués par cet exode. Certains, parfois contraints par leur état de santé, n’ont pu se confronter à un pénible voyage. Ils sont restés chez eux, faisant face à l’arrivée de l’ennemi.

Le 27 mai 1940, L’abbé Gréhan, curé de Roucy, écrit à ses cousins :

« Je vous écris sans savoir si cette carte pourra vous arriver, car peut-être êtes-vous évacués comme nous le sommes depuis le dimanche 19. Après bien des péripéties, et des centaines de kilomètres, en auto et en chemin de fer, 2 nuits et 3 jours, nous avons débarqué à Morlaix dans le Finistère et nous sommes arrivés dans une station balnéaire appelée Carentec où nous occupons un hôtel. Ici nous sommes 20 de Roucy et 67 du Nord et du Pas de Calais. »…

Courrier de l'abbé Gréhan du 27 mai 1940.

Et le 3 juin :

« Qui aurait jamais pensé que nous serions transportés si loin. En somme nous n’avons pas eu à marcher à pied et nous avons trouvé à temps des autos et le chemin de fer pour nous transporter. A Laval, on nous a défendu de descendre parce qu’il n’y avait plus de place : il y a des gens de Roucy qui y sont certainement, dans des villages comme vous y êtes aussi. Je ne crois pas qu’on nous y transportera, nous sommes avec des gens du Nord et d’ailleurs : il y a plusieurs centaines de réfugiés et il en arrive dans les pays voisins encore maintenant. Quelle chose épouvantable ! Quelle misère va en résulter de tout cela et que retrouvera-t-on ?

J’ai eu des nouvelles de quelques personnes de Roucy qui vont à Bordeaux et à Dax… »

Le 5 juin, à 1 contre 3, les troupes françaises résistent.

Le 6 juin de nombreuses contre-attaques sont menées, mais faute d’appui aérien et de munitions les troupes françaises peinent à tenir.

Le 7 juin les troupes et l’aviation allemande reprennent leur offensive généralisée. Les Français qui ont fait sauter les ponts sur l’Aisne leur opposent une forte résistance. Mais l’invasion de l’Aisne est inéluctable. 

Pontavert, pont sur l’Aisne détruit

pour retarder l’avancée allemande.

Le 11 juin l’abbé Gréhan écrit :

« Nous avons vu hier dans le journal que l’on se battait dans la région de Pontavert et aujourd’hui quelqu’un disait que les Boches étaient à Fismes.

Ils auraient donc réussi à percer le front comme en 1918. Si on pouvait comme alors les arrêter dans la forêt de Villers Cotterêts. Ils ont sans doute Paris comme objectif… »

Malgré la rapidité de l’invasion allemande, les soldats français ont opposé une forte résistance et subit de lourdes pertes.  

 

La région de Pontavert est défendue par les 44ème et 45ème divisions d’infanterie et la 42ème division, en ligne sur l’Aisne entre Pontavert et Neufchâtel-sur-Aisne.

 

Parmi les unités combattantes, la 173ème Demi Brigade Alpine (de la 44ème division d’infanterie) venue de Corse s’est particulièrement illustrée.

.

 

Depuis le 8 mai, le 1er bataillon de la 173ème Demi Brigade Alpine est en position sur la  rive sud de l’Aisne. Arrivé dans ce secteur dans la nuit du 17 au 18 mai et chargé de défendre les ponts de Concevreux et de Pontavert, le bataillon a stoppé net l’avance de l’ennemi, l’obligeant à repasser la rivière et à rester sur la défensive.

Le 8 juin, le bataillon reste sur place, mais l’adversaire parvient à passer la rivière plus à gauche. Dans la nuit, le bataillon reçoit l’ordre de se replier sur Blanzy-les-Fismes.

La 1ère compagnie s’installe à Roucy. Bientôt l’ennemi est en vue. Bombardements d’aviation et d’artillerie, vagues d’assaut d’infanterie se succèdent sans interruption. Les chasseurs alpins s’accrochent au village écrasé sous les obus et résistent  avec une énergie farouche. Leur tir, bien ajusté, brise l’une après l’autre les vagues d’infanterie allemande.

Tombes provisoires allemandes à Roucy.

(photo allemande du 17 juin 1940)

Pendant treize heures, l’ennemi s’acharne à prendre le village, pendant treize heures, il est repoussé. Mais les pertes sont élevées. Les unités qui l’encadrent à droite et à gauche finissent par disparaitre, submergées sous l’avalanche ennemie. Menacée d’être encerclée, la 1ère compagnie exécute un décrochage sous un feu violent d’artillerie et d’armes automatiques. Elle parviendra cependant à rejoindre sur la Vesle le gros du bataillon.   

Soldats français inhumés provisoirement à Roucy.

Retranché dans Blanzy-les-Fismes, celui-ci a résisté à un violent bombardement d’artillerie et d’aviation. Il a repoussé des attaques nombreuses et massives d’infanterie. Quand l’ordre de repli lui parvient, il réussit, sous les ordres du capitaine Boué, à exécuter son repli et se retrouve groupé à Jonchery-sur-Vesle pour une nouvelle résistance.

 

Quand l’armistice regroupera l’unité au camp de la Cortine, le 1er bataillon de la 173ème Demi Brigade Alpine sera réduit à deux officiers, cinq sous-officiers et trente-six hommes. Pendant les combats de mai et juin 1940, la 173ème DBA comptera 272 morts pour la France.

 

 

Le 14 juin les troupes allemandes entrent dans Paris.

 

Le 17 juin le maréchal Pétain exige de « cesser le combat ».

 

Fin juin 1940 les habitants de Roucy retrouvent leur village. Les maisons ont beaucoup souffert, les habitations ont été pillées, meubles et linge ont été emportés, le bétail a disparu, les instruments de culture sont détruits ou gravement endommagés.

 

 

Ce n’est que le 28 août 1944 que Roucy sera libéré par les troupes américaines.

La libération de Roucy, par madame Réjane Fleury,

habitante du village et témoin de l’évènement.

Citation à l’ordre de l’Armée.

La 173ème Demi Brigade Alpine, contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, est venue de Corse.

Le 9 juin 1940 à 7 heures, elle fait face à la Wehrmacht, lors du déclenchement de l’offensive terrestre. Elle tiendra jusqu’au 10 juin, avant de se replier sur ordre, avant de voir beaucoup de ses hommes capturés par l’ennemi.

 

Ces combats lui vaudront cette citation à l’ordre de l’Armée :

La 173ème Demi-Brigade Alpine sous les ordres du lieutenant-colonel Vinot :

« Chargée de l’organisation de la défense d’une position sur l’Aisne, a travaillé sans repos et sans arrêt sous le feu ennemi du 17 mai au 8 juin 1940, pour préparer la résistance, en même temps qu’elle conservait le contact avec les patrouilles et les reconnaissances hardiment poussées au-delà de la rivière.

Attaquée le 9 juin par des forces très supérieures et puissamment appuyées, a tenu sur place avec une héroïque ténacité, en infligeant à l’ennemi de grosses pertes dans ses points d’appui encerclés et débordés.

Ayant reçu dans la nuit l’ordre de se replier, s’est décrochée et s’est fait jour à travers les lignes adverses, au prix de lourds sacrifices, les 2e et 3e bataillons venant prendre leur place dans la ligne de bataille où ils se sont héroïquement maintenus, le 1er  bataillon en se soudant à une autre armée, puis en exécutant une héroïque tentative de percée à la baïonnette. »

 

Hommage.

Le 9 juin 2020, l’Amicale des anciens du 173e RI, et la Collectivité de Corse devaient, avec les municipalités concernées, inaugurer trois plaques rappelant le souvenir des combats de la 173e Demi Brigade Alpine en 1940 dans les communes de Roucy, Concevreux et Maizy ; puis se recueillir sur les tombes des 190 combattants inhumés dans la Nécropole Nationale de Soupir.

Une nouvelle « guerre », contre l’épidémie de coronavirus, n’a pas permis ces manifestations qui sont reportées à une date ultérieure.

Mais elles auront bien lieu car, en s’inspirant du général de Gaulle en juin 1940 : Nous avons perdu une bataille, mais nous n’avons pas perdu la guerre.

 

A bientôt.

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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 14:50

Une plaque d’identité militaire allemande de la Guerre 1914-1918, au nom de Rudolf Osterwald, reproduite ci-dessous, a été découverte dans les bois de Roucy.

Son inventeur (découvreur) aimerait obtenir des renseignements sur le soldat qui la portait (identité, régiment, etc…) et peut-être ainsi pouvoir entrer en contact avec sa famille.  

Toute information sera la bienvenue.

 

Si vous pouvez l’aider, merci de contacter l’Association Le Regain "Roucy d’hier & de demain", soit en commentant cet article, soit en adressant un message à l’adresse courriel (e-mail) ci-dessous :

 

j-marie.lejeune@laposte.net

 

Nous vous en remercions par avance.

 

Association Le Regain d’Hier & de Demain

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4 novembre 2018 7 04 /11 /novembre /2018 04:47

Plan de l'Hospice de Roucy paru dans le Moniteur des Architectes en 1873.

 

La façade principale

 

La cour intérieure

Fondé en 1861, œuvre de l'architecte Denis-Louis Destors, l'hospice de Roucy s'embrase dans la nuit du 22 au 23 mars 1894.

 

Cet évènement a été relaté dans deux articles du journal L'Indépendant rémois des 25 et 27 mars 1894, dont vous trouverez, ci-dessous, le texte intégral. 

 

L'Indépendant rémois, 27 mars 1894, p. 2/4 :

 

La Catastrophe de Roucy.

 

SIX VICTIMES

 

Une épouvantable catastrophe vient d'arriver à Roucy, commune de l'arrondissement de Laon.

Roucy est situé à quinze cents mètres de la limite des départements de l'Aisne et de la Marne.

Le village, pour ainsi dire enfoui entre deux contreforts de la chaîne de collines qui sépare la vallée de la Vesle de celle de l'Aisne, regarde cette dernière rivière au travers d'un léger rideau d'arbres.

De loin, sa présence n'est révélée que par les toits aigus et symétriques de l'ancien château féodal des vieilles familles de Charost et d'Imécourt.

Cette belle construction du XVIIe siècle forme une masse imposante et régulière, qui s'élève au-dessus d'un petit monticule, au nord du village.

A quelque cent cinquante mètres au sud-ouest du château, tout à fait à l'extrémité du village, on aperçoit, quand on arrive par la route de Ventelay-Romain, un autre édifice régulier mais d'apparence modeste dont les murs de pierre encore blanche et la simplicité architecturale dénoncent immédiatement l'origine récente et la destination hospitalière.

C'est ce qu'on appelle l'hospice de Roucy.

L'origine de cette maison est touchante.

En 1859, Mme la comtesse d'Imécourt, qui avait une petite fille de neuf ans qu'elle avait mise en pension dans un couvent du Sacré Coeur, recevait la terrible nouvelle de la mort de cette enfant qu'elle chérissait d'autant plus qu'elle avait déjà fait preuve, malgré sa grande jeunesse, des plus grandes qualités intellectuelles et morales.

Quelques temps après avoir rendu les derniers devoirs à son enfant, Mme d'Imécourt apprenait de la bouche même de la soeur qui avait assisté sa fille aux derniers moments, que depuis un certain temps elle faisait des économies sur sa bourse de pensionnaire, dans le but de fonder plus tard une maison où on recueillerait les petites orphelines. En mourant, l'enfant avait exprimé le vif regret de partir sans avoir pu accomplir sa généreuse idée.

Frappée de cette pensée, Mme d'Imécourt résolut d'accomplir le rêve de sa fille.

Peu de temps après, s'élevait un hospice, tout entier construit aux frais de la famille d'Imécourt, et destiné, suivant la volonté de l'enfant charitable qui en avait conçu l'idée, à servir d'asile aux petites orphelines de Roucy et des environs.

Cet hospice, placé sous la direction de cinq sœurs de l'ordre de Saint-Charles Borromée, de Nancy, ne tarda pas à recevoir également des vieillards et des infirmes.

Actuellement il est occupé par les cinq sœurs, par sept vieillards, quatre sous-maîtresses directrices d'ouvroir et par trente-cinq enfants orphelines, assistées ou pensionnaires, et deux vieux jardiniers.

Les bâtiments occupent un carré dont trois côtés sont à un étage, surmontés de combles couverts en tuiles et en partie mansardés. Dans les mansardes de l'aile sud habitent les jardiniers ; les combles du bâtiment reliant les ailes servent de greniers et sont surmontés d'un petit campanile bâti au-dessus d'une petite chapelle qui occupe le milieu du bâtiment ; les mansardes de l'aile nord servent de dortoirs.

Il y avait là, il y a deux jours encore, douze enfants et une surveillante.

A cet étage, dont la superficie totale n'est pas inférieure à quatre cents mètres carrés, le plancher est entièrement remplacé par un carrelage en briques.

Pendant la nuit de jeudi à vendredi, un incendie s'est déclaré, selon toute apparence, au-dessus de la chapelle, et malheureusement, comme on l'a vu par nos dépêches d'hier, il y a eu six victimes.

Jeudi soir, les religieuses de l'établissement étaient allées au salut de l'église paroissiale, en compagnie de leurs jardiniers. Vers neuf heures elles rentraient à l'hospice. Une demi-heure plus tard, tout le monde dormait.

Vers onze heures, la directrice de l'ouvroir, Mlle Elisa Thérêt, qui couche près de la chapelle, était réveillée par un bruit insolite venant de cette partie de la maison. Un instant après, un autre bruit  semblable, venant encore du même endroit - on a su plus tard que c'étaient les lustres de la chapelle dont les cordes pendues dans les combles avaient été brûlées et qui avaient produit ce bruit. - Effrayée, Mlle Théret se leva et aperçut la lueur de l'incendie dans la cour intérieure.

Au même moment, la surveillante, couchant dans les combles, près du dortoir des douze enfants, était, elle aussi, réveillée par un crépitement insolite - celui des ardoises éclatant sous l'action du feu.

Elle se leva et ouvrant sa porte vit les enfants qui se sauvaient, affolées, en chemise, sous une voûte de flammes.

Elle se sauva aussi dans le même costume.

Le feu était partout à la fois ; tous les toits brûlaient en même temps, et cependant il ne faisait pas de vent.

On juge de l'effarement de tous les malheureux habitants de l'hospice, qui, émergeant de toutes les chambres, se précipitèrent, vêtus ou non, dans la cour, puis vers la porte de la maison.

A ce moment, un fait épouvantable se passa : cinq enfants du dortoir des combles, qui étaient descendues en chemises, échappèrent à la surveillance de leurs maîtresses et, profitant du trouble général, dirent à leurs petites camarades, qui n'eurent pas le temps de les retenir, que pour ne pas être en chemise devant tout le monde, elles allaient remonter chercher des vêtements.

Elles partirent et s'engouffrèrent dans l'escalier.

On ne devait plus les revoir vivantes. Aujourd'hui leurs petits cadavres, affreusement carbonisés, rabougris, méconnaissables, reposent dans la petite chapelle. Hier après midi, quand nous y entrons, nous voyons, à gauche, quatre petits cercueils de chêne placés côte à côte, comme celles qu'ils contiennent étaient placées au dortoir ; hélas ! en face, sur la dalle, deux autres cadavres non encore ensevelis, entourés de linceuls.

Aujourd'hui dimanche, jour de fête ailleurs, sera un jour de grand deuil à jamais inoubliable pour la commune de Roucy qui fera, à trois heures du soir, des obsèques solennelles à ces pauvres victimes d'un sinistre accident. Les autorités municipales, les fonctionnaires, les sapeurs-pompiers qui, malgré leur zèle, leur dévouement et des prodiges de valeur, n'ont pu les sauver d'une affreuse mort, la population tout entière leur rendront les derniers et suprêmes honneurs.

Voici les noms des victimes :

Marie Bourgeois, 13 ans, née à Guyencourt (Aisne), où habitent ses pauvres parents avec huit enfants qui leur restent de vingt qu'ils ont eus ;

Hortense Lancelet, quinze ans, née à Concevreux (Aisne), dont le père, veuf, habite Douai, où il est maçon ;

Alice Haagen, sept ans, de Paris, où sa mère est domestique ;

Marie Champenois, douze ans, de Virginie, près Sainte-Ménehould, père et mère petits cultivateurs chargés d'une nombreuse famille ;

Anna Ezeblin, neuf ans, de Sainte-Ménehold, où habite sa mère, presque misérable ;

Enfin, Louise Grellet, trente-sept ans, de Cormicy, depuis longtemps pensionnaire de l'hospice. Cette pauvre fille, presque idiote, a été retrouvée entre ses deux matelas où elle s'était sans doute cachée en voyant le feu et où elle est morte asphyxiée.

Derniers détails. - Au moment où les sœurs voulurent sonner leur cloche pour donner l'alarme, elles ne purent le faire ; la corde, brûlée du haut, leur tomba dans les mains.

Les cinq petites filles ont été retrouvées sous les décombres, près de l'escalier, par M. Peudepièce, ancien charpentier, seulement vendredi dans la matinée, le feu ayant duré jusqu'à cinq heures du matin, malgré les efforts et le courage des pompiers de Roucy, de Concevreux, Maizy, Beaurieux, Pontavert, Bouffignereux et Corbeny, accourus avec leurs pompes au premier signal.

La cause de ce sinistre est encore inexpliquée et surtout inexplicable. M. le juge de paix a commencé une enquête, ainsi que la gendarmerie. Souhaitons qu'elle aboutisse.

Les pertes, qui ne sont pas supérieures à 20,000 fr. pour les bâtiments, sont couvertes par une assurance. Malheureusement beaucoup de mobilier, de vêtements appartenant aux surveillants, aux élèves, et constituant leur petit avoir, est brûlé sans avoir été assuré.

Nous ne chercherons pas à peindre l'émoi et la désorganisation qui règnent encore aujourd'hui dans l'hospice, c'est chose impossible. Les malheureuses femmes tremblent encore de peur et de tristesse.

La population entière est aussi sous le coup de la plus pénible émotion.

E. ARLOT. 

 

N.B. : cet article contient plusieurs erreurs concernant l'identité des victimes. Il s'agit en fait de :

- Marie - Elisabeth BOURGEOIS, 12 ans et 5 mois.

- Constance ANCELET, 16 ans.

- Hélène - Jeanne - Alice HAAGEN, 7 ans et 10 mois et demi.

- Marie - Marguerite - Julia CHAMPENOIS, 11 ans et 7 mois.

- Anna EZEBLIN, 9 ans et 11 mois et  demi.

- Louise GRELET, 37 ans.

 

L'Indépendant rémois, 27 mars 1894, p. 2/4

 

La catastrophe de Roucy.

 

Dimanche, à 4 heures de l'après-midi, ont eu lieu en grande pompe les obsèques des six malheureuses victimes de la catastrophe de Roucy, à propos de laquelle nous avons donné des détails complets il y a deux jours.

Une foule énorme composée non seulement de tous les habitants de Roucy, mais aussi de personnes venues des villages voisins, assistait à cette triste cérémonie que présidait M. le Maire de Roucy, assisté de son conseil municipal, de la Compagnie des sapeurs-pompiers et de toutes les autorités locales.

Les six petits cercueils portant chacun les initiales de l'une des victimes, avaient été exposés pendant l'après-midi sur le perron de l'hospice. Ils étaient tous couverts de draps blancs et de couronnes qu'avaient envoyé de nombreuses personnes.

La foule, douloureusement émue par ce tableau si triste, attendait silencieusement dans le jardin de l'établissement et dans les rues voisines le départ du cortège.

A quatre heures, les six cercueils furent descendus en bas du perron et remis aux compagnes des petites mortes qui les portèrent à l'église, puis au cimetière, où M. le docteur Lécuyer, de Beaurieux, a prononcé un discours dans lequel il s'est plu a reconnaître que la responsabilité des sœurs de l'Hospice ne pouvait être mise en jeu.

La foule s'est ensuite écoulée lentement et profondément impressionnée.

 

Nous recevons au sujet de cette catastrophe la lettre suivante de M. le Maire de Roucy. Nos lecteurs en apprécieront certainement toute la portée.

Nous nous mettrons à leur disposition pour recevoir leurs offrandes et les transmettre à qui de droit.

Déjà nous savons que le conseil municipal de Roucy s'est inscrit en tête de la souscription pour une somme de 72 fr.

Le comité de l'Union des Femmes de France de Beaurieux a également souscrit une somme de 100 fr.

Roucy, 25 mars 1894.

Monsieur,

La perte causée par l'incendie de l'hospice de Roucy est encore plus grande que nous le pensions.

Le mobilier n'était pas assuré, et tous les pensionnaires, enfants et vieillards, pauvres pour la plupart, sont sans vêtements et sans ressources.

Ils sont pour le moment recueillis par les habitants qui subviennent à tous les premiers besoins ; en outre la commune a pris les funérailles à sa charge.

Malheureusement nos ressources sont bien restreintes, aussi, avons-nous pensé que vous ne refuserez pas votre concours pour une souscription publique en faveur des victimes de la catastrophe.

Les offrandes pourraient être recueillies par vous ou adressées au maire de la commune.

