Nous vous présentons, aujourd’hui, un épisode de la Première Guerre mondiale qui s’est terminé tragiquement à Roucy en 1917. S‘il est, semble-t-il, oublié dans notre village, il reste présent dans la mémoire des habitants de la région de Velka Jesenice en République tchèque d’où son héros est originaire.
Notre connaissance commence par la découverte du blog de Evy et Petra Cicákovi qui décrivent une de leurs balades à vélo, le 20 janvier 2011, en Tchéquie, dans le district de Náchod (région de Hradec Králové). Elle se poursuit par une balade en voiture des membres du Club de l’histoire et de l’aviation Jindřichův Hradec, en Bohême du Sud, qui se rendent à un meeting aérien près de Paris.
1ère partie. Une balade à vélo en République Tchèque.
Evy et Petra découvrent une statue
« Lentement mais sûrement, nous arrivons au centre du village de Velka Jesenice, occupé par l’église entourée du cimetière. Nous étions déjà passés par là plusieurs fois sans nous y arrêter et sans avoir rien remarqué. Finalement, devant l’église, près du mur du cimetière, nous apercevons un groupe de sculptures plus grandes que nature et dont on ne trouve pas de trace sur le Net.
L'église et le cimetière (Blog de Evy et Petra)
Elles ont pourtant été solennellement inaugurées le 16 septembre 1928, en présence de nombreuses associations, de généraux, du Premier Ministre, du Ministre de la défense, des représentants de l’Ambassade de France et d’une foule de plusieurs milliers de personnes. Pendant la cérémonie, des avions ont survolé les spectateurs à plusieurs reprises.
Statue de Jan Hofman (Blog de Evy et Petra)
La sculpture représente un aviateur avec une casquette de cuir, accompagné d’une femme symbolisant la patrie.
Détail de la statue de Jan Hofman (Blog de Evy et Petra)
Cet aviateur est Jan Hofman né non loin d’ici, à Nouzin, en 1889. Il perd sa mère à l’âge de 6 ans. Son père se remarie et s’établit à Velka Jesenice. Il apprend le métier de pelletier à Nve Mesto en Moravie puis voyage à Prague, en Bavière et en Suisse.
Jan Hofman engagé dans la Légion
Très actif, il est membre de l’organisation sportive et sociale Sokol « le Faucon ». Il est à Paris à la déclaration de guerre. Dès le début du conflit il s’engage comme volontaire dans l’armée française et devient l’un des membres fondateurs de la compagnie « Na Zdar ». Après une courte formation, il se retrouve dans les tranchées avec 300 camarades tchèques en novembre 1914 (12ème Division, 3ème brigade) dans l’infanterie de la Légion étrangère. Le 16 juin 1915, il est blessé à la main. Il est opéré, mais n’est plus apte à continuer sa carrière dans l’infanterie.
MM. Poincaré et Benès remettent aux Légionnaires tchécoslovaques leur 1er drapeau
en présence du Général de Castelau (Collection privée)
L’ aviateur
A cette époque, M. Rastilav Štefánik, qui deviendra ministre de la défense en 1919, veut créer une unité d’aviation tchèque, mais son projet échoue. Jan Hofman s’engage alors dans l’aviation française (escadrille N° 80 ou 82), qui utilise des avions de type Nieuport 17. Le 5 Mars 1917, il reçoit son premier avion qu’il baptise « Sokol (Le faucon) ».
Jan Hofman élève pilote en 1916 (Blog de Evy et Petra)
Le 18 mars, il attaque un avion allemand qui survole la ligne de front. Pendant le combat, il est heurté par l’aile de l’avion ennemi. Personne ne sait si c’était intentionnel ou si l’avion allemand était déjà endommagé. Ce dernier s’écrase au sol… et l’avion de Jan Hohman tombe juste après.
Le Nieuport 17 au combat (Collection privée)
Jan Hofman enterré à Roucy
Le caporal Jan Hofman est enterré dans le cimetière de Roucy, à 20 km de Reims et environ 130 km à l’est de Paris. Les habitants du village entretinrent la tombe jusqu’en 1928, date à laquelle ses restes furent incinérés et déposés dans le monument de la Résistance au château de Troja à Prague.
A Roucy, il ne reste aucune trace de sa tombe qui se trouvait près d’un grand marronnier.
Josef Wagner auteur de la statue
Josef Wagner s’est inspiré d’une photo de Jan Hohman pour sculpter sa statue. C’est Marie Kulhánková, sculptrice et future épouse de J. Wagner, qui posa pour la statue représentant la Patrie.
Joseph Wagner (Blog de Evy et Petra)
J.Wagner a sculpté de nombreuses œuvres. Il a également restauré des statues à Kluks et à Bethléem où il a vécu de 1935 à 1939.
