Savez-vous que sur le terroir de Roucy prospèrent de magnifiques espèces d’orchidées, toutes protégées ?
M. Jean-Louis Legay nous a adressé les photographies d'orchidées prises à Roucy.
Madame Jacqueline Mets-Legay nous a permis de reproduire ici son article passionnant et très complet sur les orchidées de la région, que vous pourrez retrouver en consultant le N° 72 de la revue Entre Deux Terroirs, de juin-août 2012.
Merci à ces amateurs éclairés de nous faire partager leur passion.
Les orchidées de Roucy.
Photos de Jean-Louis Legay.
Ophrys abeille
Ophrys abeille
Ophrys abeille
Ophrys blanche
Orchis pourpre
Orchis pyramidal
Orchis pyramidal
Orchis verdâtre
Orchis verdâtre
Les orchidées sauvages, un trésor à deux pas de chez nous.
Par Jacqueline Metz-Legay
Avec l’arrivée du printemps, la vie reprend peu à peu et l’humidité ambiante qui nous attriste peut-être depuis le mois d’avril va certainement permettre aux plantes de pousser dans de meilleures conditions que l’année dernière. Il faudrait maintenant aussi la chaleur du soleil pour que l’épanouissement des fleurs soit une réussite ! Les terrains calcaires de notre terroir laissent déjà apparaître leurs premiers « trésors » auxquels nous ne faisons pas attention si nous ne sommes pas avertis, ce sont les premières orchidées sauvages. Du mois d’avril jusqu’au mois de septembre, sur les pelouses sèches ou savarts des plateaux et aussi sur les terres humides des marais, nous en répertorions une quarantaine d’espèces différentes. Toutes sont protégées car la richesse de ce patrimoine naturel et la rareté de certaines d’entre elles imposent cette reconnaissance. Sur une zone de jachère bien exposée au soleil, sur les talus qui bordent la route, à l’orée des bois plus ombragée, dans un fossé humide ou bien éclairé, voire jusqu’au fond de vos jardins, vous pouvez découvrir une variété étonnante de ces véritables petites merveilles.
Contrairement aux orchidées exotiques qui sont accrochées par leurs racines aux écorces des arbres, les orchidées européennes sont terrestres. Elles sont fixées au sol par des racines. Le système souterrain est d’ailleurs variable selon les genres :
- 2 ou 3 tubercules divisés, en forme de testicules, pour les Orchis et les Ophrys (en grec, orkhis signifie
« testicule »).
- 2 ou 3 tubercules digités, en forme de doigts, pour les Dactylorhiza (dactylo : doigt, rhiza :racine),
- des rhizomes, pour les Epipactis et les Cephalantera,
- des racines enchevêtrées, pour les Neottia nidus-avis,
- des pseudo-bulbes, pour le Liparis par exemple.
En plus de ce dispositif qui apporte eau et sels minéraux, les plantes possèdent un système racinaire qui, associé à un champignon, permettra outre les compléments nutritifs, la naissance d’une nouvelle plante.
La partie aérienne comprend les feuilles toujours entières (ni découpées ni composées), de forme plus ou moins allongée avec des nervures parallèles (sauf Goodyera), caractéristique des plantes monocotylédones.Les feuilles bien vertes seront parfois tachetées (Orchis mascula, Dactylorhiza maculata par exemple). Elles sont disposées en rosette basale ou insérées le long de la tige en disposition alterne.
La tige, creuse ou pleine, jamais ramifiée, à section ronde, peut porter des feuilles ou des écailles foliaires sans pétiole.
La fleur est un modèle d’ingéniosité et de beauté. Elle présente toujours le même schéma : - une symétrie bilatérale, - une corolle formée de trois pétales (pièces internes disposées en Y) dont le labelle, - un calice composé de trois sépales (pièces externes disposées en Y renversé). Les deux pétales situés de chaque côté de la fleur se ressemblent toujours, en revanche, celui du milieu prend des couleurs et des formes très variées et joue un rôle particulier. C’est le labelle (comparé à une langue), qui peut être constitué d’une seule pièce ou être divisé en lobes. C’est à lui que revient la mission vitale d’attirer les insectes pollinisateurs ; les couleurs, les parfums, les poils très fins savamment orientés vers les glandes productrices de nectar, son mimétisme qui le fait ressembler à l’insecte qu’il attire, tout est fait pour que la fleur soit fécondée. Nombre d’orchidées doivent leur nom à l’aspect de leur labelle. Par exemple, le labelle de l’Ophrys bourdon (fuciflora) a exactement la couleur et la forme du dos d’un bourdon ! La fleur est aussi pourvue d’autres structures, un éperon nectarifère bien visible chez les Gymnadenia et les Platanthera, des glandes odoriférantes, et tous les organes reproducteurs (gynostème).