Le Maire,

Cés. HARANT.

Pour terminer sur une note moins triste, cet article paru dans la Revue de Champagne et de Brie, en 1897 :

 

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L'Hospice après restauration.

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15 juin 2015 1 15 /06 /juin /2015 14:39
Une exécution en 14-18
Une exécution en 14-18

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Situé sur le flanc gauche de l’Aisne, juste en face de Craonne et du Chemin des Dames, Roucy (Aisne) est resté français pendant presque toute la durée de la Première Guerre mondiale.

Le village fut une base de repos mais aussi d’observation et de départ vers le front, et le siège de la 55e D.I.

6 soldats condamnés à mort par le Conseil de guerre de la 55e D.I.  y furent exécutés en 1916 et 1917 à la Mutte aux Grillots. Ils sont tous inhumés à la nécropole de Pontavert. Leurs tombes portent la mention « Mort pour la France »

Les quatre fusillés du 22 mai 1916.

D’après Denis ROLLAND (La Grève des tranchées – Les mutineries de 1917.) : « L’incident du 96e R.I., le 30 avril 1916 sur le Chemin des Dames, préfigure le mouvement d’indiscipline de 1917. »

 

Lucien Baleux, né à Paris, mineur, résidant à Bully-Grenay (Pas-de-Calais) sur les minutes du procès et à Burbure (Pas-de-Calais) sur son registre matricule.

Emile Lhermenier, né à Yvré-l’Evêque (Sarthe), peigneur de chanvre, résidant au Mans (Sarthe)

Félix Milhau, né à Marseillan (Hérault), charretier, résidant à Bessan (Hérault)

Paul Regoudt, né et demeurant à Dunkerque (Nord), journalier

Tous les quatre soldats de 2ème classe au 96e R.I.

 

Leur "crime".

Leur compagnie qui vient de combattre dans un secteur particulièrement difficile, au Bois des Buttes, est relevée et vient cantonner au Faîté, au-dessus de Roucy. Le lendemain matin, ordre est donné de remonter en ligne. Au moment du rassemblement les hommes manifestent leur mécontentement, quelques-uns refusent de partir. Les officiers interviennent et le départ s’effectue avec une heure de retard.

Le lendemain sept soldats considérés comme les plus coupables sont condamnés par leurs commandants de compagnie à 8 jours de prison. Puis la machine s’emballe. Le colonel Pouget, du 96e R.I., porte la sanction à 15 jours, le général de Laporte, de la 55e D.I., à 25 jours. Enfin, le général Wirbel, du 37e corps, décide de faire "un exemple" et fait convoquer le conseil de guerre.

 

La sanction.

Quatre soldats sont condamnés à mort le 21 mai 1916. Il est important de noter que les trois autres, qui furent condamnés aux travaux forcés, furent réhabilités dès 1919 pour deux d’entre eux et en 1920 pour le troisième.

Parmi les quatre soldats fusillés, Lucien Baleux avait 19 ans, il était engagé volontaire, depuis le 26 août 1914, et n’avait pas encore l’âge d’être appelé. Félix Milhau avait 22 ans, il avait été blessé deux fois, en décembre 1914 et avril 1915.

Les 6 fusillés « pour l’exemple » de Roucy

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Théophile Boisseau fusillé le 6 juin 1916.

Journalier. Célibataire, né et domicilié à Paris 12e. Soldat de 2e classe au 246e R.I.

 

Son "crime".

Compte rendu de l’interrogatoire sommaire du soldat Boisseaux Théophile :

« Pour quelle raison n’êtes-vous pas sorti de l’abri de bombardement avec vos camarades au moment de l’attaque ? - J’étais abruti par le bombardement, j’avais peur.

N’avez-vous pas essayé de réagir contre cette peur ? - Je ne pouvais pas. 

Déjà en Artois vous n’aviez pas suivi la compagnie lors d’une attaque. Vous m’aviez promis de ne pas recommencer – Silence »

 

La sanction

Condamné à mort le 5 juin 1916, fusillé le lendemain à l’âge de 31 ans.

Les 6 fusillés « pour l’exemple » de Roucy

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Henri Désiré Valembras fusillé le 13 juin 1917.

Cultivateur, célibataire né à Avernes-sous-Exmes dans l’Orne, domicilié à Survie, arrondissement d’Argentan dans l’Orne, célibataire, soldat au 313e R.I.

 

Son "crime".

Extraits des Carnets de guerre du sergent Granger 1915-1917. La Grande Guerre vécue et racontée au jour le jour par un paysan de France. Commentés par Roger GIRARD.

« 28 (mai 1917 à Brouillet)… brusquement on nous apprend notre départ pour demain matin… il faut se coucher de bonne heure car demain matin réveil à 3 heures. Manifestations par quelques Poilus agissant sous l’influence du pinard ; nuit mouvementée, tout se calme avec un maigre résultat pour les auteurs de ce désordre ; ils s’en repentiront à bref délai.

C’est au 313e RI, où pourtant les incidents semblent avoir été plus limités et qui a été décoré 3 jours plus tôt après avoir durement combattu pendant près de 3 ans, que survint la peine la plus lourde ; une condamnation à mort exécutée…/… Le soldat Henri Valembras, de la classe 8, cultivateur, célibataire, va servir d’exemple. Il a frappé un capitaine à coups de pieds et de poings… »

 

La sanction.

Condamné à mort le 8 juin, fusillé le 13 à l’âge de 33 ans.

Les 6 fusillés « pour l’exemple » de Roucy

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En forme de conclusion, un extrait du livre de Michel MAUNY. Emile et Léa. Lettres d’un couple d’instituteurs bourguignons dans la tourmente de la Grande Guerre. Il concerne les quatre premiers soldats fusillés à Roucy.

« Il s’est passé hier une séance bien peu intéressante. 4 soldats du 96e ayant été condamnés à mort, les compagnies du 5e bataillon du 246e ont été chargées de fournir les 4 pelotons d’exécution… Par bonheur, je n’ai pas été désigné pour cette horrible besogne. Les camarades nous ont raconté la scène. C’était lugubre, poignant. Tous étaient hébétés d’avoir participé à cette exécution. Peut-être ces 4 malheureux avaient-ils mérité leur sort (je ne sais pas), mais on devrait bien trouver un autre moyen d’exécuter la loi au siècle où nous sommes. L’un  d’eux avait paraît-il 18 ou 19 ans. Il me semble que moi qui ai l’habitude de vivre avec les enfants et les jeunes gens, je serais devenu fou si on m’avait obligé à participer à ce drame. Je te raconterai ces choses que je n’ai portant pas vues mais qui ont hanté mon esprit toute la journée hier. »

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13 janvier 2015 2 13 /01 /janvier /2015 05:00

Emile Arthur Gréhan (Avila Gréhan en religion) est né le 9 mai 1869 à Saint-Paul-aux-Bois, dans l’Aisne, et décédé le 2 décembre 1946 à Soissons, à l’âge de 77 ans.

Acte de naissance d’Emile, Arthur Gréhan
Acte de naissance d’Emile, Arthur Gréhan

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Emile Gréhan enfant
Emile Gréhan enfant

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Il est le fils de Charles, Louis, Moïse GREHAN, maréchal, né le 21 février 1838 à Saint-Paul-aux-Bois, décédé le 25 mars 1914 à l’hospice de Soissons, et de Marie Mélanie Julie dite Julia BLONDEAUX, sans profession, son épouse, née le 25 novembre 1848 à Saint-Paul-aux-Bois, décédée le 23 mars 1911 à Roucy.

« Julia » maman de l’abbé Gréhan
« Julia » maman de l’abbé Gréhan

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La tombe des parents de l’abbé Gréhan dans le cimetière de Roucy.
La tombe des parents de l’abbé Gréhan dans le cimetière de Roucy.

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La correspondance d’un curé de campagne. L’abbé Gréhan curé de Roucy de 1899 à 1946. -	Première partie de 1914 à 1917.

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Ordonné prêtre en 1892, l’abbé Gréhan sera curé de Roucy de 1899 jusqu’à sa mort en 1946, et doyen honoraire de Berry-au-Bac

Il a vécu, pendant son ministère à Roucy, dans le presbytère près de l’église.

L'abbé Gréhan
L'abbé Gréhan

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L’église de Roucy avant la guerre 14-18. A droite, le presbytère.
L’église de Roucy avant la guerre 14-18. A droite, le presbytère.

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A la mort de son mari, sa cousine, Julienne Rebequet Poittevin, est venue vivre auprès de lui. Elle est décédée le 21 mai 1938 à Saint-Paul-aux-Bois.

Julienne Rebequet née Poittevin en 1906
Julienne Rebequet née Poittevin en 1906

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Madame Maryse Lemaire, arrière-petite-fille de Julienne, nous a très gentiment communiqué la copie d’échanges épistolaires de l’abbé Grehan avec sa famille.

Nous vous en présentons des extraits qui permettent de découvrir la vie à Roucy, ou en évacuation, pendant les deux guerres. (L’orthographe a été respectée.)

L’abbé Gréhan entre les curés de Concevreux et de Ventelay, sur l’Aisne, vers 1906. Au fond le village de Chaudardes.
L’abbé Gréhan entre les curés de Concevreux et de Ventelay, sur l’Aisne, vers 1906. Au fond le village de Chaudardes.

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Pour en faciliter la lecture, l’article a été divisé en 3 parties.

  • Première partie de 1914 à 1917
  • Deuxième partie de 1918 à 1923
  • Troisième partie de 1935 à 1946

 

Première partie : de 1914 à 1917 :

 

L’abbé Gréhan à sa cousine Octavie Louise Lemaire Rebequet, dite « Pierrette », à St Paul aux Bois (Aisne) :

Pierrette Lemaire, née Rebequet, épouse de Pierre « Lucien » Lemaire, et fille de Julienne Rebequet Poittevin
Pierrette Lemaire, née Rebequet, épouse de Pierre « Lucien » Lemaire, et fille de Julienne Rebequet Poittevin

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« Roucy le 21 août 1914

 

Chère Cousine

 

J’attendais avec impatience ta lettre que ta mère m’avait annoncée. Je la reçois aujourd’hui vendredi après 6 jours ; malgré cela j’ai été heureux de savoir que vous allez bien ; je regrette que tu n’aies pu voir Lucien avant son départ, mais tu as dû être un peu rassurée tout de même sur son compte.

Tu ne me dis pas si tu reçois les journaux que je t’envoie mais tu en as d’autres probablement car on est impatient de savoir les nouvelles de la guerre.

Les blessés continuent d’arriver à Reims et tout le monde est occupé à leur venir en aide. Malheureusement il y a aussi des morts : puissions-nous n’en avoir pas dans notre famille !

Ici les travaux vont leur train ordinaire.

Il y a une cinquantaine d’hommes qui sont partis. Le boulanger vient de rentrer et le boucher est parti dimanche. Nous manquons de viande pour une certaine quantité car on ne tue que des porcs.

J’ai à ravitailler les poules et les lapins ce n’est pas une petite besogne : il y a 19 poules et poulets et une trentaine de lapins. On me donne de l’hospice une brouettée de luzerne tous les 3 jours. Les jardinages sont en bon état : on me fait des confitures à l’hospice et j’y prends le repas de midi tous les jours.

J’ai eu la visite de Mr le Curé de Ventelay qui est toujours à son poste. J’ai vu aussi mes voisins de Maizy et Longueval. Nous avons dans notre canton un prêtre celui de Condé qui a eu un dérangement cérébral à cause des évènements actuels ; on m’a dit qu’on le soignait à Reims.

Madame Soulié va assez bien, elle est plus calme qu’au début.

On dit que le Pape est mort, voilà une nouvelle qui va compliquer encore la situation religieuse.

Je ne demanderais pas mieux d’aller vous voir, mais ce n’est pas facile : il y a des trains qui sont supprimés et on ne sait pas ce qui peut arriver du jour au lendemain : on n’ose pas s’aventurer loin de chez soi (...)»

Pie X décédé le 20 août 1914. (Journal L’Illustration du 29 août 1914.)
Pie X décédé le 20 août 1914. (Journal L’Illustration du 29 août 1914.)

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L’abbé Gréhan à sa cousine Julienne Rebequet Poittevin qui depuis le début de la guerre a rejoint sa fille à St Paul aux Bois :

 

« Mercredi 21 Octobre

 

Chère Cousine

 

Je t’envoie deux mots pour te dire que je vais bien malgré tous les évènements que nous traversons. J’ai chez moi Mr le Curé Lecompte et les Dames Lefèvre ainsi que deux autres et un Monsieur.

Notre doyen a été frappé par un éclat d’obus et il en est mort, Mr Chambry (l’abbé) a été emmené prisonnier depuis un mois et n’est pas encore revenu. Leopold Merlier est mort subitement il y a près de deux mois, ainsi que Madame Chantraine. Deux obus sont tombés sur notre église et ont défoncé le toit et le plafond au-dessus de l’entrée principale, en face de la maison de Mme Andieux. Il en est tombé plusieurs autres sur le pays.

Pontavert, Berry… sont presque détruits et les habitants ont dû partir. Ici nous sommes encore chez nous.

Je me demande ce que vous devenez par là. Si tu veux ou si tu peux envoyer de tes nouvelles, adresse ta lettre à Mr Choquel, aumônier militaire 1er corps 2e division

Car nous n’avons pas la poste depuis longtemps et nous ne recevons rien, ni lettre ni journal. Les appareils ont été détruits (…) »

Le Curé-Doyen de Berry-au-Bac frappé  par un éclat d’obus dans son presbytère
Le Curé-Doyen de Berry-au-Bac frappé par un éclat d’obus dans son presbytère

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L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire domicilié à St Paul aux Bois. Mobilisé : 1ère section Grand parc d’artillerie Groupe N° 2 Secteur postal 27 :

Pierre Lucien Lemaire
Pierre Lucien Lemaire

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« Roucy, le 28 novembre 1914

 

Cher cousin,

 

Je n’ai pu répondre plus tôt à votre lettre du 13 octobre pour la raison que nous étions depuis 3 mois privés de tout service postal et que votre lettre n’est arrivée ici que le 26 novembre »  

« (…) Que d’évènements depuis que ma cousine est retournée à St Paul ! Je n’ai pas reçu de lettre d’elle à l’exception d’une qui m’a été envoyée le 23 août et qui m’est arrivée avec la vôtre. A cette date, les Allemands n’avaient pas encore envahi nos régions. Ils sont passés ici le 2 septembre et le 4, ils m’ont emmené jusqu’à Ventelay à 3 kilomètres et m’ont laissé ensuite revenir ici.

Le 12, ils battaient en retraite et depuis, ils occupent les hauteurs qui sont en face de Roucy.

Voilà quatre fois qu’ils envoient des obus sur nous.

Il y a huit jours, il y en a une trentaine qui ont causé des dégâts matériels mais n’ont tué personne. Notre église a eu sa toiture défoncée et ma grand porte a reçu un éclat qui l’a percée ; nous sommes toujours dans l‘anxiété ;

Je loge chez moi 5 personnes de Pontavert qui ont dû quitter leur pays, et je vais assez bien, malgré tout.

Ma cousine n’est pas revenue et j’aime mieux la savoir à St Paul »

« (…) Le pays doit être sur la ligne de feu comme ici.

Espérons qu’il n’y a pas de trop grands malheurs à déplorer. Nous prions bien avec nos soldats pour le succès de nos armées, mais c’est bien long d’attendre ainsi des jours et des mois pour être délivrés.

Vous pouvez m’écrire à mon adresse ordinaire, car depuis quelques jours, on a rétabli un service des postes qui fonctionne assez bien (…) »

L’abbé Gréhan devant l’église de Roucy. « Notre église a eu sa toiture défoncée et ma grand porte a reçu un éclat qui l’a percée »
L’abbé Gréhan devant l’église de Roucy. « Notre église a eu sa toiture défoncée et ma grand porte a reçu un éclat qui l’a percée »

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L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy 15 décembre 1914

 

Cher Cousin

 

J’ai été très heureux de recevoir de vos nouvelles et de vous savoir bien portant : je souhaite que vous puissiez supporter vaillamment ces terribles épreuves et je demande au bon Dieu de protéger nos chers parents de St Paul qui sont malheureusement sous la domination des Allemands.

Il n’y a pas de changement notable dans notre situation. Voilà 3 jours de suite que nous recevons des obus dans l’après-midi. Une femme du pays a été tuée par l’un d’eux. Mon presbytère a reçu un éclat qui a percé le toit. L’obus est tombé dans la cour d’un voisin, à quelques mètres de ma maison. On vit dans des transes continuelles et on entend la fusillade et le canon en face de nous. A Concevreux il n’y a pas eu de nouveau bombardement depuis quelques temps. La lutte a l’air de se concentrer dans la vallée de l’Ailette, en avant de Laon d’après le bruit que font les canons… 

Plusieurs habitants de Roucy se disposent à émigrer.

Pour moi, je pense pouvoir rester à mon poste tant que le danger ne sera pas imminent. Je ne puis aller dans mes autres paroisses que pour raison grave et accompagné d’un soldat en armes.

Quelle situation tout de même et comme il faut mettre toute sa confiance en Dieu et en la protection de la Ste Vierge.

Je la prierai pour vous et avec vous et elle nous obtiendra le bonheur de nous retrouver un jour sains et saufs(…) »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

1914 Carte postale non datée.

 

« Mon cher cousin,

 

« (…) Il y a eu ces jours-ci une attaque à Berry au Bac, tout près d’ici et depuis nous entendons les grosses pièces. Cela nous donne espoir, mais ce sera long, car nous avons affaire à un ennemi qui ne se rendra que par la faim et l’épuisement et ne s’avouera pas vaincu.

Je vous souhaite bon courage toujours et je suis bien avec vous pour tous ceux que nous aimons. Ma santé est bonne et nous sommes un peu tranquilles au point de vue des bombardements qui n’ont pas été renouvelés depuis 6 semaines (…) »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy, le 30 décembre1914

 

Cher Cousin,

 

J’ai été très heureux de recevoir de vos nouvelles et je voudrais bien que vous puissiez en avoir de St Paul. Helas ! l’ennemi occupe toujours notre pays et on ne peut que prier Dieu d’abréger cette longue épreuve. Espérons du moins que nous retrouverons sains et saufs tous ces parents qui eux aussi se demandent ce que nous sommes devenus, car ils ne reçoivent aucun journal ni aucune lettre, et les Allemands leur font croire bien sûr des mensonges et les trompent sur les résultats de la guerre. C’est là ce qui doit affaiblir leur courage et les démobiliser.

Je crains bien que le bon Mr Le Curé de St Paul n’ait été fait prisonnier comme beaucoup d’autres de ses confrères et emmené en Allemagne. Quels barbares que ces Allemands et qu’ils méritent bien d’être détruits ! »

« (…) Nous avons toujours de la Troupe ; aussi, l’église est remplie le dimanche et nous avons de beaux Offices. Je suis fort occupé pour répondre aux soldats qui réclament les services religieux. Ils sont bien confiants et pleins de courage.

Depuis le 14 dbre, nous n’avons pas eu de nouvel obus. Espérons que c’est fini et que bientôt, notre pays n’aura plus l’ennemi si près devant lui.

Nous allons passer un triste jour de l’an, mais du moins, nous pouvons bien espérer que l’année 1915 nous donnera la victoire et la délivrance (…) »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy 11 mars 1915

 

Cher Cousin,

 

Je commençais à m’inquiéter de ne pas avoir de vos nouvelles : aussi j’ai été très heureux de lire votre lettre du 5 qui m’est arrivée aujourd’hui jeudi 11 et j’y réponds de suite dans l’espoir que vous serez content de savoir ce que je deviens. Je suis comme vous en attendant la libération de notre territoire et de notre pays de St Paul dont on ne peut rien savoir. D’après certaines nouvelles d’autres pays envahis on peut croire que les choses se passent bien à part la rareté des vivres et l’absence de nouvelles ainsi que l’incertain du résultat de tous les efforts que l’on fait. Dans notre région nous jouissons d’un certain calme n’étant pas bombardés depuis le 15 xbre mais le canon ne cesse de se faire entendre jour et nuit et les Allemands sont toujours aussi près de nous qu’il y a 6 mois. Leurs obus pouvant toujours nous atteindre et on a toujours peur de les recevoir. Les soldats vont et viennent : dix jours de tranchées puis 5 jours de repos. On finit par s’y habituer. En ce moment nous avons des soldats du Nord et du Pas de Calais qui aiment l’église et y viennent volontiers. Je loge deux sergents prêtres et un instituteur. La semaine dernière j’avais un commandant, un lieutenant et 3 sergents, sans préjudice des trois personnes de Pontavert qui sont toujours avec moi et vivent à la maison.