La statue nous rappelle les travaux du sculpteur Otto Gutfreund, dont J.Wagner a été l’élève. O.Gutfreund a également voulu s’engager dans la légion étrangère, mais il fut refusé pour une raison inconnue. Il passa la guerre dans un camp d’internement. Le monument a été sculpté par les frères Josef et Antonin Wagner.
Le monument aux morts (Blog de Evy et Petra)
Avant de partir, nous faisons un petit arrêt devant le monument des victimes de la guerre 14-18 où nous cherchons le nom de Jan Hofman. Et… oui, il y est ! »
Détail du monument aux morts (Blog de Evy et Petra)
2ème partie. Une balade en voiture en France.
Quelques temps avant la balade à vélo de Evy et Petra, huit membres du Club de l’histoire et de l’aviation Jindřichův Hradec, en Bohême du Sud, s’étaient rendus, en voiture, à La Ferté près de Paris pour participer à un meeting aérien.
Pélerinage en Lorraine et dans les Ardennes
« Nous profitons du voyage pour visiter les endroits où des soldats tchèques ont combattu durant la 1ère guerre mondiale : Darney, Verdun, Vouziers, Chestres et Terron.
Le vendredi 9 juin 2000, la rencontre avec les habitants et le maire de Terron est inoubliable. Le maire et les propriètaires nous ont fait visiter la maison du commandement du 21ème régiment d’artillerie tchèque en octobre 1918.
Découverte de l’Aisne et du monument aux Chars d‘Assaut
Reprenant notre voyage, nous découvrons par hasard un monument sur la route RN 44 où sont exposés d’anciens tanks. Le lieu, inconnu de nous jusque là, s’appelle les Chars d’Assaut. Il commémore la première utilisation de chars français au cours de la Première Guerre Mondiale. On peut y voir l’ancienne technique militaire : les chars et les semi-chenillés. Notre curiosité étant la plus forte, nous les examinons jusqu’aux moindres détails. Etant employé de musée, je suis stupéfait que les panneaux explicatifs n’aient pas été dégradés.
Arrivée à Roucy
Nous continuons vers Roucy. C’est là que l’un de nos pilotes de guerre, l’aviateur tchèque Jan Hofman, connut une fin tragique. Jan servit au début de la guerre dans l’infanterie et y fut blessé. Après sa guérison, il s’engagea dans l’aviation.
Avion Nieuport 17 (Collection privée)
Il effectua de nombreuses sorties contre l’aviation allemande mais lors d’un combat aérien, le 18 mars 1917, il fut atteint près de Roucy où son avion s’écrasa. Les habitants de Roucy entretinrent sa tombe pendant des années.
Recherche de la tombe de Jan Hofman dans le cimetière de Roucy
Ayant avec nous la photo de sa tombe, prise en 1928, nous espérons faire la comparaison 72 ans plus tard.
Arrivés à Roucy vers 16h30, nous nous arrêtons sur la place et cherchons le cimetière et la tombe de Jan Hofman. Les gens sont surpris de notre demande et ne connaissent rien de lui. Nous traversons le cimetière de long en large plusieurs fois. Nous retrouvons l’arbre et le mur figurant sur la photo, mais la tombe au pied d’un grand marronnier n’existe plus...
Cimetière de Roucy (Collection privée)
Après ces péripéties nous remontons en voiture. La fatigue se lit sur nos visages ainsi que notre déception que les habitants n’ait pas conservé la tombe de notre aviateur. Nous sommes tristes, mais notre camarade Jarda se souvient du regard étonné des Français voyant notre groupe venir de si loin visiter leur cimetière et Vláda Vojta nous remonte le moral avec ces mots : « Les Français ont du nous prendre pour des inspecteurs de police en voyage ».
Fin de la balade et départ pour le meeting
Après la visite des monuments militaires, des cimetières et des champs de bataille, nous décidons, pour changer un peu, de visiter la ville de Reims...
Nous nous dirigeons ensuite vers le sud-est de Paris, à l’aéroport de la Ferté Alais.
Nous arrivons à minuit. Il pleut et tout est fermé. La police garde l’entrée. Nous parlons anglais avec les policiers français. Par bonheur, un des policiers est d’origine russe et connait un peu la république Tchèque. Nous parlons russe avec lui et pouvons enfin nous expliquer. Finalement, on nous autorise à entrer sur le parking et à dormir dans la voiture... après que nous ayons offert une tournée de bières tchèques !
Le lendemain, nous partons au meeting aérien. »
F I N
Tous nos remerciements à nos amies tchèques, Zdenka, de Kutna Hora, et Alena, de Bezons, sans qui nous n’aurions pu écrire cet article.
Références :
http://www.cicakovi.estranky.cz/clanky/zajimavosti-na-vyletech-v-nasem-okoli-v-roce-2011-zhlednute/1.-jak-to-jen-pujde-budeme-hledat-zajimavosti-v-lednu---3.dubna-2011.html
http://www.jhzpravodaj.esnet.cz/2001/kveten32001.html