Je vous présente toutes les espèces d’orchidées que j’ai pu découvrir lors de sorties botaniques ou au cours de mes promenades, toutes sur notre terroir. Sans entrer dans trop de technique, voici quelques repères qui permettent de déterminer l’espèce.
Le genre Orchis, du grec orkhis (testicule), fait allusion à la forme des tubercules :
Orchis mascula ou Orchis mâle, est une plante robuste, l’une des premières à fleurir. Ses feuilles apparues au cours de l’hiver en rosette sont maculées de taches brunes. L’inflorescence en épi est fournie en fleurs très colorées, pourpre clair à rouge violet. Le labelle est trilobé, avec le lobe médian échancré, plus long que les latéraux arrondis, et portant en son centre plus clair des taches pourpres.
Orchis purpurea ou Orchis pourpre, est reconnaissable à la couleur pourpre noir du casque formé par les sépales et pétales connivents. La fleur est grande, et son labelle trilobé, qui évoque la forme d’un homme, est moucheté de houppettes pourprées. Cette espèce est commune dans notre région, sur les pelouses des plateaux calcaires, mais aussi dans les bois clairs et les lisières. Sa floraison est précoce, dès le mois d’avril.
Orchis militaris ou Orchis militaire, a une fleur caractéristique. En effet, chaque fleur porte un casque bien fermé mauve pâle strié de pourpre à l’intérieur et le labelle trilobé se divise de telle façon qu’il évoque un petit bonhomme : vous remarquerez son casque, son pantalon rouge et ses deux rangées de boutons ! Cet orchis porte bien son nom.
Orchis anthropophora ou Homme pendu, se rencontre en mai-juin, dans des endroits arides, exposés au soleil. Difficile à repérer dans les hautes herbes, il peut atteindre 35cm ; ses fleurs sont nombreuses et petites, portant un casque vert bordé de brun rouge, et le labelle jaune bordé d’orange bien découpé en quatre prend l’allure d’un petit bonhomme suspendu à la fleur, son nom ici encore fait allusion à la forme du labelle !
On rencontre parfois des espèces hybrides comme ici avec le mélange entre orchis anthropophora et orchis militaris.
Le genre Ophrys, au sens propre « sourcil », est un terme lié à la pilosité du labelle plus ou moins velu :
Ophrys fuciflora ou Ophrys bourdon, totalement différent des précédents, se présente en épi lâche de quelques fleurs. Le labelle caractéristique, entier, large, de couleur brun clair à foncé, avec une large tache jaune irrégulière, pourvu de poils très fins et doté à sa base d’un appendice orienté vers l’avant, ressemble à un bourdon. Il est largement présent chez nous et certaines années en colonies abondantes. Les pétales et les sépales rose pâle ou plus violacé ajoutent à sa beauté. On le trouve en mai et juin.
Ophrys insectifera ou Ophrys mouche, présente de petites fleurs très jolies si l’on regarde de près, sur une tige grêle et droite d’une vingtaine de centimètres ou plus. Auréolé des trois sépales verts, avec le labelle noir orné d’une macule centrale bleue et de pétales fins et noirs, cet Ophrys présente une imitation parfaite de la mouche, allant même jusqu’à imiter les antennes et les yeux.
Ophrys apifera ou Ophrys abeille, rencontré plus rarement, ressemble à fuciflora, avec un labelle doté à sa base d’un appendice orienté vers l’arrière, ce qui permet de les différencier. Le H jaune dessiné sur le labelle aux lobes bombés et velus de couleur brune mime les ailes de l’abeille ! (V. planche couleur)
Ophrys aranifera ou Ophrys araignée, offre des similitudes avec fuciflora et apifera, mais les sépales et
pétales sont verts. Le labelle brun est plus allongé et il porte une macule centrale gris argenté à bleutée. L’appendice est très petit.