J’ai eu un peu de grippe il y a 3 semaines, car notre église étant découverte à un endroit et certains carreaux étant brisés par les éclats d’obus, il y fait très froid, surtout le matin où j’y dois rester quelquefois deux heures (…)

A.Grehan

Je vais écrire à nos chers prisonniers par l’intermédiaire d’un avocat de Genève et j’espère que mes lettres arriveront plus facilement. »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy, 16 avril 1915

 

Mon cher Cousin,

 

J’attendais toujours pour t’écrire que la situation soit éclaircie, mais c’est à peu près comme au début, malgré la canonnade fréquente et violente que nous entendons chaque jour. Il faut croire que nos ennemis tiennent à rester maîtres du pays qu’ils ont envahi. Nous du moins, nous sommes à l’abri de leurs violences et nous avons une certaine tranquillité, mais on ne peut s’empêcher de penser à tous nos parents qui sont obligés de vivre avec ces barbares. Encore un peu de patience et nous verrons la fin de nos peines, car le bon Dieu nous viendra sûrement en aide »

« (…) Nous venons de changer de contingent de troupes. Nos soldats du Nord nous ont quittés et sont remplacés par les troupes de Normandie. Il y a certainement moins à faire avec eux au point de vue religieux.

J’ai eu beaucoup de satisfaction de ceux qui viennent de partir et plusieurs continuent à m’écrire. On appelle en ce moment la classe 1889, celle dont je fais partie comme étant du service auxilliaire. »

« (…) J’ignore si je devrai encore partir d’ici le 20 avril, en tout cas, je n’ai pas d’ordre de route. »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy, le 3 mai 1915 »

 

« (…)  Nous avons eu aussi, le 23 avril et le lendemain quelques bombes sur notre village. Une quinzaine de cadets ont été blessés dont trois assez gravement. L’un des trois est mort presque aussitôt et je l’ai inhumé le lendemain. On a reçu 6 obus, la première fois et 12 la seconde, on se demande si la série va recommencer. Il y a quelques jours, on a encore entendu siffler 6 obus qui ont passé au- dessus du village et ont été s’abattre sur la montagne. Nous avons affaire à de terribles ennemis (...) »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy 27 mai 1915 »

 

« (…) Quant à moi je vais assez bien, nous recevons en ce moment depuis samedi des bombes d’aéroplane qui n’ont pas fait de victime heureusement. L’autre soir je n’ai pas pu continuer le salut du mois de Marie et hier, pendant le salut il y a encore eu du fracas. Quand donc pourra-t-on respirer librement ? (...) »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy, le 25 juin 1915 »

 

« …Pour l’instant, le pays est tranquille. Les obus ne viennent pas sur nous et on ne voit plus d’aéro.

C’est dans le Nord que se porte toute l’offensive. Voici Dunkerque encore bombardée, que devient notre cousin Rondel au milieu de ce fracas d’obus ! Je vais lui écrire pour savoir ce qu’il en est. Je continue à prier pour vous et pour nos parents : nous avons chaque soir le salut pour les dévots et le matin, il y a toujours 3 à 4 messes à laquelle on communie encore assez. Je distribue beaucoup de médailles, de chapelets, de livres de prières, et j’ai à répondre à un grand nombre de lettres de soldats qui m’écrivent : j’en ai déjà vu depuis le mois de septembre et il y en a qui sont disparus, malheureusement. Que le Bon Dieu veuille nous ramener la paix et nous faire retrouver tous les nôtres ! (…) »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy 19 juillet 1915 »

 

« … Par ici, il n’y a pas beaucoup d’activité. Quelques obus sont tombés sur le côté du pays vendredi soir, mais n’ont fait aucun dégât, car trois n’ont pas éclaté : je ne suis pas descendu à la cave et j’ai pu dire le salut comme chaque soir pour les soldats. Néanmoins on continue à prendre des précautions et on circule aussi peu que possible. »

« (…) Ma santé est bonne pour le moment et je souhaite que la vôtre puisse se maintenir jusqu’à la fin de la guerre. Espérons qu’il n’y aura pas de campagne d’hiver, bien qu’on fasse les préparatifs nécessaires pour pouvoir l’affronter (...) »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy, le 10 Août 1915

 

Mon bien cher Cousin,

 

Comme c’est aujourd’hui la St Laurent, j’ai pensé vous écrire pour vous dire que ce matin, j’ai dit la messe pour toute la famille, pour les vivants et les morts, et que je me suis transporté par la pensée vers notre chère église de St Paul, où sans doute, hélas, il n’y aura eu cette année aucune solennité. Que cela a dû paraître triste aux pauvres habitants, alors que chaque année, la St Laurent était si bien fêtée ! Comme on sera heureux, l’an prochain de se retrouver, espérons-le, pour célébrer la Paix retrouvée et la délivrance de nos pays !

Pour le moment, on se prépare et on se fortifie contre toute attaque possible de la part de nos ennemis. Leur succès relatif en Russie va les rendre encore plus fiers d’eux-mêmes, mais peut-être aussi, que c’est là que le Bon dieu les attend pour les humilier et leur infliger une monstrueuse défaite. Espérons-le de la bonté de la Ste Vierge que l’on prie en ce moment dans toute la France à l’occasion de la fête prochaine du 15 Août.

Ma santé est bonne toujours, et j’ai fort à faire avec le personnel qui loge ici : avec un peu de bonne volonté et de patience, on en vient à bout et on a le plaisir d’avoir obligé quelqu’un.

Aussi, j’ai toujours beaucoup de lettres de soldats qui me remercient et me gardent un bon souvenir dans leur cœur. »

« (…) Nous avons deux Religieuses qui s’en vont à Paris vendredi avec une vingtaine d’enfants ; elles m’ont promis d’aller voir Marcelle pour lui donner de nos nouvelles.

J’ai l’intention de leur confier un sac de linge de ma cousine et les plus beaux habits, afin de les sauver, en cas d’évacuation forcée de Roucy si la campagne d’hiver avait lieu (…) »

L’hospice de Roucy avant la guerre
L’hospice de Roucy avant la guerre

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L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy le 21 sept. 1915

 

Cher Cousin

 

Je viens d’avoir aujourd’hui la visite d’un lieutenant Thuillier de St Paul qui est cantonné au bas de Roucy : il m’a chargé de vous souhaiter le bonjour ; il n’a pas de nouvelles non plus de St Paul au moins directement, mais par les Duchemin qui sont prisonniers, il sait que ses parents vont bien.

Je n’ai pas de nouvelles autres à vous dire que celles d’habitude. Ma santé se maintient et je suis toujours un peu occupé par le séjour des soldats dans le pays ; il en est qui sont des habitués de l’église et fréquentent les sacrements et ils sont heureux de trouver un prêtre pour les accueillir en l’absence des aumôniers… »

« (…) Nous sommes en attendant ( ?) que la guerre se termine et nous avons confiance dans le succès final.

Encore un peu de patience et de courage et nous aurons certainement le dessus (…) »

 

Isidore Jules Lefèvre, mobilisé, et dont la famille est en zone occupée à Saint-Paul-aux-Bois, à son cousin l’abbé Gréhan :

Isidore Jules Lefèvre
Isidore Jules Lefèvre

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« Le 17 octobre 1915

 

Mon Cher Cousin

 

J’ai reçu votre lettre hier qui m’a fait grand plaisir. Je suis toujours en bonne santé malgré les fatigues et les privations auxquelles nous sommes toujours soumis, tout ce qu’il y a de plus dur pour moi, c’est que je m’ennuie beaucoup de ne jamais avoir aucune nouvelle de ma famille, voici maintenant une année complète d’écoulée, et pas aucun moyen de savoir ce que sont devenus parents femme et enfants. Espérons malgré tout que nous aurons le bonheur de les revoir tous un jour, mais je crois que ce jour est encore loin, car la guerre n’est pas encore finie, nous sommes à peu près sûrs maintenant que nous passerons l’hiver en campagne, les préparatifs que l’on fait partout attestent bien que nous n’allons pas céder à nos ennemis au contraire, et je vous assure mon Cher Cousin que nous sommes décidés à de nouvelles fatigues et privations, puisque l’on est en train, il vaut mieux continuer quelques mois de plus cette guerre et anéantir nos terribles ennemis à seule fin qu’ils ne se relèvent jamais et que le France puisse jouir d’une paix durable, et que nos enfants puissent vivre heureux et tranquilles (…) »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy, le 7 novembre 1915

 

Bien cher Cousin,

 

Je suis bien contrarié de vous savoir souffrant, et j’aurais voulu vous écrire plus tôt pour pouvoir vous envoyer de quoi vous procurer une petite douceur.

J’ai été fort occupé par le soin de la maison, car je suis seul avec Mr le curé de Pontavert, et il faut mettre la main un peu à tout, d’autant plus que je loge deux Capucines et qu’il y a beaucoup d’allées et venues dans la maison. Enfin, je suis bien portant et je puis en venir à bout jusqu’à présent.

Vous avez su que bien des gens d’ici étaient partis ; ils commencent à revenir petit à petit, puisque le danger semble un peu disparu. Nous entendons toujours un peu de canonnade et nous voyons des soldats aller et venir : c’est bien long et il semble que cela ne finira pas.

Puissent nos pauvres parents de St Paul n’être pas trop dans la misère, mais quelle peine pour eux d’être sans nouvelle comme aussi pour nous. »

« (…) Nous ne sommes plus bombardés depuis trois semaines, si cela pouvait être fini pour tout à fait (…) »

 

Georgina Leclere Lecomte (née à Saint-Paul-aux-Bois)  à Pierre Lucien Lemaire.

D’Aubervilliers où elle est couturière :

Georgina Leclere Lecomte
Georgina Leclere Lecomte

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« Samedi 28 Novembre 1915

 

Cher Cousin »

 

« (…) Avila ne nous a pas répondu ainsi qu’à maman, nous voulions qu’il vienne près de nous, il nous avait presque laissé comprendre que si les Allemands passaient l’Aisne il serait obligé de partir, mais cela doit être difficile maintenant car on se tape dur dans sa région, peut-être ne peut-il s’embarquer mais ce qui nous étonne c’est son silence. »

« (…) Voilà l’adresse de Me Avila Grehan ; cet aumônier lui fait remettre de suite car à Roucy la poste est fermée, aucune lettre ne parvient.

Mr l’abbé Choquel

Aumônier

1er corps 2e Division »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy 6 dbre 1915 »

 

« (…) J’ai bien reçu votre lettre d’Aubervilliers et j’ai bien pensé à vous toute la semaine. Votre lettre dernière m’est arrivée hier dimanche à mon retour de Bouffignereux où j’avais été dire une seconde messe après avoir dit la première à Concevreux : vous voyez que je ne manque pas de besogne : il y avait des deux côtés des soldats qui ont été heureux d’avoir la messe : aussi j’y retournerai encore dimanche malgré que ce soit fatiguant : cela me fait 9 kilomètres en tout avant de manger. Il y avait des obus lancés contre un aéroplane pendant que je mangeais et nos 75 faisaient un bruit sans pareil ; je ne savais pas trop si j’allais continuer. Enfin tout s’est bien passé. Nous avons eu quelques obus vendredi mais ils ont été dans les champs (…) »

 

D’Isidore Jules Lefèvre à son cousin l’abbé Gréhan :

 

« Le 27 Décembre 1915

 

Mon cher Cousin

 

Voici qu’arrive le jour de l’an, j’en profite pour vous adresser mes meilleurs vœux et souhaits de bonne et surtout, espérons-le de meilleure année.

Je suis toujours en bonne santé j’espère qu’il en est de même pour vous.

Je n’ai pas grand chose de nouveau à vous apprendre, la situation est toujours à peu près la même, il n’y aura certainement pas de graves évènements avant le printemps prochain mais en attendant l’hiver est bien long et bien triste.

J’ai vu sur le journal l’Aisne qu’il y avait encore beaucoup d’habitants dans les pays envahis, ainsi à St Paul il y en aurait encore 502 qui y seraient restés, maintenant il y en a près de 50 qui sont comme moi mobilisés et je crois 37 qui sont prisonniers en Allemagne, il n’y en manquerait donc pas beaucoup.

Il paraît que la population est bien ravitaillée par le comité Hispano Americain, elle ne manquerait de rien et elle ne serait pas trop malheureuse espérons que ces quelques renseignements sont vrais, c’est une grande consolation que de savoir les siens en sécurité malgré qu’ils ne soient pas heureux et qu’ils souffrent beaucoup de toutes sortes de privations et de notre absence (…) »

 

De Georgina Leclere à Pierre Lucien Lemaire :

 

« 6 janvier 1916 »

 

« (…) Reçu à l’instant une lettre du cousin Avila dans laquelle il nous envoie sa photographie, il est bien changé, bien vieilli et est toujours à Roucy… »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy, 23 février 1916

 

Cher Cousin,

 

Je pense que vous êtes toujours en bonne santé et au même endroit. Pour moi, je vais bien, malgré le mauvais temps que nous avons eu ces jours derniers et le bombardement que nous avons subi dimanche, vers 5h du soir. Une vingtaine d’obus sont tombés sur le milieu du pays et deux bombes d’aéroplane.

L’église a reçu deux obus, dont l’un a découvert une bonne partie du toit, près de la sacristie, et l’autre a fait tomber quelques pierres du mur à l’endroit où deux autres obus avaient déjà frappé.

Les autres sont tombés sur des maisons et n’ont fait, heureusement aucune victime : il n’y a même pas eu de blessé. C’est une chance aussi que ce soit arrivé en dehors des Offices habituels du Dimanche. Voilà encore une alerte de passée: si ce pouvait être la dernière, mais on ne l’espère pas. »

« (…) Nous avons en ce moment de la neige et il fait un peu plus froid. Heureusement que le préfet nous a donné du charbon : nous en avons eu 200 Kg chacun et avec la part de Mr le Curé de Pontavert qui a eu le double, cela fait 600Kg, au presbytère.

La viande est toujours introuvable et nous faisons le Carême continuel : le vin est fort cher aussi, mais on en trouve tout de même. Sur mes quatre poules, trois pondent actuellement.

Je loge un nouvel aumônier car nous avons changé de Division : c’est le recrutement de l’Yonne et des environs de Paris. Il ne vaut pas le premier corps que nous avions précédemment (…) »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy le 29 mars 1916

 

Mon cher cousin

 

Je n’ai rien de bien nouveau à vous apprendre, en ce moment, la situation n’a pas empiré, mais ne s’est pas améliorée non plus, et nous vivons dans l’incertitude sur ce qui peut arriver.

Le canon gronde toujours bien fort et tout près. Nous n’avons pas d’obus et nous n’en sommes pas fâchés, car c’est ennuyeux de descendre à la cave, surtout quand elle est pleine d’eau, comme la mienne. »

« Ci-jointe une photo de moi dans mon jardin, prise par un lieutenant que j’ai logé… »

La photo mentionnée dans la lettre.
La photo mentionnée dans la lettre.

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L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy le 27 Avril 1916 »

 

« (…) Jamais rien de nos pauvres parents de St Paul.

Cependant je viens de voir sur le journal qu’on pourra correspondre avec eux : je vous envoie la note qui a paru à ce sujet. Espérons que le bon Dieu les aidera à supporter leurs peines comme il le fait pour nous.

Je vous envoie un billet de 5f pour vous aider à mieux passer cette fête de Pâques qu’on aurait été heureux de célébrer dans son pays.

Ici nous avons eu tout de même une messe en musique chantée par la chorale d’un régiment.

L’église était comble et la quête a produit 66f, qui seront bien utiles pour les réparations

Nous avons eu quelques obus la veille des Rameaux. L’un d’eux est tombé dans le cimetière sur une fosse à quelques mètres de la tombe de mes parents.

En ce moment on bombarde le secteur de la Ville aux Bois et on ne dort pas beaucoup à cause du bruit que fait le canon. Il y a eu des prisonniers allemands qui sont passés ici hier (…) »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy, le 9 mai 1916 »

 

« (…) Je suis content que vous ayez pu remplir vos devoirs pour Pâques. Ici c’est très facile, car nous sommes trois prêtres, quelquefois quatre, et le dimanche il y a plusieurs messes. En semaine, je suis à l’église dès 5h1/2 et il y a toujours quelques soldats qui viennent, c’est vraiment intéressant. Chaque soir, nous avons le Salut et la prière et en ce moment, c’est le mois de Marie. L’église est ornée comme si l’on était en temps de paix : Les soldats apportent des bougies et nous avons eu de belles cérémonies pour la semaine de Pâques. C’est une consolation dans nos misères de pouvoir ainsi nous élever jusqu’à Dieu et lui demander de soutenir le courage de ceux qui peinent et qui luttent pour la défense du pays »

« (…) Je ne vous dis rien de ma santé qui est comme à l’ordinaire, ni de notre situation qui reste à peu près la même. On a cependant fait partir tous les enfants de moins de 14 ans. »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy, le 21 juin 1916

 

Mon cher Cousin,

 

Je suis heureux de vous savoir fixé sur votre situation qui sera moins pénible que celle des crapouilloteurs : vous avez eu tout de même de la chance de n’être pas de leur nombre et j’en remercie bien le bon Dieu.

Pour moi, je vais bien, comme d’ordinaire ; nous venons de changer encore une fois de Division et je n’ai plus d’aumônier à loger. Les soldats que nous avons sont de nos régions et paraissent mieux que ceux qui viennent de partir »

« (…) On pense que les évènements vont s’accélérer, mais il faut savoir attendre (…) »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy le 16 juillet 1916 »

 

« (…) Je dois vous dire que nous avons été bombardés le 13 juillet dans le quartier de l’église. Mon bâtiment a reçu un obus dont la tête est venue frapper par ricochet le mur de la maison et que j’ai retrouvé dans la cour. Tous mes carreaux ont été brisés : fort heureusement le médecin qui loge au presbytère m’a fait poser de suite de la toile pour boucher les trous.

Un autre obus est tombé sur le chœur de l’église ; la voûte en pierre a résisté les vitraux ont été abîmés.

D’autres obus sont tombés près de l’église et n’ont par bonheur blessé personne. Nous en avons été quittes pour la peur. C’étaient des 105. On prétend qu’il est déjà tombé sur le pays et autour plus de 500 obus depuis le début de la guerre, et ce n’est pas fini.

Je continue à être assez bien portant malgré tout.

Je commence à aller le dimanche dire la messe à Bouffignereux . Ce n’est pas très sûr non plus, car un obus est tombé vers le cimetière et il en vient de temps en temps sur le pays.

Aussi il n’y a plus guère qu’une vingtaine d’habitants (…) »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy 23 Août 1916

 

Mon cher Cousin

 

Je ne sais si j’ai répondu à votre dernière lettre du 12. Dans la crainte de ne l’avoir pas fait, je vous écris aujourd’hui pour vous dire que je suis toujours en bonne santé et que le calme règne un peu autour de nous.

On répare les brèches faites à la toiture dans l’église et j’en profiterai pour faire arranger mon bûcher. On refait aussi nos routes et on organise le cantonnement. Nous ne demandons qu’une chose, c’est de pouvoir rester jusqu’au bout dans nos maisons (…) »

 

L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy 7 octobre 1916

 

Je vous adresse mes meilleurs souhaits pour que vous voyiez bientôt la fin de cette horrible guerre et pour que vous puissiez savoir que vos enfants et Pierrette sont délivrés des Allemands. Quelle triste chose que de penser à cela et de ne pouvoir rien pour leur venir en aide, ou avoir, au moins de leurs nouvelles. Georgina vous aura dit, sans doute qu’Emile Demonceaux était prisonnier en Allemagne et qu’il lui avait écrit pour lui demander de l’argent. Il paraît qu’à Chauny, il y a beaucoup de prisonniers civils qui ont été emmenés par ces barbares. On ne leur rendra jamais tout le mal qu’ils auront fait et ils osent se prétendre les plus civilisés du monde entier.

Espérons que le Bon dieu ne nous abandonnera pas bien que on ne revienne guère à lui du moins tous ceux qui sont à la tête. Je le prie pour vous et toute notre famille et je vous serre cordialement la main en vous souhaitant bon courage.

A.Grehan. »

La correspondance d’un curé de campagne. L’abbé Gréhan curé de Roucy de 1899 à 1946. -	Première partie de 1914 à 1917.

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Carte de l’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire, du 7 octobre 1916
Carte de l’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire, du 7 octobre 1916

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L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy, le 9 octobre 1916 »

 

« (…) Ma santé est toujours satisfaisante et le calme règne dans notre pays. C’est à peine si on entend de bien loin le canon et on peut dormir la nuit très tranquillement (…)»

 

Marcelle Macon, cousine de l’abbé Gréhan, à son autre cousin Pierre Lucien Lemaire :

Marcelle Macon, demi-sœur de Georgina Leclere Lecomte
Marcelle Macon, demi-sœur de Georgina Leclere Lecomte

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« Aubervilliers 13 septembre (1917 ?)

 

Cher Cousin »

 

« (…) Nous correspondons toujours avec tous nos prisonniers ce n’est pas de même de St Paul car nous n’avons toujours aucune nouvelles. Vivons dans l’espoir que cette guerre va bientôt finir afin de pouvoir revoir toute notre famille saine et sauve.

Nous avons aussi des nouvelles de mon cousin Avila ils ne sont pas trop en sécurité par là paraît-il. Il nous dit que probablement l’hiver il serait obligé de quitter Roucy car la vie est intenable maintenant (…)»

 

La lettre ci-dessus est la seule qui reste pour la période entre le 9 octobre 1916 et le 25 juin 1918. Madame Maryse Lemaire nous a précisé :

« J'ai longtemps recherché tous ces courriers manquants avant de découvrir dans une lettre de mon arrière-grand-père Charles Lemaire que tout a disparu dans le train Paris-Mâcon lorsqu'il a dû évacuer lors de la 2e offensive Allemande (lettres disparues en même temps que ses maigres biens et que son argent d'ailleurs). »

 

FIN

de la première partie.

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13 janvier 2015 2 13 /01 /janvier /2015 04:00
L’abbé Gréhan
L’abbé Gréhan

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De Margot, jeune fille demeurant à Aubervilliers, chez sa cousine Georgina Leclere Lecomte :

 

« Aubervilliers le 25 juin 1918

 

Cher Cousin »

 

«  (…) Monsieur le Curé est définitivement fixé dans le midi, il y trouve son occupation et n’a pas l’air de s’ennuyer. Il a dû vous donner des détails de son triste départ et avec quelle vitesse il a dû évacuer son pays (…) »

La rue de Pantin à Aubervilliers
La rue de Pantin à Aubervilliers

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L’abbé Gréhan, réfugié dans les Basses-Pyrénées, à sa cousine « Pierrette » Lemaire Rebequet :

 

« Hasparren 29 juin 1918

 

Bien chère Cousine »

 

« (…) hélas ! l’avance subite du 29 mai nous a obligés à partir sans avoir le temps ni les moyens de rien emporter que les objets essentiels et j’en suis réduit à compter sur l’hospitalité que de braves gens m’ont accordée ici il y aura bientôt un mois.

J’y vis très bien mais je peux encore faire quelque chose et je pense que l’évêque de Bayonne me trouvera prochainement un emploi (…) »

 

“A.Grehan.

A Hasparren

(Basses Pyrénées)”

Hasparren (Basses Pyrénées). Vue générale.
Hasparren (Basses Pyrénées). Vue générale.

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L’abbé Gréhan à sa cousine « Pierrette » Lemaire Rebequet réfugiée à Névian (Aude) :

 

« Hasparren 2 juillet 1918

 

Chère Cousine »

 

«  (…) Quant à moi je vais bien en ce moment car je suis vraiment privilégié, étant chez d’excellentes personnes qui me témoignent la plus grande sympathie en considération de ce que j’ai fait bon accueil à leur fils soldat pendant son séjour à Roucy.

Notre pays n’avait pas trop souffert des bombardements fréquents que nous avions eus. Le dernier qui eut lieu le 7 avril avait fait produire de grands dégâts à l’hospice et au presbytère ; les obus n’ont pas éclaté heureusement et il y a eu fort peu de choses. Nous n’étions plus que 95 habitants au moment où il a fallu partir. Les Religieuses étaient restées trois seulement et les deux autres étaient à Paris depuis le mois d’Août 1916 avec les enfants. Pendant la première année de guerre, j’ai eu chez moi trois personnes de Pontavert et Mr le Curé ; on vivait ensemble. Puis ces personnes sont parties et seul Mr le Curé est resté chez moi ; il faisait la cuisine et ce n’est que depuis un an que je mangeais chez les Religieuses à midi chaque jour. »

« (…) Je crois que je me fixerai dans la région des Basses Pyrénées si je puis tenir une paroisse : j’attends tous les jours une réponse de Mgr l’Evêque (…) »

 

“A.Grehan

A Hasparren (Basses Pyrénées) »

La correspondance d’un curé de campagne. L’abbé Gréhan curé de Roucy de 1899 à 1946. -	Deuxième partie de 1918 à 1923.

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Vues d’Hasparren.
Vues d’Hasparren.

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L’abbé Gréhan à sa cousine, « Pierrette » Lemaire Rebequet, réfugiée à Névian dans l’Aude :

 

« Hasparren 17 juillet 1918

 

Chère Cousine,

 

J’ai reçu avec plaisir ta lettre et je ne veux pas tarder d’y répondre : cela me désennuie un peu car parfois il me vient un peu de cafard comme diraient nos soldats.

Je n’ai pas grand chose à faire et je souhaiterais être un peu plus occupé, mais on ne trouve pas facilement »  

«  (…) Cette fois c’est peut-être le commencement de la fin si l’on pouvait terminer avant l’hiver et que nous puissions retourner dans notre pays : quel bonheur ce serait ! »

« (…) quant aux Chères Sœurs de Roucy elles sont dans la Haute Vienne et en Meurthe et Moselle : la Supérieure va mieux et se remettra vite maintenant (…) »

Névian (Aude)
Névian (Aude)

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L’abbé Gréhan à sa cousine, « Pierrette » Lemaire Rebequet, réfugiée à Névian dans l’Aude :

 

« Mercredi 7 août (1918)

 

Chère cousine »

 

« (…) Ma santé est toujours bonne et ce n’est pas la fatigue qui m’accable ! Le repos est plutôt ennuyant : j’espère rapprocher bientôt de Paris et être occupé à un emploi dans une paroisse.

Voilà Fismes repris, mais les Boches ne vont pas lâcher facilement l’Aisne et il faut nous attendre à ce que nos pays soient dévastés et ruinés. Malgré tout on souhaite pouvoir y retourner et pour ma part j’en ai le plus vif désir (…) »

La correspondance d’un curé de campagne. L’abbé Gréhan curé de Roucy de 1899 à 1946. -	Deuxième partie de 1918 à 1923.

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Carte écrite d’Hasparren, le 7 août 1918, par l’abbé Gréhan.
Carte écrite d’Hasparren, le 7 août 1918, par l’abbé Gréhan.

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De Céline Caboche Bachelet à l’abbé Gréhan :

 

« Angoulême 11 Août 18

 

Cher ami »

 

« (…) J’espère que dans votre nouveau pays vous ne vous ennuyez pas trop, au milieu d’un langage pareil. J’ai été dans le même cas dans la Creuse, c’est ce qui a fait beaucoup que je m’y suis tant ennuyée n’entendant jamais de Français et je vois que vous avez un ministère assez chargé par votre lettre. »

« (…) Comme nous sommes malheureux d’avoir été obligés de quitter nos pays.

Merci des nouvelles que vous me donnez.

Je vous avais écrit à Roucy probablement au moment de l’évacuation ; ma lettre m’est revenue.

Mes amitiés les plus sincères

 

Celine Caboche »

Angouléme
Angouléme

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L’abbé Gréhan à sa cousine, « Pierrette » Lemaire Rebequet, réfugiée à St Maurice les Châteauneuf (Saône et Loire) :

 

« Hasparren 14 sept (1918)

 

Chère Cousine

 

Je viens de recevoir avec plaisir ta lettre et la photo que tu m’as envoyée, j’ai très bien reconnu Lucie, mais Gabrielle est bien changée de ce qu’elle était quand je l’ai vue à Roucy et qu’elle pleurait tant la nuit qu’elle y a passé. Il me semble que tu as un peu maigri et ce n’est pas étonnant après trois mois de privations et de souffrances au milieu de ces affreux boches. Quant à Lucien, il est vraiment heureux et sa figure l’indique. Il ne manque plus que ta mère pour compléter le tableau et il faut bien espérer que la délivrance approche pour elle et nos pauvres compatriotes.

Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Rebequet entre leurs filles Gaby et Lucie en 1918
Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Rebequet entre leurs filles Gaby et Lucie en 1918

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Roucy n’est pas encore libéré et il nous faut attendre quelques mois peut-être encore.

La Supérieure de l’hospice de Roucy m’a écrit pour me proposer une paroisse des Vosges où je serai au presbytère chez la mère du curé mobilisé.

L’archiprêtre de Mirecourt m’a fait savoir que je pouvais y venir quand je voudrai et devant son insistance, j’ai accepté et j’ai demandé un sauf conduit, j’espère qu’on m’accordera aussi le parcours gratuit, mais je ne compte pas m’en aller avant la fin du mois, car le fils des personnes chez qui je suis descendu doit venir bientôt et il me sera difficile de ne pas attendre son arrivée.

Je suis assez bien ici moyennant 5 F par jour pour mon entretien, mais je ne suis pas assez occupé et surtout s’il faut passer l’hiver ainsi, je serai forcément porté à l’ennui.

Nous avons ici un peu de grippe espagnole et une grande sècheresse. Le climat est très doux et il y a beaucoup de raisin. Je continue à être en bonne santé et à rendre quelques services dans la paroisse. Demain a lieu la grande procession au calvaire situé sur une montagne près du pays : on fait le chemin de croix en y montant devant les fidèles (…) »

Hasparren. Le Calvaire (route de Celhay).
Hasparren. Le Calvaire (route de Celhay).

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De « Pierrette » Lemaire Rebequet, réfugiée à St Maurice les Châteauneuf (Saône et Loire), à Pierre Lucien Lemaire, son mari, à Châteauneuf sur Loire (Loiret) :

 

« St Maurice le 4 obre 1918

 

Mon bien cher Lucien, »

 

« (…) Mon Frère m’a écrit, il est toujours en Champagne il dit que les boches reculent bien qu’ils sont maintenant en rase campagne et qu’il va certainement se passer quelque chose d’heureux pour nous, il pense qu’ils vont reculer sur leurs lignes qu’ils ont préparées au-delà de Vouziers Rethel et espère qu’ils laisseront les civils comme à Mondescourt l’an dernier.

Cousin Avila m’écrit aussi, il me demande la gare la plus proche car il a reçu quelques effets de Paris qui ne lui sont pas utiles et qu’il va m’envoyer, il ne quitte pas Hasparren car pendant ses hésitations la place qu’il devait avoir dans les Vosges est prise »

« (…) J’ai vu sur le journal que Concevreux, Roucy, Bouffignereux, Guyencourt sont repris, Avila va en être content (…) ».

Saint-Maurice-les-Châteauneuf
Saint-Maurice-les-Châteauneuf

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L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire :

 

« Hasparren 12 oct 1918 »

 

« (…) Roucy et les communes voisines sont délivrées et on nous fait espérer que Laon et La Fère seront bientôt libérées. On pourra alors songer au retour dans nos contrées mais ce ne sera plus que ruines et misère.

Malgré tout on tient à rentrer là où on a vécu si longtemps et à retrouver ses amis et connaissances car ailleurs on se sent dépaysé et isolé, surtout quand on parle comme ici une autre langue à laquelle on ne comprend rien.

Je suis toujours dans la maison des missionnaires et j’ai renoncé à l’idée de m’en aller ailleurs, car ce seraient peut-être de nouveaux ennuis et je redoute d’avoir encore à me faire à un nouveau pays. Je me porte assez bien et je tâche de prendre patience (…) »

Hasparren. La Maison des Missionnaires.
Hasparren. La Maison des Missionnaires.

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L’abbé Gréhan à sa cousine, « Pierrette » Lemaire Rebequet, réfugiée à St Maurice les Châteauneuf (Saône et Loire) :

 

Tampon sur l’enveloppe : Hasparren Basses Pyrénées 1918.10.15

 

« Chère Cousine

 

Je viens de recevoir ta lettre du 5 et en réponse à celle que je t’avais envoyée précédemment et dans laquelle je te demandais quelle était la gare qui vous desservait. Le colis dont je t’ai annoncé l’envoi n’est pas bien important. Il y a de l’étoffe pour faire des chemises, du velours et j’ai joint une paire de souliers hors d’usage, il y a sous l’un d’eux au talon un clou qui dépasse en dedans et qu’il faudra « rebruché »

« (…) Voici nos pays délivrés des Boches, mais il faut attendre que Laon soit repris car la rive droite de l’Aisne est toujours occupée par l’ennemi et il ne doit pas faire bon sur la rive gauche qu’ils bombardent sans doute copieusement.

Il fait toujours très bon dans le pays où je suis et le climat est vraiment doux comparé à celui de nos pays. Les habitants ne connaissent pas leur bonheur et ils ne souffrent guère des malheurs communs à part les familles qui ont des soldats morts à la guerre. Il y a presque chaque semaine un service pour quelqu’un d’entre eux.

On parle beaucoup de la paix mais la première condition c’est que les Boches évacuent nos pays. Si cela arrivait, nous pourrions rentrer pour l’hiver, bien que ce ne sera pas trop agréable d’habiter dans des maisons en ruines et de n’avoir pas de quoi se chauffer ni s’alimenter. Beaucoup hésitent à reprendre la route de leur village (…) »

Hasparren. Sortie de la messe.
Hasparren. Sortie de la messe.

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L’abbé Gréhan à sa cousine, « Pierrette » Lemaire Rebequet :

 

« Hasparren 28 octobre 1918

 

Chère Cousine »

 

« (…) J’ai fait une demande au préfet de l’Aisne pour me rendre à Roucy ; il vient de me répondre qu’il ne peut me donner d’autorisation à cause de la difficulté du ravitaillement, mais que dans trois semaines, je pourrai faire une nouvelle demande qui sera sans doute agréée ; j’ai donc l’espoir d’être pour la fin de novembre dans ma paroisse ; je ne sais dans quel état les Boches l’ont laissée, j’aime à croire qu’elle n’est pas si dévastée que St Paul, mais de toutes façons ce ne sera pas facile à remettre toutes choses en état et il me faudra l’aide de Dieu pour en venir à bout »

« (…) Les nouvelles de la guerre sont toujours bonnes et l’avance continue : les Boches ont fort à faire chez eux et ils auront du mal à s’en tirer maintenant. Quel mal ils auront fait et que de sang versé ! (…) »

Saint-Paul-aux-Bois après la Grande Guerre 1914-18
Saint-Paul-aux-Bois après la Grande Guerre 1914-18

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L’abbé Gréhan à sa cousine « Pierrette » Lemaire Rebequet :

 

« Hasparren, le 15 décembre 1918

 

Chère cousine, »

 

« (…) Je vais donc retourner à Roucy et je quitte définitivement Hasparren mercredi pour être jeudi à Paris et m’entendre avec la section canadienne qui s’est chargée de notre pays.

Ce sera dur pour commencer de se réinstaller dans un pays aussi dévasté, mais mon presbytère est debout et on peut y loger en fermant les portes qui ont été enlevées et en bouchant les ouvertures de fenêtres. Je compte bien sur ta mère pour venir au plus tôt pour m’aider et tu pourras lui écrire que je l’attends. Je serai sans doute à Roucy pour Noël et je tiens à y être au plus tôt, afin d’estimer le peu qu’on m’y a laissé. C’est à dire quelques sommiers et deux commodes. L’église n’a plus aucun ornement ni chandelier et elle a reçu quelques obus sur le toit.  L’hospice n’est pas trop abîmé, à part le caveau de la chapelle et la cave du perron que les Boches ont fait sauter.

Si tu écris, tu adresseras la lettre à Aubervilliers chez ma tante, car la poste ne fonctionne pas dans notre contrée de Roucy, du moins, pour le moment.

En passant par Paris, je t’enverrai un petit mot pour te dire quel jour j’arriverai à Roucy, afin que ta mère puisse venir m’y rejoindre. En tout cas, elle sera reçue chez Madame Thonon qui y est déjà installée et qui m’a dit qu’elle la recevrait volontiers en attendant que nous ayons organisé nos deux chambres au presbytère.

Tu voudras bien donner le bonjour à Lucien et à ses frères ainsi qu’à ton beau père. Je t’embrasse bien affectueusement.

A.Grehan.

 

Pour ses bagages, ta mère pourra peut être les apporter en chemin de fer ou en camion auto jusque Laon, et de là par auto, se faire amener à Roucy en demandant au commandant de place son rapatriement. »

Hasparren. Rue montante.
Hasparren. Rue montante.

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Marie "Julienne" Poittevin Rebequet à sa fille « Pierrette » Lemaire Rebequet à St Maurice les Châteauneuf en Saône et Loire :

 

« Blanchefosse (Ardennes) 8 heures soir 21.12.18

 

Mes chers enfants »

 

« (…) Maxime a repassé à Paris et il a vu nos parents tous en bonne santé, il a vu aussi Avila chez tante Zelia il doit retourner à Roucy aujourd’hui même, je pense donc y aller aussi sous peu avec les bagages que tu m’a laissés (…) »

Blanchefosse. L’abbaye de Bonnefontaine.
Blanchefosse. L’abbaye de Bonnefontaine.

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« Julienne » Rebequet Poittevin à sa fille «  Pierrette » Lemaire Rebequet réfugiée à St Maurice les Châteauneuf (Saône et Loire) avec la famille Lemaire et ses petites filles Lucie et Gaby :

 

« Blanchefosse 8 heures du soir 24 Dbre 18

 

Ma chère petite Lucie et ma chère petite Gaby

Je viens vous remercier de vos bonnes nouvelles qui m’ont fait doublement plaisir, puisque c’est vous qui me les envoyez pour la veillée de Noël, où le petit Jésus a l’habitude d’apporter des jouets et des bonbons aux enfants qui ont été bien sages. Pour cette année le meilleur don qu’il pouvait vous faire c’est de vous avoir conservé votre cher papa et de vous le rendre dans quelques temps, et de retourner ensemble à St Paul où j’irai vous voir de Roucy, car avec votre bonne lettre que je viens de recevoir je vais m’occuper de partir tout de suite pour rejoindre mon Cousin.

Je vous écrirai le jour que je partirai, j’espère bien être la bas au 1er janvier, peut-être même plus tôt, quoique je sois très bien ici, ayant de bons voisins et voisines et des soldats français qui sont très aimables avec nous ; ça ne sent plus le boche (…) »

 

L’abbé Gréhan à sa cousine « Pierrette » Lemaire Rebequet réfugiée à St Maurice les Châteauneuf (Saône et Loire) :

 

« Roucy, le 25 décembre 1918

 

Chère Cousine,

 

J’ai reçu ta lettre avant de quitter Aubervilliers, et c’est de Roucy que je t’écris ma réponse. Je suis arrivé mardi soir, par un temps bien mauvais et je me suis couché dans une chambre du presbytère sur un lit de soldat. Impossible, le jour de Noël de dire la Messe, faute de local, l’église est tellement en désordre et l’hospice aussi, de sorte que j’ai passé bien tristement cette belle fête. J’ai trouvé heureusement ici Mr et Mme Thonon, nos voisins qui m’ont fait dîner avec eux et m’ont aidé à préparer une chambre à l’hospice, où j’ai un petit poêle et un sommier éventré, avec une paillasse boche. J’espère y passer quelques bonnes nuits tout de même en attendant que j’organise une chambre ou deux. Tout mon presbytère est bien dévasté car il n’y a plus de porte ni de carreaux aux fenêtres ; j’ai en tout deux sommiers en fait de mobilier et quelques commodes inutilisables. Je me demande si ta mère voudra venir se fixer ici en ce moment, quoique je le voudrais bien car je serais moins seul, et à la longue, on finirait par se procurer le nécessaire. L’œuvre canadienne de l’Aisne dévastée nous a promis son assistance. Les sœurs ne rentreront pas tout de suite, car leur Supérieure Générale craint qu’elles ne soient trop malheureuses.

Nous sommes seulement 7 ou 8 personnes ici et tout est silencieux et mort : le pays est dévasté et les rues pleines de trous et de débris ainsi que les maisons où les soldats de passage ne se gênent pas pour augmenter le désastre.

Ma tante Zelia et Marcelle vont toujours bien et vous donnent le bonjour à tous. Elles ont beaucoup à faire et ont reçu pas mal de visites de familles ces temps derniers. Ta mère leur a écrit, quant à moi, je ne peux pas recevoir de lettre, car la poste n’est pas encore organisée ; je te préviendrai ; écris toujours à Aubervilliers et si j’y vais dans quelque temps, je trouverai tes nouvelles.

En attendant d’autres nouvelles, je t’adresse, ainsi qu’à Lucien et à tes petites filles, ainsi qu’à ton beau père et toute la famille mes meilleures amitiés.

 

A.Grehan

missionnaire au désert. »

L’Hospice de Roucy à la fin de la guerre.
L’Hospice de Roucy à la fin de la guerre.

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« Pierrette » Lemaire Rebequet réfugiée à St Maurice les Châteauneuf à Pierre Lucien Lemaire son mari à Châteauneuf sur Loire :

 

« St Maurice le 31.12.18

 

Mon bien cher Lucien, »

 

« (…) Nos chéries ont reçu une gentille lettre de Grand’Mère et une de Léonie Raverdy. Maman compte être à Roucy pour le 1er Janvier peut-être même avant, elle dit qu’elle viendra nous voir lorsque nous serons réinstallés à St Paul (…) »

Saint-Maurice-les-Châteauneuf (Saône-et-Loire).
Saint-Maurice-les-Châteauneuf (Saône-et-Loire).

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Eglise de Saint-Maurice-les-Châteauneuf.
Eglise de Saint-Maurice-les-Châteauneuf.

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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet  à Châteauneuf sur Loire :

 

« Aubervilliers, le 2 janvier (1919)

 

Chère Cousine,

 

Je suis venue passer la journée du 2 janvier chez ma tante Zelia. »

« (…) Je commence à être un peu plus à mon aise, mais les premiers jours, ont été pénibles. Le pays a été dévasté et on manque de tout. J’ai donc écrit à ta mère qu’elle pouvait venir par le moyen le plus commode, soit par le chemin de fer de Reims à Breuil, soit par camion, de Laon à Roucy. »

« (…) Je rentre demain pour continuer à restaurer le presbytère. J’y ai aménagé le salon qui me sert pour faire la messe, car l’église est trop en mauvais état et trop exposée aux courants d’air.