Le genre Dactylorhiza du grec dactylos (doigt) et rhiza (racine) fait allusion à la forme palmée des tubercules :
Dactylorhiza praetermissa ou orchis négligé, présente une belle inflorescence en épi dense, avec des fleurs variant de rose pâle à rouge violacé. Le labelle faiblement trilobé est pourvu en son centre de pointillés pourprés. La floraison est en juin jusqu’à mi-juillet.
Dactylorhiza maculata ou orchis des bruyères aime les landes tourbeuses. Ses fleurs blanches ou roses sont parcourues de dessins rouges pourprés. Le labelle est faiblement trilobé. Floraison en juin.
Dactylorhiza incarnata ou Orchis incarnat possède de jolies fleurs roses ou violacé clair, à labelle pourvu d’un dessin en forme de boucle entourant un réseau de petits points disposés au centre et à la base. Elle fleurit de mai à juin.
Dactylorhiza majalis ou Orchis à larges feuilles, ou Orchys de Mai (du latin maius, mai) aux feuilles tachées présente un bel épi floral de couleurs vives, roses, pourpres ou violacées. Le labelle est profondément trilobé à lobes dentés. On peut la trouver dès le mois d’avril en plaine.
Dactylorhiza Fuchsii ou Orchys de Fuchs, a des feuilles généralement maculées. Les fleurs blanches ou roses sont parcourues de points et dessins rouge pourpré. La floraison se situe de fin mai à juillet
Le genre Epipactis se réfère à l’Ellébore blanc en raison de la forme des feuilles (feuilles largement elliptiques et pointues).
Epipactis atrorubens ou Epipactis pourpre noirâtre offre de belles fleurs rouge pourpre pendantes en cloche. Sa floraison se situe de mai à juillet.
Epipactis palustris ou Helleborine des marais présente une inflorescence en grappe à fleurs nombreuses de couleur rose tendre marbrée très délicate. Le labelle est bordé d’une fine crête blanche.
Epipactis helleborine ou epipactis à larges feuilles est une plante de grande taille avec de nombreuses feuilles, de nombreuses et grandes fleurs (sépales de plus de 11 mm) largement ouvertes. On la trouve de fin juin à début août.
Autres genres d’Orchidées, dont certaines ont changé de « classement » botanique suite aux apports de la biologie moléculaire.
Goodyera repens ou Goodyère rampante, fleurit de juillet à mi-septembre. On la trouve chez nous au milieu des pinèdes sèches. L’inflorescence en épi porte des petites fleurs blanches couvertes de longs poils.
Liparis de Loesel est une plante glabre et d’un vert jaune luisant. Sur une tige courte (10 à 20 cm) s’épanouissent en grappe lâche les petites fleurs d’un jaune presque vert. Cette orchidée a presque disparu, il n’en reste que quelques pieds dans le marais de l’un de nos villages. Elle est protégée au niveau national.
Himantoglossum hircinum ou Orchis bouc, par allusion à l’odeur émise par sa fleur, est une plante robuste, haute (peut atteindre 1 m), caractérisée par ses fleurs à long labelle (30 à 60 mm) qui tombe en lanière torsadée.
Anacamptis pyramidalis ou Orchis pyramidal, s’installe sur les prairies maigres des savarts dès le mois de mai. L’inflorescence en épi dense et conique porte les petites fleurs de couleur rose soutenu.
Platanthera chloranta ou Orchis verdâtre, porte sur une tige assez haute des fleurs blanc verdâtre en épi lâche. Le labelle est en forme de grande langue pointue. La nuit, leur blancheur attire les papillons qui se chargent de transporter le pollen. En échange, ceux-ci s’alimentent du nectar qu’ils sont les seuls à pouvoir atteindre au fond de l’éperon. Nous avons aussi Platanthera bifolia qui lui ressemble beaucoup.
Anacamptis palustris ou Orchis des marais, porte sur une tige teintée de rouge foncé vers le sommet, de grandes fleurs rose violacé. Le label est formé de trois lobes arrondis dont le médian plus long est ponctué de taches pourpres dans la zone centrale plus claire. On le trouve sur des terrains humides de mai à juillet.
Gymnadenia odoratissima ou Orchis odorant exhale une odeur marquée de vanille. L’inflorescence en épi cylindrique porte de petites fleurs roses à rose pâle, parfois blanches dont le labelle est faiblement trilobé.