Je préparerai une autre chambre pour ta mère et nous aurons la cuisine pour y prendre nos repas. L’avenir, c’est de trouver des portes pour fermer toutes les ouvertures.

A bientôt d’autres nouvelles. Dès mon retour à Roucy et sitôt que ta mère sera arrivée (…)

 

« A .Grehan à Roucy par Laon. »

Aubervilliers. Rue de Pantin.
Aubervilliers. Rue de Pantin.

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L’abbé Gréhan à sa cousine « Pierrette » Lemaire Rebequet réfugiée à St Maurice les Châteauneuf (Saône et Loire) :

 

« Roucy 5 janvier (1919)

 

Chère Cousine

 

Je suis heureux de t’annoncer que ta mère vient d’arriver hier samedi à Roucy. Une voiture militaire l’a amenée en deux jours de Blanchefosse ici avec son ménage. Maxime est venu avec elle mais il repart aujourd’hui avec la voiture et le soldat qui les a amenés. Je revenais de Paris quand j’ai eu cette agréable surprise : je pense que nous allons nous organiser du mieux possible et que dans quelques temps nous serons tout à fait installés.

Le temps est bien mauvais. Je souhaite qu’il fasse un peu de gelée pour qu’on puisse sortir un peu dans les cantonnements afin de récupérer quelques objets dont nous avons besoin et recouvrir un peu mon toit (…) »

 

Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à sa fille "Pierrette" Lemaire Rebequet réfugiée à St Maurice les Châteauneuf (Saône et Loire) avec la famille Lemaire et ses petites filles Lucie et Gaby :

 

« Roucy  7 Janvier 1919

 

 

Mes Chers enfants,

 

Je pense que vous avez reçu la lettre de mon Cousin vous apprenant mon arrivée à Roucy, sans avoir eu d’ennui dans le voyage, car je suis venue de Blanchefosse à Roucy avec une voiture militaire et un soldat. Maxime était aussi avec moi il est retourné par la même voiture.

De cette manière j’ai pu apporter tout ce que tu avais laissé, nous n’avons plus rien à faire à Blanchefosse.

Mon cousin était à Paris lorsque Tante Zelia a reçu ta lettre pour moi, il me l’a donc rapporté.

J’étais installée au presbytère quand il est rentré car il avait laissé la clef de sa chambre à Mme Thonon et toutes les autres portes sont ouvertes. Roucy est bien démoli, mais un peu habitable il y a quelques personnes qui y sont déjà réinstallées.

Je suis heureuse d’y être revenue, je ne puis m’ennuyer, car ce n’est pas l’ouvrage qui manque, mais après une chose on en fait une autre, l’essentiel c’est de ne plus être à Blanchefosse.»

 « (…) la poste ne marche pas encore ici et on ne peut envoyer de lettres que lorsqu’il vient quelqu’un ici nous ne recevons pas de lettres en ce moment.

Espérons que la poste se rétablira bien vite (…) »

Roucy, le bureau des Postes et Télégraphes.
Roucy, le bureau des Postes et Télégraphes.

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Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à sa fille "Pierrette" Lemaire Rebequet réfugiée à St Maurice les Châteauneuf (Saône et Loire) :

 

« Roucy 9 janvier 1919

 

Mes chers enfants »

 

« (…) Maintenant je crois que nous allons recevoir des lettres régulièrement par Beaurieux en attendant qu’on rétablisse la poste à Roucy. »

« (…) Ici, c’est la même chose on ne s’occupe pas de réparer.

Mr Maucourant notre voisin est revenu avec sa femme, il a trouvé sa maison démolie, sa femme est repartie retrouver ses enfants et lui est resté pour construire une baraque, il mange ici et couche dans la petite chambre à côté de la cuisine. Sitôt sa baraque finie sa famille viendra le rejoindre. Roucy commence donc à se repeupler.

Les dames Canadiennes sont venues dimanche dernier en auto avec des provisions pour les habitants, elles ont logé ici, elles sont très aimables et bonnes ; elles m’ont donné un petit paquet d’habits cela m’a fait plaisir, elles doivent revenir dans quelques semaines apporter d’autres affaires (…) »

L’église de Roucy pendant la guerre avec la description des dégâts ultérieurs par « Julienne » Rebequet.
L’église de Roucy pendant la guerre avec la description des dégâts ultérieurs par « Julienne » Rebequet.

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L’église vers la fin de la guerre. « Il ne reste que le portail qui est prêt aussi à s’effondrer » Devant le presbytère un campanile remplace le clocher écroulé.
L’église vers la fin de la guerre. « Il ne reste que le portail qui est prêt aussi à s’effondrer » Devant le presbytère un campanile remplace le clocher écroulé.

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Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à sa fille "Pierrette" Lemaire Rebequet réfugiée à St Maurice les Châteauneuf (Saône et Loire)

 

« Roucy 15 janvier 1919

 

Mes chers enfants

 

Depuis mon arrivée à Roucy, je n’ai encore reçu que la lettre que tu m’as envoyée le 1er janvier et que mon Cousin m’a rapportée de chez tante Zelia, la poste ne se rétablit pas vite, le ravitaillement va mieux qu’à Blanchefosse nous ne manquons de rien. Nous sommes en bonne santé et espérons que vous êtes tous de même, nous n’avons pas le temps de nous ennuyer car ce n’est pas l’ouvrage qui manque pour se réinstaller nous allons aussi souvent dans les abris des soldats et on trouve des objets qui sont utiles pour le ménage. Jusqu’alors il n’y a pas beaucoup d’habitants de retour il y en a qui viennent faire un tour et quand ils voient ces démolitions ils disent qu’ils ne reviendront qu’au printemps.

Mon Cousin et moi ne regrettons pas d’être revenus car lui ne se plaisait pas fort à Hasparren et moi je ne regrette pas Blanchefosse, ce qui nous manque c’est d’être sans nouvelles, nous espérons que bientôt on en recevra car le facteur Mr Balin est de retour et il s’en occupe.

Nous avons assez souvent la visite des personnes qui ont des soldats dans les cimetières de Roucy et de Pontavert, ces pauvres gens viennent pour reconnaître leurs enfants ou leur mari pour les faire reconduire chez eux, mais cela aussi ne peut se faire en ce moment, il faudra qu’ils reviennent dans la belle saison. C’est par ces personnes que nous pouvons faire parvenir nos lettres. »

« (…) J’apprends de suite qu’il faut adresser les lettres à Roucy par Jonchery sur Vesle »

Le cimetière militaire provisoire de Roucy.
Le cimetière militaire provisoire de Roucy.

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Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à sa fille "Pierrette" Lemaire Rebequet réfugiée à St Maurice les Châteauneuf (Saône et Loire)

 

« Roucy le 26 janvier 1919

 

Mes chers enfants

 

J’attends tous les jours de vos nouvelles mais jusqu’alors je n’ai encore rien reçu, voici seulement que l’on vient d’installer un bureau de poste à Beaurieux, voici donc l’adresse qu’il faudra écrire :

Roucy par Beaurieux Aisne. »

« (…) Pour nous ici nous voici assez bien installer, les quatre pièces du bas sont à peu près finies et assez bien meublées, mon cousin occupe le salon où il y dit la messe tous les jours. Moi je suis dans la petite salle à manger, il fait très bon et cette semaine nous avons arrangé la chambre que j’occupais avant la guerre, cette pièce est réservée aux pauvres gens qui viennent à la recherche de soldats qui sont enterrés dans ces pays-ci, quant à la cuisine c’est pour tout le monde. Maintenant il reste encore les chambres du haut à remettre un peu en ordre, le plus malade, c’est la toiture, mais il y a un homme du pays qui s’en chargera. Quand au ravitaillement on a plus que le nécessaire, on a même du vin et on peut aussi aller à un pays voisin où il y a une épicerie, seulement tout est cher ; c’est sans doute pareil chez vous. Il n’y a pas encore beaucoup d’habitants de retour pour le moment mais il en revient toutes les semaines, le pays se repeuple tout doucement. Nous sommes heureux d’être revenus des premiers car les personnes qui reviennent sont contentes de savoir leur curé qui les attend et ils viennent tous le voir, nous ne nous ennuyons pas car nous sommes toujours occupés et avons toujours de l’ouvrage d’avance (…) »

 

Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à son beau-fils Pierre Lucien Lemaire :

 

« Roucy 30 janvier 1919 »

 

« (…) Ici les gens reviennent et s’installent comme ils peuvent, quant à nous, nous sommes assez bien logés car le presbytère est une des maisons les moins démolies du pays je ne m’ennuie pas car il y a du travail et les journées passent vite, quant au ravitaillement, il est meilleur que celui de Blanchefosse ; on a de tout à volonté même de la viande et du vin, et en plus il y a une boulangerie et une épicerie à un village voisin où l’on trouve ce que l’on a besoin, mais tout cela est cher.

Ce qui nous manquait c’était surtout de ne recevoir des nouvelles de personne, mais maintenant il y a un bureau de poste à Beaurieux et le facteur de Roucy y va tous les jours, il faut donc adresser les lettres : Roucy par Beaurieux Aisne.»

« (…) Il vient d’arriver aujourd’hui ici des soldats américains, cela mettra un peu d’entrain au pays, mais on ne comprend pas grand chose à leur langage, on aurait aimé avoir des soldats français, ce sera peut-être pour une autre fois.

Mon Cousin est parti depuis hier à Paris pour voir les Dames Canadiennes qui s’occupent de Roucy, elles ont déjà donné pas mal de choses en habits et linge, il doit rentrer ce soir, j’espère que son voyage n’aura pas été inutile et qu’il rapportera encore quelque chose (…) »

Roucy. La rue de Ventelay pendant la guerre. A gauche, les ruines de l’église.
Roucy. La rue de Ventelay pendant la guerre. A gauche, les ruines de l’église.

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L’abbé Gréhan à Pierre Lucien Lemaire à Châteauneuf sur Loire :

 

« 5 février (1919)

 

Cher Cousin, »  

 

« (…) La poste n’a pas fonctionné en janvier pour nous, mais maintenant, nous sommes desservis par Beaurieux et les lettres arrivent régulièrement.

Ma santé, ainsi que celle de Julienne est bonne et nous arrivons à nous organiser assez bien. Le ravitaillement nous est servi sans trop de lenteur. Ma maison se rétablit peu à peu, mais il faut se donner de la peine et je fais tour à tour tous les métiers ; j’ai plus souvent un outil à la main qu’un livre ou une plume. Je suis également obligé de renseigner les familles sur les tombes des soldats enterrés ici et dans les environs, et comme il n’y a pas de prêtre dans la région, j’ai au moins une dizaine de paroisses où je suis dans le cas d’être appelé pour un service. Voilà trois enterrements que je fais à Romain, Montigny et Maizy dans des églises à moitié démolies et pleines de courants d’air. Ici, je ne puis dire la messe dans l’église qui est fort abîmée. Je la dis dans ma chambre avec des ornements que l’on m’a donnés à Paris »

(…) Je vais écrire à Pierrette et j’espère que ma lettre la trouvera bien portante ainsi que les enfants et toute la famille. En attendant, veuillez lui offrir mes meilleures amitiés et lui dire d’excuser mon retard à lui donner de mes nouvelles. Sa mère a dû déjà la mettre au courant de notre situation à Roucy, nous voilà 27 habitants au lieu de 10 quand ma cousine est arrivée.

Je me réjouis de savoir que vous allez être démobilisé et que vous pourrez retourner à St Paul, mais que de soucis vous y attendent ! Enfin, comme vous le dites si bien et si justement, avec la grâce de Dieu et de la persévérance, on peut avoir confiance. Bon courage donc et bonne santé pour vous et pour votre famille (…) »

 

Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à sa fille « Pierrette » Lemaire Rebequet réfugiée à St Maurice les Châteauneuf (Saône et Loire) :

 

« Roucy le 9 Février 1919 »

 

« (…) Mon Cousin vient aussi de recevoir beaucoup de lettres pour rechercher des pauvres soldats enterrés dans ces pays-ci, cela lui donne beaucoup de travail. Je vous annonce la nouvelle qu’il vient de recevoir une lettre de Monseigneur l’Evêque de Soissons, il le nomme Doyen de Berry au Bac en résidence à Roucy ; cela ne changera rien à la situation si ce n’est qu’il aura un peu plus à faire. »

« (…) Les chères sœurs de l’hospice ne sont pas encore rentrées, la supérieure écrit très souvent à mon Cousin. Elles voudraient toutes être de retour dans leurs ruines même en baraques mais elles doivent l’obéissance à leur mère supérieure et celle-ci ne leur permet pas de revenir ; elles ne savent même pas si elles pourront revenir cet été, ce qui les désolent bien.

Mme Soulié est à Paris en bonne santé mais elle aussi voudrait bien être à Roucy seulement ce ne sera pas facile pour elle car la voilà déjà agée et elle désirerait ne plus rester seule, elle aurait voulu entrer à l’hospice comme pensionnaire.

Mme Thierry et sa fille doivent revenir bientôt, leur maison est une des moins démolies, malheureusement le mari de la fille Mr Leopold est mort pendant la guerre de cette façon elles sont aussi bien éprouvées car c’était un très bon garçon.

Mme Haution n’est pas encore rentrée son mari doit être démobilisé et son fils est soldat ils doivent aussi bientôt rentrer (…) »

Roucy. La rue de Pontavert.
Roucy. La rue de Pontavert.

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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet  à Châteauneuf sur Loire :

 

« Roucy 24 février 1919

 

Chers Cousin et Cousine

 

J’ai reçu avec plaisir votre lettre du 11 et je vous envoie un petit mot de réponse à la hâte car nous avons tant à faire dans la journée qu’on économise le temps. Et puis j’ai beaucoup de lettres à écrire ce qui m’oblige à veiller tard le soir ou à me lever de bonne heure. Je me demande si ce régime va durer longtemps. Heureusement que le Bon Dieu me favorise d’une bonne santé qui me permet de ne pas sentir trop la fatigue et de ne pas souffrir du manque de viande et de vin qui est habituel ; on se rattrappe sur le café, mais c’est plutôt un excitant qu’un fortifiant. Du moins on est chez soi et cela aide à passer bien des choses. Je souhaite que vous puissiez bientôt en dire autant, mais j’espère que vous serez mieux ravitaillés, car en quittant St Maurice où tout abonde sans doute, cela vous paraitrait dur. Ma cousine Julienne trouve que c’est encore bien mieux qu’à Blanchefosse. Elle va bien aussi et fait un peu tous les métiers comme moi. Nous trouvons encore le moyen dans notre détresse de loger notre voisin Mr Maucourant le maçon qui se bâtit une bicoque dans sa cour. Il mange avec nous et nous fournit son ravitaillement. L’autre soir il nous arrive un voyageur qui demande à loger. Heureusement que j’avais un lit d’occasion dans une chambre. J’ai pu le satisfaire. Déjà il y a trois semaines il m’est arrivé trois personnes à qui j’ai donné aussi l’hospitalité. Ce sont de pauvres gens qui viennent voir les tombes de leurs chers soldats. Souvent je leur évite le voyage en y allant moi-même et j’ai plusieurs cimetières à visiter. Depuis que je suis rentré on m’écrit de différents côtés et comme je suis le seul dans la région, je reçois les lettres adressées dans toutes les paroisses voisines. Je suis curé de canton et c’est sans doute ce qui a déterminé Mgr à me nommer Doyen de Berry au Bac, comme ma cousine a dû vous le dire, c’est un honneur qui sera plutôt une charge pour moi et qui à la longue deviendra fort embarrassant. Pour l’instant je n’ai rien de plus à faire que mon service habituel ici où je continue de résider (…) »

Châteauneuf-sur-Loire. La sortie de la messe.
Châteauneuf-sur-Loire. La sortie de la messe.

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Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à sa fille « Pierrette » Lemaire Rebequet réfugiée à St Maurice les Châteauneuf (Saône et Loire) :

 

« Roucy 25 Février 1919

 

« (…) on ne s’occupe pas du tout de reconstruire tous ces pauvres pays, ici, c’est la même chose on se loge comme on peut, quant à nous, comme nous voilà à peu près installés, je vais m’occuper de bêcher le plus de terrain possible pour faire beaucoup de légumes, la terre ayant été cultivée l’année dernière, ce sera assez facile »

« (…) Mon Cousin a trouvé la tombe du jeune soldat séminariste, le parent de Monsieur le curé de St Maurice (Abbé Buttel), il va y mettre une petite croix et je crois entretenir la tombe (…) » 

 

Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à sa fille « Pierrette » Lemaire Rebequet réfugiée à St Maurice les Châteauneuf (Saône et Loire) :

 

« Roucy 7 Mars 1919

 

Mes chers enfants »

 

« (…)  J’espère que vers la fin de ce mois vous serez tous à St Paul où j’irai vous voir, pour tous les bagages que j’ai à porter, je ne sais comment faire ; si je puis avoir une voiture ce serait plus sûr que par le chemin de fer car maintenant nous n’avons plus le chemin de fer à Roucy il faut aller à Breuil Romain. Vous m’écrirez quand vous serez pour partir »

« (…) Mon Cousin a arrangé la chapelle de la Ste Vierge dans l’église et il y dira la messe dimanche prochain, quant à moi je m’occupe du jardinage ; le jardin sur le chemin de Bouffignereux n’est plus cultivable nous avons une terre de l’hospice qui a été cultivée l’an passé et qui est en bon état, je vais faire le plus de légumes que je pourrai.

Les chères sœurs ne reviendront pas cette année à l’hospice ; c’est le régisseur du château qui va habiter avec l’instituteur les pièces qui ne sont pas démolies. La chapelle est détruite car le caveau a sauté ainsi que la cave. Peut-être qu’on réparera tout cela un jour, en attendant elles ne peuvent revenir ce qui les chagrinent beaucoup (…) »

 

« J.Rebequet

Chez Mr l’Abbé Grehan

Doyen de Berry au Bac

A Roucy par Beaurieux

Aisne »

7 mars 1919
7 mars 1919

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Marie Lucie Julienne Lemaire, 11 ans, à ses parents Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet, demeurant à St Paul aux Bois (02) :

 

(Roucy) « Lundi 9 juin 1919

 

Cher Papa, Chère Maman et Chère Gaby »

 

« (…) j’espère que cette lettre vous arrivera quoique les trains ne vont guère bien à Breuil en ce moment ; il paraît qu’ils n’expédient pas. Grand’Mère ne peut donc pas vous envoyer d’asperges puisqu’elles resteraient en chemin. Quant aux cerises, au lieu de murir, les fleurs sont tombées et les cerisiers commencent à mourir, il en est de même des pruniers ; les arbres sont empoisonnés, mais je crois qu’il y aura beaucoup de groseilles.

Il faudrait de l’eau pour les jardins, malgré cela les légumes de Grand’mère sont assez beaux »

« (…) Votre petite fille qui vous embrasse tous bien fort.

 

Lucie Lemaire »

Communion de Lucie Lemaire, à Roucy, en 1919
Communion de Lucie Lemaire, à Roucy, en 1919

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Marie Lucie Julienne Lemaire, 11 ans, à ses parents, à St Paul aux Bois (02) :

 

« Roucy le 19 juin 1919

 

Mon cher Papa, ma chère Maman et chère petite sœur »

 

« (…) Je vais tous les jours à l’école et reste de quatre à six heures à l’étude pour apprendre mes leçons, après 6 heures je vais garder la chèvre, elle donne 1 litre 1/2 de lait par jour. Tu me dis que tu m’as rapporté une paire de bottines noires de Verberie j’en ai pas besoin pour le moment car j’ai touché de la section Canadienne une bonne paire de souliers pour aller à l’école et des cahoutchoux avec du drap ce qui me sert de pantoufles. »

« (…) J’ai tardé à vous écrire parce que tu nous avais dit que le train ne marchait plus et que vous ne receviez plus de lettres (…) »

L’hospice de Roucy devient la mairie et l’école jusqu’en 1923
L’hospice de Roucy devient la mairie et l’école jusqu’en 1923

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Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à la famille Lemaire Rebequet à Saint-Paul-aux-Bois :

 

Date par défaut 12.07.1919

 

« Roucy samedi midi

 

Mes chers enfants

 

Nous avons reçu votre lettre hier, nous avons maintenant un bureau de poste, mais comme vous voyez, les lettres ne vont pas plus vite, au contraire, c’est une automobile qui arrive vers 3 heures et repart de suite, on ne peut donc répondre que le lendemain à la même heure il ne faut pas être pressé (…) »

 

Marie "Julienne" Rebequet Poittevin, à ses petites filles Lucie et Gabrielle Lemaire, et à leurs parents à St Paul aux Bois (02) :

 

« Roucy 12 Sept.1919

 

Mes chères petites filles

 

Je réponds à la gentille lettre de Lucie qui m’a fait bien plaisir, je vois qu’elle ne m’oublie pas et qu’elle a l’air de s’entendre avec Gaby pour aider à la récolte des pommes de terre, je me suis informée à la gare de Breuil pour expédier les fûts, mais on ne prend rien en petite vitesse et c’est trop volumineux pour la grande vitesse. Si cela avait été pour la ligne de l’Est le (chef) de gare aurait pu expédier par complaisance, mais comme c’est pour la ligne Nord il dit que c’est impossible, mais qu’à Jonchery ça pourra se faire, je tâcherais donc de vous les expédier par la première occasion que j’aurais, mais je ne sais quand, sitôt que je pourrais je vous l’écrirai aussitôt. »

« (…) depuis votre départ je n’ai pas eu beaucoup de temps  car le presbytère continue toujours d’être transformé en hôtel, ce sera comme cela jusqu’à la Toussaint ; après j’espère être tranquille pour l’hiver.

 Mon Cousin est aussi fort occupé il prépare une première communion à Romain pour le 21 sept. et une à Ventelay le 1er dimanche d’oct. il n’est donc pas souvent chez lui (...) »

Roucy. « Julienne » avec ses petites filles et son cousin, l’abbé Gréhan
Roucy. « Julienne » avec ses petites filles et son cousin, l’abbé Gréhan

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Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à la famille Lemaire Rebequet à Saint-Paul-aux-Bois :

 

« Roucy 24 sept 19

 

Mes chers enfants

 

Au moment que votre lettre est arrivée hier mardi, nous étions justement en train de charger les 2 fûts qui vont partir de Jonchery à la gare de Chauny, comme vous l’avez demandé, je les envoie en port dû, il paraît que c’est plus commode pour expédier vous m’écrirez quand vous les aurez reçus (…) »

Recto de la carte du 24 septembre 1919, de Julienne Rébéquet à la famille Lemaire.
Recto de la carte du 24 septembre 1919, de Julienne Rébéquet à la famille Lemaire.

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Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à la famille Lemaire Rebequet à Saint-Paul-aux-Bois :

 

« Roucy 18 Mars 1920

 

Mes chers enfants »

 

« (…) Tu me dis que vous avez votre baraque il n’y a plus qu’à attendre pour la monter. Mon Cousin a reçu aussi hier la baraque qui va servir d’église, on est en train de la monter, elle sera avant d’arriver chez le boulanger dans un terrain qui appartient au château on espère qu’elle sera montée pour Pâques(…) »

Roucy, intérieur de la chapelle provisoire.
Roucy, intérieur de la chapelle provisoire.

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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet :

 

« Dimanche matin (sans doute vers mai 1920)

 

Cher Cousin et Chère Cousine »

 

« (…) J’ai été cueillir les asperges et j’en ai eu deux petites bottes pour deux repas.

Mr le curé de Pontavert est arrivé vendredi pour enterrer une de ses paroissiennes que j’avais vue morte la veille en allant repérer des tombes militaires à la Pêcherie.

Mme Thierry m’a demandé de donner un lit à Mr Royenete et je l’ai fait coucher dans la chambre de ma cousine : je n’ai peut-être pas bien fait, mais c’est un homme de confiance. »

« (…) Nos pensionnaires ont recouvert leur maison et sans doute qu’ils vont aller y habiter aussi demain : ils ne reviennent que pour coucher (…) »

 

L’abbé Gréhan à Julienne Rebequet Poittevin qui se trouvait chez ses enfants à St Paul aux Bois :

 

(Sans date. Juin 1920 ?)

 

« Chère cousine »

 

« (…) J’ai fait mes enterrements vendredi à Berry au Bac et samedi à Concevreux, j’ai demandé à Mr le curé de Pontavert d’aller à Berry au bac le samedi  pour l’enterrement que je ne pourrai pas faire moi-même et hier dimanche  je suis allé pour la messe encore à Berry, mais j’ai eu de la chance d’avoir l’auto de Mr Baschet de Romain. Nous avons dîné à l’hôtel et nous sommes revenus à Roucy en passant par Corbeny comme Jeanne d’Arc ; j’ai pu dire le Salut  le soir à 6h1/2.

Les poules et les lapins sont en bon état : j’ai recueilli 12 œufs en 3 jours et les ai vendus à Me Baschet qui m’a invité à dîner demain mardi. Hier soir j’ai été chez Mr Paillard et j’y retourne ce soir. Mme Haution m’avait invité aussi, mais il y a des ouvriers plein la maison et j’ai eu peur de déranger.

Rien de nouveau dans le pays. Mr De Tretaigne a eu un concurrent au dernier moment : c’est le maire de Neufchâtel, je ne sais le résultat, il y aura sans doute ballotage (…) »

La rue de l’église à Cormicy. Recto de la carte, sans date (Juin 1920 ?), de l’abbé Gréhan à Julienne Rébéquet.
La rue de l’église à Cormicy. Recto de la carte, sans date (Juin 1920 ?), de l’abbé Gréhan à Julienne Rébéquet.

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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet :

 

« Jeudi 29 juillet (1920)

 

Cher Cousin et chères Cousines

 

J’espère que vous êtes en bonne santé et heureux de vous savoir en famille. Ici les personnes à qui je donnais une chambre sont parties ce matin.

Je compte avoir la supérieure de l’Hospice samedi, après-demain, elle vient pour des dommages de guerre qu’on fixera lundi. Si ma cousine veut la voir, il lui faudra abréger son séjour chez vous (…) »

 

Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à ses petites filles, chez leurs parents Lemaire Rebequet, à St Paul aux bois (02) :

 

« Roucy 26 Août 1920

 

Mes chères petites filles »

 

« (…) Je pense que votre moisson s’avance. Depuis quelques temps il fait assez beau, est-ce que le hangar que l’on devait vous faire se construit pour pouvoir rentrer votre avoine, ici il n’y en a encore qu’un seul de monté.

Je vous remercie d’avoir envoyé le cantique de St Laurent cela intéresse mon Cousin de savoir les cérémonies de St Paul. Il a été à Soissons mardi au sacre de Monseigneur l’évêque mais il n’a pu causer longtemps avec Mr le curé de St Paul, il croyait le revoir après la cérémonie, mais il ne l’a plus revu, il a enterré aujourd’hui la mère de Mme Maucourant elle était âgée de 80 ans, c’est la première personne de Roucy qui meurt depuis la rentrée au pays, il y avait eu bien des décès aux pays voisins mais ici on croyait que la mort avait oublié le pays (…) »

L’église et le monastère de Saint-Paul-aux-Bois avant la guerre
L’église et le monastère de Saint-Paul-aux-Bois avant la guerre

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L’église de Saint-Paul-aux-Bois restaurée, après la guerre.
L’église de Saint-Paul-aux-Bois restaurée, après la guerre.

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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet :

 

Non datée (janvier 1921 ?)

 

« Cher Cousin et Chère Cousine »

 

« (…) je suis très fort tenu par mes nombreux paroissiens ; peut être serai-je déchargé au printemps des 3 paroisses de la Marne (…)»

L’église de Cormicy. Recto de la carte non datée (janvier 1921 ?) de l’abbé Gréhan à ses cousins
L’église de Cormicy. Recto de la carte non datée (janvier 1921 ?) de l’abbé Gréhan à ses cousins

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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet :

 

1921.09. (Date supposée)

 

« (…) Pour le moment, nous sommes en bonne santé et je me prépare à aller faire ma retraite. Je ne sais si je pourrai car on vient de me dire qu’il y a ici une personne qui est bien malade.

Nous avons eu hier la bénédiction d’une statue de ND de Lourdes pour remplacer celle qui était dans l’église et qui a été brisée. La chapelle était bien remplie (…) »

Recto de la carte de 09.1921 (date supposée)
Recto de la carte de 09.1921 (date supposée)

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Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à la famille Lemaire Rebequet à Saint-Paul-aux-Bois :

 

« Roucy 13 sept 1921

 

Mes chers enfants

 

Mon cousin est parti d’hier à La Rochelle et doit rentrer vendredi soir, je compte donc partir samedi matin par le train de 11 heures à Pontavert, je descendrai à Crouy et là j’attendrai le train de Soissons à Chauny qui doit passer à 5 heures à Coucy, ce doit être le train que Lucien a pris quand il est venu à Roucy. Si vous pouviez venir un bout de chemin au-devant de moi en passant par la route pour nous rencontrer cela m’arrangerait bien car je serai un peu chargée. Je vais faire cuire poires et pommes pour qu’il n’y ait qu’à mettre dans les flans, que je pense faire dimanche de bon matin.

Mon cousin doit venir lundi matin par le train de Pontavert et il sera à Soissons à 8 heures et il aura sa bicyclette pour arriver jusqu’à St Paul (...) »

« Julienne » Rebequet Poittevin devant le moulin de Roucy après-guerre
« Julienne » Rebequet Poittevin devant le moulin de Roucy après-guerre

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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet :

 

« 27 novembre (1922)

 

Cher cousin et Chère Cousine »

 

« (…) Ici nous avons eu la fête de l’armistice avec cortège aux deux cimetières et dépôt de deux palmes par les Anciens Combattants et les Sapeurs Pompiers qui ont demandé à faire leur fête de Ste Barbe le 10 décembre prochain.

Samedi et dimanche, j’ai célébré Ste Catherine dans trois églises et vendredi ce sera la St Eloi, dans une de mes paroisses, peut être aussi une St Nicolas. J’ai encore eu deux mariages en 8 jours le 19 et le 25 Nov (…) »

 

L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet :

 

« 1923.06. (Date supposée : Ascension)

 

Cher Cousin et Chère Cousine »

 

« (…) Nous avons eu bien chaud ces jours-ci pour aller à Longueval et hier pour la fête de l’Ascension. Notre baraque était brûlante et j’ai dû abréger la messe le plus possible. Mr et Me Baschet sont venus dîner avec nous et ils m’ont conduit l’après-midi à Concevreux pour l’enterrement d’un Malien qui s’était noyé accidentellement dans le canal. On a été ensuite à Maizy et on est rentré pour le soir.

Aujourd’hui il fait moins chaud et je vais en profiter pour aller faire le catéchisme en dehors. J’en ai déjà fait deux ici. On a bien du mal avec tous ces enfants et la jeunesse, je ne sais pas comment tout cela finira : c’est un vent de folie qui passe (…) »

Hôtel Ployart à Concevreux. Recto de la carte de 06/1923 (date supposée) de l’abbé Gréhan à ses cousins
Hôtel Ployart à Concevreux. Recto de la carte de 06/1923 (date supposée) de l’abbé Gréhan à ses cousins

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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet :

(Date supposée 09.1923)

 

« Cher Cousin et Chère Cousine

 

J’ai été très sensible à votre bonne invitation pour le jour de la fête de St Paul, mais il me faudra encore cette année renoncer au plaisir d’être des vôtres, car je suis invité à bénir la première pierre de l’église de Neufchatel dimanche à 4h et je devrai rentrer seulement le lendemain à Roucy.

J’espère que la cérémonie de dimanche dernier à St Paul a été des mieux réussies, le temps était magnifique. J’ai été à ND de Liesse jeudi et j’y retourne encore jeudi prochain, mais ma cousine ne pourra pas y venir car nous avons des ouvriers au presbytère. La couverture va être terminée. On fait des niches pour les lapins et on a restauré les piliers de la grande porte. 

Nous avons mangé hier le canard n°2 avec Mr le curé de Longueval et nous l’avons trouvé très bon.

Il fait bien chaud en ce moment et on se croirait au mois de juillet (...) »

Neufchâtel sur Aisne. L'église en construction en 1924.
Neufchâtel sur Aisne. L'église en construction en 1924.

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Emplacement de la Ferme du Cholèra Recto de la carte non datée (juin 1923 ?) de l’abbé Gréhan à ses cousins
Emplacement de la Ferme du Cholèra Recto de la carte non datée (juin 1923 ?) de l’abbé Gréhan à ses cousins

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Marie "Julienne" Rebequet Poittevin à la famille Lemaire Rebequet à Saint-Paul-aux-Bois :

 

« Roucy 10 novembre 1923

 

« (…) Les ouvriers plâtriers travaillent toujours, les chambres du haut seront finies la semaine prochaine, après ce sera les pièces du bas, et plus tard les peintures et le papier à poser ; si c’est fini cette année ce sera beau, quoique cela va assez vite. J’avais encore peur que ce fut plus ennuyeux, les ouvriers sont convenables et entendent très bien les observations pour les changements à faire (...) »

 

FIN

de la deuxième partie.

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13 janvier 2015 2 13 /01 /janvier /2015 03:00
Famille Lemaire Rebequet entourant l’abbé Gréhan à Saint-Paul-aux-Bois en 1924.
Famille Lemaire Rebequet entourant l’abbé Gréhan à Saint-Paul-aux-Bois en 1924.

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L’Abbé Gréhan au centre d’un groupe de personnes non identifiées.
L’Abbé Gréhan au centre d’un groupe de personnes non identifiées.

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Roucy, 29 août 1926. Messe pour les soldats morts à la guerre, célébrée par l’abbé Gréhan, devant l’église en ruines.
Roucy, 29 août 1926. Messe pour les soldats morts à la guerre, célébrée par l’abbé Gréhan, devant l’église en ruines.

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Messe du 29 août 1926.
Messe du 29 août 1926.

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Messe du 29 août 1926.
Messe du 29 août 1926.

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L’abbé Gréhan à l’inauguration du Monument aux morts
L’abbé Gréhan à l’inauguration du Monument aux morts

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La nouvelle église de Roucy, inaugurée le 31 mai 1931
La nouvelle église de Roucy, inaugurée le 31 mai 1931

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La correspondance d’un curé de campagne. L’abbé Gréhan curé de Roucy de 1899 à 1946. Troisième partie de 1924 à 1946

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Inauguration de l’église le 31 mai 1931.
Inauguration de l’église le 31 mai 1931.

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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet :

 

« Roucy 2 janvier 1935 (date supposée).

 

Cher Cousin et Chère Cousine

 

C’est avec plaisir que j’ai reçu vos bons souhaits et je vous adresse les miens en retour en priant Dieu de vous conserver en bonne santé et de bénir vos travaux. Nous avons été contents d’avoir la visite de Pierre et je pense qu’il ne s’est pas trop ennuyé ici. S’il était resté jusqu’aujourd’hui, il aurait pu aider sa grand-mère à opérer le sauvetage des légumes de la cour car nous avons 20 cm d’eau ! C’est arrivé tout d’un coup (…) »

Recto de la carte du 2 janvier 1935
Recto de la carte du 2 janvier 1935

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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet

(sa cousine Julienne Rebequet Poittevin est décédée 9 jours plus tôt à St Paul :

 

« Roucy 30 mai (1938)

 

Cher Cousin et chère Cousine

 

J’ai été heureux d’avoir de vos nouvelles et de lire la lettre de Pierre Rebequet, je vous envoie à mon tour une lettre de l’ancienne fermière de Gernicourt dont le mari a été tué par un ouvrier il y a quelques années, et une carte d’une amie de Mme Baschet et une lettre d’un ancien aumônier militaire dont ma cousine (Julienne) a dû vous parler.

J’ai eu hier la Communion à Roucy 2 premiers communiants frère et sœur et 7 renouvelants : le temps a été passable et j’ai été manger à midi et au soir chez le fermier belge du bas du pays avec Mr et Mme Baschet.

Mme P. a des ennuis avec son fils qui travaillait chez A. : il est parti avec la femme du cafetier de Roucy, Mme L. et le mari a failli l’assommer : il l’a frappé à coups de serpe et il est un peu amoché, mais on ne sait pas où il est allé. C’étaient des communistes.

Albert Baschet vient dimanche chez ses parents, je lui demanderai de me conduire à Berry au Bac et à Concevreux où je dirai la 3e messe à midi à l’occasion d’un mariage fait la veille.

J’aurai ensuite la Communion à Berry au Bac le 12 et à Concevreux le 19. Vous voyez que j’ai de quoi m’occuper : je tâche de me suffire pour l’instant. Si Marcelle était plus valide, elle pourrait peut-être venir un mois ou deux, mais j’ai peur qu’elle tombe malade et me donne de l’embarras (…) »

« Julienne », l’abbé Gréhan et madame Baschet
« Julienne », l’abbé Gréhan et madame Baschet

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« Julienne » et des amis de Roucy
« Julienne » et des amis de Roucy

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L’abbé Gréhan à ses cousins Pierre Lucien Lemaire et « Pierrette » Lemaire Rebequet :

 

« Roucy 20 sept.  (1938 ?)

 

Cher Cousin et Chère Cousine

 

Notre retour s’est effectué dans de bonnes conditions. Nous avons suivi le Chemin des Dames et sommes arrivés à Roucy vers 7h1/2, sans fatigue et tout heureux d’avoir passé quelques bonnes heures en votre compagnie et celle du cher Mr Péchenart et de ses amis. Il avait plu assez fort à Roucy dans la journée.

Nous allons continuer la fête aujourd’hui en mangeant chez Mr Boschet le flan et le gâteau. Le poulet sera réservé pour le jour où Albert viendra. C’est dimanche la fête de Bouffignereux : je crois vous avoir dit que Mr Petitfrère avait cédé sa ferme à son gendre Mr Moureaux, marié à Lucie. Cela va bien pour le moment. Le fils de Mme P. qui s’est sauvé avec une femme d’ici n’est pas revenu, ni elle non plus (…) »

Recto de la carte du 20.9. (1938 ?)
Recto de la carte du 20.9. (1938 ?)

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L’abbé Gréhan, réfugié à Carantec (Finistère), à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Carentec, Finistère le 27 mai (1940)

 

Chers Cousin et Cousine

 

Je vous écris sans savoir si cette carte pourra vous arriver, car peut-être êtes-vous évacués comme nous le sommes depuis le dimanche 19. Après bien des péripéties, et des centaines de kilomètres, en auto et en chemin de fer, 2 nuits et 3 jours, nous avons débarqué à Morlaix dans le Finistère et nous sommes arrivés dans une station balnéaire appelée Carentec où nous occupons un hôtel. Ici nous sommes 20 de Roucy et 67 du Nord et du Pas de Calais. D’autres hôtels en contiennent beaucoup d’autres.  Nous sommes nourris et logés gratis.

J’ai écrit à l’Evêque de Quimper pour obtenir un emploi : je ne sais si je l’aurai. Ma bonne est avec moi, nous sommes tous en bonne santé malgré toutes nos émotions et nos fatigues.

Hier, j’ai chanté la messe de la Fête Dieu et fait la procession, puis après les vêpres, nous avons été visiter St Pol de Léon et Roscoff. Nous sommes tout à fait sur le bord de la mer et le climat est très bon. Les gens nous ont bien accueillis, mais tout cela n’enlève pas notre chagrin d’avoir quitté notre pays pour la 2e fois et abandonné nos affaires. Enfin, il faut offrir à Dieu ce sacrifice pour contribuer à la victoire.

Vous pourrez m’envoyer un mot ici si vous recevez le mien. En attendant, je vous renouvelle à tous mes meilleures amitiés et je vous embrasse de tout cœur.

 

A.Grehan.

Hôtel d’Arvor

 Carantec

 Finistère. »

Recto de la carte du 27 mai 1940. Hôtel d’Arvor à Carantec.
Recto de la carte du 27 mai 1940. Hôtel d’Arvor à Carantec.

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L’abbé Gréhan, réfugié à Carantec (Finistère), à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Carentec, 3 juin (1940)

 

Chers Cousin et Cousine

 

J’ai reçu votre lettre hier Dimanche après la belle procession de la Fête Dieu qui a eu lieu dans les rues du village, tout près de la mer. Nous sommes vraiment privilégiés auprès de vous et nous ne devons pas nous plaindre. J’aide Mr le Curé et l’évêque de Quimper m’a donné les pouvoirs de remplir toutes les fonctions du ministère. On est très pieux ici et il y a des  communions nombreuses. Tous les jours de la semaine dernière, on chantait les Vêpres du St Sacrement à 8h ½ ; l’église était pleine.

Nous sommes 90 dans le même hôtel : nous mangeons tous ensemble et ce sont les femmes qui font la cuisine, 3 équipes pendant 3 jours chacune : soupe, rata et eau. On s’y fait.

Je fais quelques excursions : j’ai été à St Pol, à 10km d’ici et dont je vous envoie la belle cathédrale : j’ai bien pensé à notre St Paul. Hier, j’ai été à Morlaix, à 13 km. Des autobus d’ici y vont tous les jours. Tous ces pays sont agréables à voir et le voisinage de la mer les rend encore plus intéressants. 

Qui aurait jamais pensé que nous serions transportés si loin. En somme nous n’avons pas eu à marcher à pied et nous avons trouvé à temps des autos et le chemin de fer pour nous transporter. A Laval, on nous a défendu de descendre parce qu’il n’y avait plus de place : il y a des gens de Roucy qui y sont certainement, dans des villages comme vous y êtes aussi. Je ne crois pas qu’on nous y transportera, nous sommes avec des gens du Nord et d’ailleurs : il y a plusieurs centaines de réfugiés et il en arrive dans les pays voisins encore maintenant. Quelle chose épouvantable ! Quelle misère va résulter de tout cela et que retrouvera-t-on ?

J’ai eu de nouvelles de quelques personnes de Roucy qui vont à Bordeaux et à Dax, j’en attends de Laval où j’ai écrit à notre vicaire général.