Gymnadenia conopsea ou Orchis moucheron, est caractérisé par la longueur de l’éperon (tube situé à l’arrière du labelle) arqué et courbé vers le bas. Les fleurs sont roses à rose violacé, petites, munies d’un labelle à trois lobes égaux. On le trouve de mai à août.
Cephalanthera longifolia et Cephalanthera damasonium sont deux espèces sœurs. L’inflorescence en épi lâche porte quelques fleurs d’un blanc jaunâtre qui s’ouvrent peu. Longifolia, plus blanche, s’ouvre plus largement. On les trouve de mai à juin.
Neottia nidus-avis ou Néottie nid d’oiseau, est une orchidée entièrement beige pâle à brunâtre totalement dépourvue de chlorophylle. On la trouve plutôt en sous-bois, de mai à juillet. Son nom lui vient de ses racines charnues qui forment une masse dense rappelant un nid d’oiseau.
Listera ovata ou Listère à deux feuilles, se développe sur toutes sortes de terrains. On la remarque par ses deux grandes feuilles ovales opposées à la base de la plante, ses petites fleurs verdâtres restant très discrètes !
Limodorum abortivum ou Limodore à feuilles avortées, présente une inflorescence longue de 10 à 30 cm portant des fleurs de couleur violet pourpre panaché de jaune et de blanc. Malgré sa rareté, on l’a rencontré l’année dernière en quantité ! Il fleurit de mai à juillet.
Ces trésors minuscules qui m’enchantent chaque année prospèrent dans des endroits qui ne subissent ni les engrais, ni les produits chimiques. Harmonie, beauté, symétrie, perfection, les mots ne manquent pas pour caractériser cette famille de plantes dont le seul nom fait rêver. On en compte 6 000 espèces sauvages dans le monde, la France métropolitaine en recense 144 et la Champagne-Ardenne 41. Elles sont fragiles, aidons à sa protection par un travail d’information.
De nombreuses croyances et légendes se sont construites autour de ces fleurs étranges, de tout temps et sous toutes les latitudes. Elles sont cultivées en Chine depuis des millénaires. On a depuis longtemps extrait des tubercules des divers orchis une farine alimentaire, le salep, très renommée pour être reconstituante. L’analogie de la forme de ses deux tubercules avec les attributs sexuels masculins leur a longtemps conféré un pouvoir de fécondité. Les manuels de plantes médicinales proposent encore aujourd’hui une médication à base de tubercules
d’Orchis mâle pour soigner la diarrhée, la fatigue et l’impuissance.
Les tubercules palmés qui ressemblent à de petites mains plantées en terre, ont frappé les imaginations et on découvre que l’Europe a aussi eu sa part de croyances occultes. Brûler les tubercules de Dactylorhiza maculata sur le pas de la porte protégeait la maison du démon.
On ramassait aussi certaines d’entre elles pour leur parfum délicat.
Sauvage ou exotique, l’orchidée est appréciée aujourd’hui pour sa fleur, dont la beauté en fait un symbole de pureté et de perfection.
Pour mémoire, les premiers plants exotiques sont arrivés en Europe au début du XVIIème siècle et l’attrait
qu’ils suscitèrent fut important. Vers le milieu du XIXème siècle, cet intérêt prend deux formes, d’une part, un commerce spécialisé naît. L’on peut dès lors acheter en pots ou en fleurscoupées de plus en plus d’orchidées. D’autre part, la connaissance scientifique progresse grâce aux travaux de Darwin et l’on découvre le rôle essentiel des insectes dans la reproduction de ces plantes. L’on nous propose actuellement sur le marché des orchidées exotiques un choix extraordinaire de cette plante qui n’a peut-être pas encore révélé tous ses secrets !
Avec mes remerciements tout particuliers à Robert Horem, membre de la Société d’Etude des Sciences Naturelles de Reims et orchidophile passionné qui m’a aidé pour cet article.
Bibliographie :
Les orchidées de France, Belgique et Luxembourg. Marcel Bournerias et Daniel Prat. BIOTOPE.
Des orchidées près de chez vous. PNR de la Montagne de Reims.
Bulletin de la Société d’étude des sciences naturelles de Reims – N° 17
Photographies : Jacqueline Metz-Legay et Robert Horem (toutes ces photographies ont été prises dans la région).
Les Orchidées entre Aisne et Vesle
Orchidées,
étranges
et belles
qui nous font rêver…
Entre Deux Terroirs – juin 2012