Notre petit groupe des 17 de Roucy reste bien uni et nous nous consolons mutuellement, en espérant reprendre le plus tôt possible le chemin de Roucy. Ce qui est le plus ennuyeux pour nos gens, c’est de ne pas avoir de travail (…) »

Cathédrale de Saint-Pol-de-Léon  Recto de la carte du 03.06.1940
Cathédrale de Saint-Pol-de-Léon Recto de la carte du 03.06.1940

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L’abbé Gréhan, rèfugié à Carantec (Finistère), à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Carantec le 11 juin (1940)

 

Chers Cousins et Cousines

 

Je vous envoie ce petit mot pour vous donner de mes nouvelles et en avoir des vôtres.

J’espère qu’elles sont satisfaisantes vu les circonstances plutôt pénibles que nous traversons.

Avez-vous retrouvé vos enfants et avez-vous des nouvelles des absents ?

Quant à moi je continue à aider Mr le Recteur dont la population a doublé par suite du grand nombre de réfugiés qui sont logés ici dans les hôtels : nos gens de Roucy sont toujours avec moi et nous prenons nos repas ensemble avec près d’une centaine d’autres réfugiés comme nous.

Nous avons vu hier dans le journal que l’on se battait dans la région de Pontavert et aujourd’hui quelqu’un disait que les Boches étaient à Fismes.

Ils auraient donc réussi à percer le front comme en 1918. Si on pouvait comme alors les arrêter dans la forêt de Villers Cotterêts. Ils ont sans doute Paris comme objectif et Rouen. Où s’arrêteront-ils ? Et l’Italie qui va nécessiter le maintien de nos troupes dans le midi ? Vraiment, si on n’avait pas la confiance que Dieu est avec nous, on pourrait croire la situation désespérée (…) »

Recto de la carte du 11 juin (1940)
Recto de la carte du 11 juin (1940)

Quelques vues de Carantec :

La Chaise du Curé
La Chaise du Curé

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Château du Taureau et Ile Louët
Château du Taureau et Ile Louët

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L’église
L’église

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L’abbé Gréhan, de retour à Roucy, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy Vendredi (sans doute vendredi 28 juin 1940.)

 

Cher Cousin et Cousine

 

Je ne veux pas tarder à vous donner des nouvelles de mon retour à Roucy, car vous vous demandez comment j’ai pu m’en tirer. J’aurais dû suivre votre conseil et aller à St Waast prendre le petit train, mais j’ai été à la grande gare, pensant descendre à Breuil et n’avoir qu’une dizaine de kilomètres à faire pour gagner Roucy. Mais le train était parti et alors pour ne pas revenir en ville, j’ai pris la route de Reims après la pluie et je suis arrivé à Braine à 3h1/2, là j’ai cassé la croûte dans l’église et j’ai pris la direction de la Vallée de l’Aisne par Viel Arcy, favorisé par le vent que j’avais dans le dos et je suis arrivé à Roucy à 6h, j’ai donc mis 4h à faire la route qui comporte une quarantaine de kilomètres. Hier jeudi, j’ai été dire la messe à Berry au Bac sans trop de fatigue et au retour, nous avons goûté au poulet qui était excellent. La bonne l’avait très bien fricassé : il y en a encore pour une fois, et voici qu’on m’a donné un lapin de garenne et une demi-livre de vrai café : tout arrive à la fois.

J’espère que votre retour a été assez bon, quoique vous ayez eu aussi de la pluie, mais vous n’avez pas été longtemps sur la route, heureusement.

Enfin, nous avons eu le plaisir de nous voir quelques instants, nous renouvellerons la visite, ou plutôt je me rendrai chez vous comme nous l’avons dit. Je n’ai rien acheté à Soissons et je serai obligé d’aller à Reims la semaine prochaine (…) »

Carantec – Vue sur Saint-Pol-de-Léon Carte non datée (du 28 juin 1940 ?)
Carantec – Vue sur Saint-Pol-de-Léon Carte non datée (du 28 juin 1940 ?)

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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy, le 4 février 1942

 

Chers Cousin et Cousine

 

Je me demande comment vous avez passé ce coupon d’hiver que nous avons en ce moment et si vous avez de quoi vous réchauffer pour supporter ce terrible froid auquel nous n’étions pas habitués les hivers précédents. Hier, ma servante est tombée en allant chez la voisine chercher de l’eau de source, car nous n’avons rien de la concession depuis plusieurs jours et nous avons eu peur ; elle avait perdu connaissance et ne pouvait plus parler, heureusement elle a repris conscience et ce ne sera qu’une peur.

Il y a 8 jours, je n’ai pas pu aller à Bouffignereux dire la messe du dimanche. J’ai été avant-hier tout de même à Guyencourt avec bien de la peine et en rentrant, j’ai dit la messe dans mon salon, comme je le fais d’ailleurs tous les jours car notre église a trop de trous dans les vitraux et la neige est tombée en dedans.

Nous avons eu ici deux séances récréatives, l’une par les jeunes filles de Beaurieux et l’autre par la jeunesse de Guyencourt au profit des prisonniers. La recette a été très bonne, il y a eu aussi une séance à Berry au Bac à laquelle je n’ai pas pu assister (…) »

Forêt de Villers-Cotterêts – Vivières  « Les enfants de Saint-Vincent-de-Paul » Recto de la carte du 4 février 1942
Forêt de Villers-Cotterêts – Vivières « Les enfants de Saint-Vincent-de-Paul » Recto de la carte du 4 février 1942

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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy le 14 décembre (1942)

 

Cher Cousin et Chère Cousine

 

J’ai un peu tardé à vous écrire me semble-t-il : aussi je ne veux pas attendre plus longtemps pour vous donner de mes nouvelles qui sont assez bonnes, malgré la situation qui nous est faite.

J’espère que de votre côté, vous arrivez à vous débrouiller, et surtout je pense que mon cousin, ne souffre pas trop de ses douleurs. J’ai à vous apprendre aujourd’hui que la femme de Mr Petitfrère de Bouffignereux a eu une attaque de paralysie mercredi dernier : elle a tout le côté droit pris, elle ne peut plus parler : elle avait 27 de tension, on lui a enlevé une cuvette de sang et on ne sait pas comment cela va aller. J’ai dit à Mr Petitfrère que je vous ferai part de son malheur et que je vous donnerai des nouvelles si cela va mieux dans les neuf jours qui vont s’écouler.

J’ai eu tout de même la satisfaction de voir arranger un peu les plus grandes brèches des vitraux de l’église de Roucy et je puis y faire les offices sans avoir trop froid.

Je suis toujours content des services de ma Dame de ménage et elle fait tout ce qu’elle peut  pour me soulager.

Je vais envoyer à ma cousine une paire de pantoufles qui feront, je crois, son affaire (…) »

Forêt de Villers-Cotterêts – Vivières « Les enfants de Saint-Vincent-de-Paul » Carte du 14 décembre 1942
Forêt de Villers-Cotterêts – Vivières « Les enfants de Saint-Vincent-de-Paul » Carte du 14 décembre 1942

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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy 19 janvier (1944)

 

Chers Cousins et Chère Cousine »

 

« (…) depuis quelques jours je me trouve un peu mieux, les saignements de nez ayant cessé. J’ai été à Reims jeudi dernier 13 par vélo jusque Breuil et par chemin de fer de là à Reims or, en descendant en gare, voilà un fort saignement causé sans doute par le trajet, qui me prend. J’ai dû chercher asile chez un coiffeur et faire demander un Père Jésuite du voisinage qui m’a procuré une religieuse de clinique. Au bout d’un quart d’heure le saignement s’est arrêté et j’ai pu aller chez les Saints du bon Pasteur pour déposer mon linge à blanchir. Elles m’ont restauré et j’ai pu aller ensuite revoir le médecin qui m’avait soigné en 1938. Il m’a ordonné le repos et pas d’efforts, comme celui de Beaurieux, même une retraite ou une petite paroisse. Mais surtout il m’a fait acheter une sorte de gaze ferropyrine pour mettre dans le nez et elle me fait beaucoup de bien car elle arrête le sang quand il veut partir. Je prends aussi trois cuillères à café de chlorure de calcium que je prenais autrefois dans les mêmes cas et je m’en trouve très bien. Aussi j’espère être débarrassé pour quelque temps de mon infirmité. »

« (…) J’ai fini de manger le beurre que j’avais rapporté de St Paul . Mme Bernard l’avait fait fondre et il a duré jusqu’ici. Si vous aviez une petite boîte de fer blanc et que vous puissiez en mettre un petit morceau. Mais je ne veux pas vous ennuyer pour cela. »

« (…) peut-être dans un mois serai-je obligé d’aller renouveler ma provision de vin de messe à Soissons : je tâcherai d’en profiter pour aller chez vous (…) »

 

L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy 29 janvier (1944)

 

Chers Cousins et Cousine »

 

« (…) Je suis heureux de vous dire que je suis tout à fait remis de mon indisposition et j’ai repris mon service du dimanche.

Hier même j’ai pu aller à pied à Bouffignereux dire la messe et revenir de même par la neige célébrer la seconde à midi. Dans la semaine je dis la messe dans le salon du presbytère à 8h30 et je fais le catéchisme dans ma cuisine. Nous avons tout de même un temps bien dur : il fait très froid et on brûle du bois en quantité ; j’en ai un petit peu et je le ménage le plus possible (…) »

 

L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy le 8 mars 1944

 

Chers cousin et cousine »

 

« (…) Je continue à être en bonne santé mais je souffre beaucoup du froid très vif que nous avons ici. L’église est vraiment une glacière et j’ai hâte que les offices se terminent car je ne sens plus mes mains et je tiens à peine sur mes pieds.

J’ai encore de la neige dans ma cour. Fort heureusement, on m’a fourni du bois, 2 mètres de sec et 2 mètres de frais, mais pas difficile à scier.

J’espère que vos grippes sont diminuées et même guéries. Ici, on n’entend rien dire.

C’est toujours la même misère pour la guerre. On a fait sauter l’écluse de Berry au Bac et bombardé Juvincourt ou du moins le camp d’aviation. Que dire de St Quentin ? (...) »

Afrique – La rencontre de deux missionnaires dans la brousse Recto de la carte du 8 mars 1944
Afrique – La rencontre de deux missionnaires dans la brousse Recto de la carte du 8 mars 1944

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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy le 17 mars (1944)

 

Chers Cousin et Cousine

 

« (…) Nous avons un prisonnier rentré ici mais un peu malade et deux autres à Guignicourt..

Le commis du garagiste est parti en Allemagne comme volontaire. Des jeunes gens d’ici ont été à Neufchatel passer le Conseil de Révision ; on ne sait pas s’ils seront appelés.

Malgré ces soucis, les jeunes gens de Roucy ont organisé une séance de récréation qui a eu lieu dimanche dernier, on y a même dansé, ce qui n’est pas très bien, aussi je n’ai pas assisté à cette séance et je suis allé à Corbeny voir les sœurs de l’hospice et voir si un jour je pourrai aller prendre ma retraite chez elles : elles ne demandent pas mieux, mais je n’ai pas encore parlé à notre Evêque, et je crains qu’il ne me donne pas la permission tant que je serai en bonne santé et que je serai secondé par ma servante volontaire.

Il va venir le lundi de Pâques présider le pèlerinage de la Ste Vierge à Chaudardes.

Mme Baschet vient de m’écrire : elle va bien, mais ses enfants ne sont pas très valeureux, vu les restrictions : elle a toujours beaucoup de soucis (…) »

 

L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy 18 avril (1944. Bombardement de Tergnier dans la nuit du 10 au 11 avril 44)

 

Chers Cousin et Cousine

 

(« ... » Nous avons entendu ici le bombardement terrible de Tergnier : les vitres résonnaient dans la maison ; nous avons pensé que c’était à Laon, car le journal a relaté les obsèques des victimes par Mgr Mennechet, c’est bien triste d’avoir de pareils malheurs et il y a toujours à craindre pour nos parents et nos amis »

« (…) Je suis en ce moment dans les mariages : le fils de notre maire et un frère d’un cultivateur. A Bouffignereux Mr Petitfrère va bien et la fille de Mr Moureaux son gendre continue à tenir l’harmonium. Elle a même loué à Reims un instrument pour pouvoir se perfectionner. Nous avons eu le jour de Pâques 3 statues à bénir : celles de ND de Lourdes, de St Pierre et du Curé d’Ars offertes par des paroissiennes. La quête a produit 22 frs pour les écoles. La petite église était remplie. J’ai mangé chez Mr Moureau et j’ai ensuite été chanter le Ichet ( ?) à Guyencourt avant que de le dire à Roucy. J’ai été un peu fatigué et le lundi je n’ai pu aller à Chaudardes pour le pèlerinage où il y a eu foule et 8 curés.

En ce moment cela va mieux  et je me prépare à aller à Soissons renouveler ma provision de vin de messe.

Mme Bernard est toujours à mon service et je suis assez tranquille (…) »

 

L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy 16 juin (1944)

 

Chers Cousin et Cousine

 

« (…) Je vais assez bien comme d’habitude et j’ai pu aller à Liesse le lundi de la Pentecôte, le mercredi j’ai été à Soissons pour avoir mon vin de messe mais les transports étant plus rares, je n’ai apporté que 2 bouteilles. Puis le samedi de la même semaine, j’ai dû aller à Jonchery à l’enterrement d’une jeune fille née à Roucy et qui a été victime d’un bombardement à Reims : elle était la fille de notre ancien boulanger Neveux. (1)

Aujourd’hui, nos occupants ont convoqué 30 hommes pour préparer des défenses près de Beaurieux. On fauche les blés en herbes, on piétine les betteraves : c’est un vrai désastre : cela leur est bien égal. Nous avons toujours à l’hospice des GMR. J’ai pu aller à Reims la semaine dernière sans alerte pour chercher mon linge d’église et mes affaires personnelles.

Le ravitaillement est toujours le même, sauf pour le vin dont on ne voit plus la trace - Impossible aussi d’envisager de recevoir des colis par la poste »

« (…) Quand donc serons-nous libérés (…) »

 

(1) Voir l’article sur le blog du Regain Roucy : Août 1944. Il y a 70 ans, la tragique aventure de trois enfants de Roucy.

Recto de la carte du 16 juin 1944.
Recto de la carte du 16 juin 1944.

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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy 6 Nov (1944)

 

Bien chers Cousins et Cousine »

 

« (…) Ce qui m’a fait de la peine, c’est de savoir le pauvre cousin Pierre Rebequet dans le pays des Boches où il doit souffrir de la faim et du froid. Quand donc sera-t-il délivré ? On ne peut que prier de tout cœur pour lui et demander à Notre Dame de Liesse qui a délivré les chevaliers de Marchais d’avoir pitié de lui et de sa chère Dame qui doit bien souffrir de cette triste séparation.»

« (…) J’ai reçu une carte de la cousine Marie d’Auxerre : elle ne sait pas grand chose de sa sœur Julie d’Epinal et je me demande si elle a reçu d’autres nouvelles : la résistance des Boches par là est terrible et les pauvres gens sont dans  des angoisses bien grandes.

Mr Petitfrère va toujours bien ainsi que sa fille Mme Moureaux et Armande qui est toujours mon organiste et s’en acquitte assez bien.

Mme Bernard va bien aussi et ne manque pas de venir chaque jour préparer mon ravitaillement, son patron Mr Boileau maire de Concevreux est mort il y a bien 15 jours, on l’a enterré à Berry au Bac, il avait mon âge : 75 ans et il était malade depuis plus d’un an : une anémie cérébrale : il y a eu un enterrement des plus pompeux (…) »

Notre-Dame-de-Liesse. Messe un jour de pèlerinage.
Notre-Dame-de-Liesse. Messe un jour de pèlerinage.

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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy 4  Xbre  (4 décembre 1944)

 

Je suis bien en retard pour vous répondre mais le temps passe vite et je suis parfois très occupé par les détails de la maison : je continue à être en assez bonne santé et j’ai encore pu aller à Reims en vélo il y a 8 jours, mais le retour a été dur car il a plu et fait un temps désagréable (…) »

Il n’y a rien de bien extraordinaire à vous signaler de notre région. Nous n’avons pas de troupes bien qu’il y en ait à Pontavert et Juvincourt où les Américains occupent le camp des Boches.

Nous avons eu la St Eloi vendredi il est venu une trentaine de travailleurs des champs ; j’avais été le matin à Guyencourt.

Nous sommes bien ennuyés par le temps détestable qu’il fait depuis si longtemps. L’Aisne est débordée dans la plaine et les routes sont bien mauvaises pour le service de mes paroisses. Espérons que les évènements de guerre se poursuivront avec succès mais les Boches se défendent avec acharnement ; on prétend qu’Hitler est mort : Himmler qui le remplace est encore pire. Quelle guerre maudite !

Je remercie mon cousin de Béhéricourt de m’offrir le presbytère de sa commune pour m’y retirer mais Mgr l’Evêque ne veut pas me donner congé sous prétexte qu’il manque de remplaçants pour ceux qui peuvent encore tenir et pourtant je lui ai dit que je ne vois plus bien clair et que je ne reconnais plus mes paroissiens. Les enfants sont très cruels ici et je me fais du mauvais sang avec eux.

Il me sera peut-être bien difficile d’aller à Soissons d’ici la fin du mois, bien que j’ai encore une vingtaine de litres de vin de messe à prendre. Les trains partent trop matin et pas tous les jours…

 

A.Grehan

 

Excusez la mauvaise encre

et la plume détestable

et mes pauvres yeux

 

 

L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy le 15 décembre (1944)

 

Chers cousins et cousine

 

Je suis un peu en retard, il me semble, pour vous écrire et vous êtes peut être en peine de savoir ce que je deviens par ces temps de brouillard et de neige. Depuis le 28 novembre je suis grippé, mais je vais beaucoup mieux depuis quelques jours. J’ai eu cinq ou six saignements de nez et j’ai dû m’abstenir de dire la messe pendant 8 jours. Le médecin est venu une fois et il m’a donné pour arrêter les hémorragies. La dame de Concevreux m’a très bien soigné : elle passait la nuit au presbytère et Mme Thonon l’a bien aidée ainsi que d’autres personnes. J’ai descendu mon lit dans la chambre située près de la cuisine et je profite ainsi de la chaleur de cette pièce.

Je devais dire aujourd’hui le service anniversaire de Mme Petitfrère à Bouffignereux mais il a fallu le remettre à huitaine : ce sera une messe chantée à 11h ½ et je serai invité à dîner avec la famille. Mme Moureaux va bien ainsi qu’Armande : elle m’a envoyé un quart de beurre, un litre de lait et quelques œufs.

Je pense que vous êtes tous en assez bonne santé à St Paul et à Béhéricourt, excepté toujours hélas mon cher cousin Lucien pour qui l’hiver est bien pénible. C’est aussi la question du chauffage  qui est bien ennuyeuse. J’ai eu la chance d’avoir un homme qui m’a fendu les grosses bûches que j’avais et j’ai pu avoir quelques fagots de Concevreux.

Les vitres de l’église sont maintenant réparées et il n’y a plus de courants d’air, à part dans la sacristie que l’on n’a pas assez isolée du clocher et où je ne puis me tenir : je vais être obligé de me mettre derrière l’autel avec les enfants de chœur pour prendre les vêtements des offices.

J’ai toujours un reste du bon beurre que j’ai rapporté de chez vous et il m’est bien utile car la graisse manque assez souvent ; j’ai tout de même un peu de lard quand un bon paroissien tue un porc et cela fait bien plaisir.

Si encore on pouvait prévoir la fin des misères de la guerre, mais c’est à désespérer de voir quelque amélioration. On ne peut que prier de tout cœur et se confier au bon Dieu pour l’avenir (…) »

 

L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy 8 janvier (1945)

 

Cher Cousin et Chère Cousine »

 

«(…)  je continue à être bien portant et je n’ai pas à me plaindre quand j’en vois de plus malheureux. Je peux dire la messe chaque dimanche à cause du Jubilé meriel et ainsi mes paroissiens ont la messe tous les 15 jours. En juillet, Mgr me donne sans doute un remplaçant et je pourrai prendre un peu de repos (…) »

Recto de la carte du 8 janvier 1945.
Recto de la carte du 8 janvier 1945.

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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy le 7 avril (1945)

 

Chers Cousin et Cousine

 

Je n’ai pu répondre plus tôt à votre dernière lettre, mais je puis vous donner de bonnes nouvelles de ma santé qui est tout à fait rétablie, j’ai repris mes habitudes et j’ai même pu refaire deux fois déjà le voyage de Reims, mais je prends des précautions et je ne fais pas d’imprudences.

Nous sommes assez bien ravitaillés et je me trouve encore bien favorisé par rapport à certains autres.

Il fait un froid bien vif en ce moment et dans notre église toujours ouverte à tous les courants d’air, on ne sera pas trop bien pour les offices de la semaine sainte. Nos édiles communaux ne font vraiment pas leur devoir pour fermer les brèches causées par les obus (…) »

L’abbé Gréhan
L’abbé Gréhan

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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy 5 décembre (1945)

 

Chers cousins et Cousine »

 

« (…) Nous avons fêté St Eloi à Roucy et à Guyencourt, et j’ai pu aller l’après-midi à Reims en auto chercher 12 bouteilles de vin de messe à 20 f… »

Drame chrétien joué à Tokyo. Recto de la carte du 5 décembre (1945)
Drame chrétien joué à Tokyo. Recto de la carte du 5 décembre (1945)

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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

« Roucy 21 Sept. (1946)

 

Chers Cousins et Cousine

 

Je pensais pouvoir partir pour St Paul lundi matin 23, et voici que je suis retenu par l’annonce que me fait une Dame de Paris qui vient sur la tombe de son mari enterré dans notre cimetière. Elle doit arriver mardi ou mercredi et elle logera au presbytère puisque notre hôtelier ne peut ou ne veut recevoir personne.

Je serai donc obligé de remettre mon voyage à la semaine suivante : je regrette bien ce contretemps et je vous demande de m’en excuser bien vivement (…) »

 

« A.Grehan

 

Nous allons à ND de Liesse dimanche prochain. Le car n’est libre que ce jour-là (…) »

Liesse – Grande Neuvaine de septembre
Liesse – Grande Neuvaine de septembre

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L’abbé Gréhan, à ses cousins Lemaire Rebequet à St Paul aux Bois :

 

Carte de visite non datée.

 

« Sœurs de l’Enfant Jesus

38, Rue du Barbâtre

Reims

 

L’Abbé Gréhan

Curé de Roucy

(Aisne)

 

Chers Cousins et Cousines

 

C’est de Reims que je vous écris car depuis hier, mercredi, je suis en traitement à la Clinique de l’Enfant Jésus pour des saignements de nez trop abondants ; 6 en 10 jours et en observation pour l’arterio-sclérose.

Je ne sais pas combien de temps je serai ici, je vous tiendrai au courant : je suis bien soigné par les sœurs.

J’ai fait mon testament et vous ai nommé légataire universel en cas de malheur.

Je vous envoie à tous mes meilleures amitiés et vous embrasse de tout cœur.

J’écris étant au lit, cela ne va pas bien excusez.

 

A.Grehan »

Dernière photo connue de l’Abbé Gréhan.
Dernière photo connue de l’Abbé Gréhan.

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Ainsi s’achève ce qui nous est parvenu de la correspondance de l’Abbé Gréhan.

Tombe de l’abbé Gréhan dans le cimetière de Saint-Paul-aux-Bois.
Tombe de l’abbé Gréhan dans le cimetière de Saint-Paul-aux-Bois.

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Plaque commémorative dans l’église de Roucy
Plaque commémorative dans l’église de Roucy

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Cadre dans l’église de Roucy.
Cadre dans l’église de Roucy.

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9 juillet 2014 3 09 /07 /juillet /2014 13:08

L'Union 8 juillet 2014Soldats du 33e R.I. 

(Article paru dans L'Union de l'Aisne le mardi 8 juillet 2014)

 

Il portait le matricule 568. C’est le 4 août 1914, à l’âge de 21 ans, que Gustave Hollande a été mobilisé. Si à l’époque, il était élève à l’école normale, c’est sa descendance qui fait parler d’elle aujourd’hui. Gustave Hollande n’est autre que le grand-père de François. Ce dernier devrait marcher dans les traces de son aïeul, jeudi, à l’occasion de la 6e étape du Tour. Le président de la République pourrait profiter du passage de la course dans l’Aisne pour s’arrêter sur le Chemin des Dames, là où son grand-père a combattu.

Le soldat est arrivé sur le terrain en janvier 1915. Il a d’abord stationné avec son régiment entre Roucy et Berry-au-Bac. Roucy étant un village traversé cette semaine par le peloton. Il part ensuite pour Verdun avant d’être blessé fin avril et revenir à Roucy, le 14 juillet de la même année. Avec le 33e régiment d’infanterie, il repart ensuite à Verdun, où 1 500 soldats de son unité sont tués. Entre avril et juin 1916, il pose le pied à Vendresse, pour en septembre aller combattre dans la Somme. Gustave est promu sergent en février 1917.

  33e R.I.

Soldats du 33e R.I.

L’offensive Nivelle

Son régiment s’installe au sud du Chemin des Dames, en vue de l’offensive Nivelle. Le 5 avril, les positions sont prises entre Craonne et Craonnelle. Il aura fait partie de ces milliers de soldats montés au front face aux Allemands, lors de cette fameuse offensive qui fut un échec. Le grand-père du Président passe ensuite par les Flandres où il se distingue, et en novembre 1917, il est décoré de la Croix de guerre, étoile d’argent, avec citation. En 1918, Gustave Hollande revient sur le Chemin des Dames, participe à une contre-attaque au sud de Soissons et sera grièvement blessé en juin 1918 près de Chaudun. Il sera démobilisé en 1919, deviendra instituteur. Il décédera en 1984. « Il a vécu les pires horreurs de la Première Guerre, croisant sans le savoir une personnalité historique de poids », souligne Frank Viltart, chargé de mission pour le centenaire 14-18, au sein du conseil général de l’Aisne. Petit clin d’œil de l’histoire, Gustave Hollande avait été affecté à un régiment commandé par un certain capitaine Charles De Gaulle. Sans le savoir, le grand-père du chef de l’État aura croisé au cours de sa vie, deux futurs présidents de la Ve République.

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16 mai 2014 5 16 /05 /mai /2014 17:46

Ils étaient trois petits enfants

Qui s’en allaient glaner aux champs.

Tant sont allés, tant sont venus

Que sur le soir se sont perdus…

(La légende de Saint Nicolas)

 

2013. 24 oct Roucy 1

Le monument aux morts de Roucy

« Destinée ou fatalité ?

Ils étaient trois, Jeannine, Marc et Roger, tous trois à la communale de Roucy, et (avaient) fait leur première communion ensemble.

En 1944 ils avaient 20 et 21 ans – Jeannine, infirmière, tuée à Reims, le 30 mai au cours d’un bombardement américain (elle avait été la cavalière de Roger au cours du mariage d’un ami d’enfance commun). Elle repose au cimetière de Jonchery, inscrite au monument aux morts, une rue porte son nom.

P1150499

La tombe de Janine Neveux. Cimetière de Jonchery-sur-Vesle

Roger, engagé volontaire en octobre 1941 au 8e Régiment d’infanterie alpine – quartier Lepic à Montpellier (au cours d’une revue, il est le plus petit soldat de son régiment, le maréchal Pétain, lui serre la main, et il est de Roucy, à quelques kilomètres de Craonne, pour Pétain quel souvenir).

Démobilisé le 28 novembre 1942 il revient à Laon, il retrouve Marc, tous deux réfractaires au S.T.O., ils travaillent dans une ferme à Corbeny.

Le 24 août (1944), Roger et Marc décident de rejoindre les armées alliées. Ils partent de Roucy, passent  à Presles et Boves, chez un oncle, où sont-ils passés, à pied… »   

 

C’est ainsi que débute, racontée par Jacques Onraet, frère de Roger, la courte aventure de nos héros.

Pour comprendre la suite, reportons nous à la Libération de Paris.

Roger Onraet et Marc Lavetti sont partis le 24 août, le 25, Paris est libéré. Mais l’ennemi peut encore reprendre la capitale et la résistance est encore très active.

Un groupe de résistants, le bataillon Hildevert (1), doit réceptionner un parachutage allié. Celui-ci doit avoir lieu près d’Oissery (Seine-et-Marne). Le 26 août, trois compagnies, composées de près de 250 résistants franciliens, se dirigent vers le lieu du rendez-vous ; mais un tel déploiement de véhicules et d’hommes en armes ne passe pas inaperçu. Plusieurs escarmouches ont lieu, les résistants font prisonniers un détachement de soldats allemands.

A Oissery, le commandant Hildevert installe une quarantaine de résistants dans la râperie à betteraves pour soigner les blessés. 

Oisserie La Râperie 2

La Râperie d'Oissery

Le gros de la troupe s’est ensuite dirigé vers l’étang Rougement. Là, il attend le parachutage, quand soudain surgissent de tous côtés des blindés et des soldats en armes. Des témoins ont dit avoir vu un détachement allemand d’au moins 400 hommes (dont des S.S.), avec des blindés. Il y aurait eu plus de 120 morts et de nombreux prisonniers et disparus. Les prisonniers seront déportés en Allemagne. Beaucoup ne reviendront pas. Les pertes allemandes ne sont pas connues.

Rougemont étang

L'étang Rougemont

Auparavant, la râperie a été prise d’assaut. Plusieurs résistants ont été tués, une trentaine fait prisonniers.

En début de soirée, un peloton tire sur les résistants capturés le matin à la râperie avant de les arroser d’essence et de les brûler. 

 

Mais quel rapport avec Marc et Roger ? C’est la copie d’une lettre de La Croix Rouge française, remise à la maman de Roger, en septembre 1944, qui nous l’apprend.

 

«Croix Rouge française

Comité de la Croix Rouge

 Meaux (Seine et Marne)


Madame,


Chargée de relever en Seine et Marne les noms des personnes fusillées par les allemands ces temps derniers, j’ai trouvé dans la liste du village de Saint-Mesmes, les noms de deux jeunes gens de l’Aisne.

En raison de l’arrêt du courrier et de la difficulté des transports, je vous demanderai d’avoir l’obligeance d’annoncer aux deux familles respectives, cette pénible nouvelle.

Il s’agit de :

1° ONRAËT Roger Louis, 21 ans, né à Beauvais (Oise) le 9 mars 1923, domicilié à Laon.

2° LAVETTI Marc, 20 ans, né à Roucy (Aisne) le 25 mars 1924, domicilié à Corbeny (Aisne).

Ces deux jeunes gens ont été fusillés par les allemands lors de la Libération, le 27 août, sur la route près de Saint-Mesmes. On les avait aperçu tous les deux seuls, quelques heures auparavant. Aussi le maire de Saint-Mesmes pense-t-il qu’ils n’ont pas été fait prisonniers, mais abattus immédiatement sans raison connue de lui.

On a pu aller rechercher leurs corps que le lendemain, les allemands ayant interdit aux habitants de sortir de chez eux ce jour-là.

Les deux corps ont pu être facilement identifiés grâce à leurs papiers d’identité. Le Curé de Saint-Mesmes, leur a donné l’absoute avant l’inhumation. Malheureusement, le nombre des victimes ayant été assez élevé (11) il a été impossible de trouver des cercueils pour tous et en particulier pour ces deux jeunes gens qui ont été mis à même la terre. Il semble actuellement, difficile de faire des cercueils à Saint-Mesmes et aux environs par suite du manque de courant électrique.

Peut-être des membres des deux familles pourraient-ils venir à Meaux où à Saint-Mesmes pour étudier sur place les mesures que l’on pourrait prendre.

La Mairie de Saint-Mesmes conserve les quelques objets que l’on a trouvé entre les deux corps, mais il est impossible de désigner le propriétaire.

«  1 sac tyrolien, une veste grise en gros lainage, un pull-over kaki, un pull-over Bordeaux sans manches, deux portefeuilles sans argent, une blague à tabac, un jeu de cartes. »

Je ne puis vous dire, Madame, l’émotion qui m’étreint en vous transmettant ces tristes renseignements et vous prie de vouloir bien informer aux deux familles l’expression  de ma triste et profonde sympathie.

Le Comité de la Croix Rouge de Meaux, 41 rue Saint Remy, pourra vraisemblablement vous aider…. »

 

A la suite des évènements survenus à Oissery, les Allemands recherchent des résistants dans les environs, et c’est Jacques Onraët qui raconte la fin de l’aventure de Marc et Roger :

« ils se retrouvent dans le village de Saint-Mesmes, (près de cent kilomètres de leur point de départ), les allemands viennent de fusiller neuf maquisards. Les gens leur demandent ce qu’ils font là, un side-car arrive, les gens rentrent apeurés dans leur maison, ils refusent de les suivrent, les portes se ferment, ils sont seuls dans la rue, le side-car les arrête, les emmène à la ferme où se tient le capitaine allemand. Que c’est-il passé ? Ils sont relâchés, prennent un chemin de terre en direction de Cerilly, une voiture les rattrape, un soldat allemand sur chaque aile. Ils sont abattus à la mitraillette, Roger qui bouge encore est achevé d’une balle dans la tête.

C’était le 27 août 1944, à 17 h…

Je n’apprendrai la mort de mon frère Roger qu’au mois de novembre… (2)

.../…

En octobre 1950, je travaillais comme chauffeur-livreur pour un grainetier de Bobigny. Je suis allé chercher un camion de paille, à la ferme de Monsieur Charpentier, maire de Saint-Mesmes, fournisseur habituel de mon patron. J’y suis retourné plusieurs fois, et c’est ainsi que j’ai su ce qui c’était passé dans ce petit village. Horrible !

Roger et Marc ont été enterrés, sans cercueil, dans le même trou. Ma mère a été les rechercher elle-même…/…

Seule avec mes deux jeunes frères, et ma sœur jeune mariée attendant un bébé, elle est partie avec deux cercueils, avec un ami et sa camionnette, ramener leurs corps, payer une caution pour obtenir le drapeau mortuaire bleu-blanc-rouge, et fait enterrer Marc à Corbeny et Roger à Roucy. 

…/…

A Roucy, le 20 août 1994.

 

Signé : ONRAET Jacques, ancien combattant de l’A.O.F. au bord du Rhin, et du Rhin au Danube, croix de guerre, médaille du combattant – 9e D.I.C. – 1ère Armée française. »

 

Début récit par Jacques ONRAËT

Première page du document manuscrit 

de Jacques Onraët


2013. 24 oct Corbeny 17

La tombe de Marc Lavetti dans le cimetière de Corbeny

2013. 24 oct Roucy 6La tombe de Roger Onraët dans le cimetière de Roucy

 

Pour terminer, découvrons le discours prononcé, sans doute par le maire de la commune, lors de l’inauguration d’une plaque commémorative à Saint-Mesmes.

 

« Mesdames, Messieurs,

Une année s’est écoulée depuis le jour ou l’ennemi traqué par les forces alliées, aidées par celles de l’intérieur se retirant en arrosant le sol de France du sang d’une jeunesse, qui brave s’était groupée pour lui infliger la plus grande défaite de l’histoire.

Je ne voudrais pas rappeler en détail les heures tragiques que nous avons vécues les 26 et 27 août 1944. L’ennemi battu devenait féroce, aucun civil ne devait quitter le village. Mais après être partis courageusement pour se battre, certains, un peu désemparés erraient dans nos chemins, le boche veillait et guettait sa proie ; hélas, il ne tardait pas à ramener 2 jeunes gens puis le lendemain 5 puis 2 et 2 encore. A peine où pas même interrogés ils repartaient presque aussitôt vers le lieu du sacrifice. La rage au cœur nous ne pouvions qu’assister impuissants à cette hécatombe. Je me fais l’interprète de la population pour exprimer aux familles et aux amis de ceux qui ont été lâchement fusillés dans la commune, nos sentiments de respectueuses condoléances.

La plaque que nous avons fait graver rappellera aux générations futures le sacrifice de jeunes hommes de toutes nationalités unis volontairement et librement sous la bannière tricolore pour repousser l’envahisseur exécré.

A vous anciens combattants de 14/18, à vous combattants de cette guerre, à vous prisonniers qui avez tant souffert, je vous confie la garde de cette plaque, puisse-t-elle rappeler à tous le chemin du devoir pour que toujours : Vive la France. »

 

(1) En 1940, Winston Churchill avait créé le S.O.E. (Special operation executive) chargé d’accomplir des actes de sabotage pour entraver la machine de guerre allemande. Le bataillon Hildevert appartenait au réseau Armand Spiritualist dépendant de la Section française du S.O.E.

Le bataillon Hildevert n’a pas participé à l’insurrection de Paris. Il était en réserve pour réceptionner un important parachutage de matériels, d’armes et d’hommes qui devait avoir lieu à une quarantaine de kilomètres à l’Est de Paris.

Plus de détails sur le site :

http://liberation-de-paris.gilles-primout.fr/oissery-un-dommage-collateral

 

(2)  Au même moment, Jacques Onraët, le frère de Roger, quitte la rade de Mers-el-Kébir, à bord d’un liberty convoyant le matériel, camions et pièces d’artillerie, du 3° Groupe du RACAOF. et débarque le 1er septembre à 5h00 du matin à Fréjus, où il attend que ses camarades arrivent à leur tour…

Il n'apprendra la mort de son frère qu'au mois de novembre.

 

 13. Saint-Mesmes. M. aux M.

Le monument aux morts de Saint-Mesmes


2. Saint-Mesmes. M. aux M.

Le monument aux morts de Saint-Mesmes (détail)

 

2013. 24 oct Roucy 3

Le monument aux morts de Roucy (détail) 


Mairie de Roucy

Plaque commémorative dans la mairie de Roucy

 

P1080799

Plaque commémorative dans l'église de Roucy

 

Janine (Jeannine) Neveux a son nom gravé sur les monuments aux morts de Jonchery-sur-Vesle et de Roucy, sur les plaques commémoratives dans la mairie et l’église de Roucy et sur le monument aux Infirmières, place Cérès à Reims. Une rue de Jonchery porte son nom.

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Le monument aux morts de Jonchery-sur-Vesle

 

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Le monument aux morts de Jonchery-sur-Vesle (détail)


P1150020

La rue Janine Neveux à Jonchery-sur-Vesle


Janine Neveux, née le 6 octobre 1924, était infirmière au dispensaire de la Croix-Rouge, rue Belin à Reims. Lors d'un bombardement allié qui a fait 52 morts et 70 blessés graves, le 30 mai 1944, elle s'était réfugiée avec d'autres infirmières et brancardiers dans une cave-abri de la place Luton qui fut frappée de plein fouet par une bombe.  

P1150516

Le monument aux Infirmières à Reims

 

P1150519

Le monument aux Infirmières (détail)


Marc Lavetti a son nom gravé sur les monuments aux morts de Saint-Mesmes, Roucy et Corbeny, sur les plaques commémoratives dans la mairie et l’église de Roucy. Une rue de Corbeny porte son nom.

2013. 24 oct Corbeny 5

Le monument aux morts de Corbeny


2013. 24 oct Corbeny 8

Le monument aux morts de Corbeny (détail)

 

2013. 24 oct Corbeny rue Lavetti 2

La rue Marc Lavetti à Corbeny

 

Roger Onraët a son nom gravé sur les monuments aux morts de Saint-Mesmes et Roucy, sur les plaques commémoratives dans la mairie et l’église de Roucy.

P1140612

La tombe de Roger Onraët dans le cimetière de Roucy (détail)

 

Les évènements des 26 et 27 août 1944 sont encore très présents dans la région d'Oissery - Saint-Mesmes.


Le village d'Oissery aujourd'hui :

  23. Oissery. La râperie

 

19. Oissery. La râperie

Plaque commémorative à l'emplacement de la Râperie d'Oissery

 

24. Oissery. La râperie

La Râperie a laissé la place au collège Jean des Barres


33. OisseryLe monument près de l'église d'Oissery


37. OisseryDétail du monument


49. Oissery. Etang de RougemontL'étang de Rougemont (propriété privée)


56. Oissery. Etang de RougemontLe monument commémoratif près de l'étang de Rougement


59.. Oissery. Ferme de CondéLa Ferme de Condé, près de l'étang de Rougement, à Oissery


58. Oissery. Ferme de CondéLe monument commémoratif près de la Ferme de Condé


38. Oissery. CimetièreLe cimetière d'Oissery.

(Allée Joseph Michon. Brûlé vif le 26 août 1944)


CaptureLe monument commémoratif dans le cimetière d'Oissery


          N.B. : toutes les illustrations proviennent d'une collection privée.

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27 avril 2014 7 27 /04 /avril /2014 07:58

Capture 1Le journal Courrier Picard a publié dans son édition du 15 avril 2014 un article sur Gustave Hollande, grand-père du président de la République François Hollande.

C’est en effectuant des recherches sur le 33e R.I., régiment du capitaine de Gaulle, que Franck Viltart, chargé de mission centenaire 14-18 pour l’Aisne a découvert le parcours de Gustave Hollande, mobilisé le 4 août 1914, à l’âge de 21 ans. Ce parcours passe par Roucy.

 « Janvier 1915, Gustave Hollande se trouve au bois des Buttes entre le village de Roucy (Aisne) et Berry-au-Bac, puis les soldats du 33e RI partent au front à Verdun. Blessé le 30 avril 1915 près de Commercy, Gustave Hollande est de retour à Roucy, au pied du Chemin des Dames, le 14 juillet 1915. Le régiment est dans l’Aisne dans le secteur de Berry-au-Bac jusqu’en février 1916, avant de gagner Douaumont, près de Verdun, le 1er mars 1916. Charles de Gaulle est fait prisonnier le lendemain et le régiment perd en ce seul mois de mars 1916 près de 1 500 hommes, tués, blessés ou disparus. »

Capture 3

Le 16 avril 1917, Gustave Hollande est de nouveau sur le Chemin des Dames lors du sanglant échec de l’offensive Nivelle.

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http://www.courrier-picard.fr/region/la-guerre-de-gustave-hollande-ia0b0n350972