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23 mars 2020 1 23 /03 /mars /2020 17:08

Roucy a connu de tous temps les vicissitudes liées aux guerres, aux invasions, aux famines, mais aussi aux épidémies. Il en reste peu de traces, pour ainsi dire aucune. On sait qu’en 1532, le bailli transféra le siège de la justice à Berry-au-Bac, en raison de la peste qui sévissait à Roucy.

Toutefois, en janvier 1879, le Docteur H. LECUYER, médecin à Beaurieux, publie un article dans la Revue d’hygiène et de police sanitaire. Cet article est consacré à l’épidémie de fièvre typhoïde qui sévit à Roucy l’année précédente.

Nous en publions ci-dessous de larges extraits :

Recherches relatives à l’étiologie et à la transmission de la fièvre typhoïde,

Par le M. Dr H. LECUYER, de Beaurieux (Aisne).

Les faits dont je vais vous entretenir corroborent les idées déjà émises par plusieurs savants anglais et allemands, à savoir que la contagion de la maladie typhoïde s’établit par l’intermédiaire de l’air et surtout des eaux potables.

Malgré cela, j’admets que la fièvre typhoïde peut s’engendrer spontanément sous l’influence d’un certain nombre de causes plus ou moins bien connues, causes débilitantes, parmi lesquelles on peut citer : l‘encombrement, la misère, la malpropreté, et surtout pour moi le surmenage ; je citerai quelques faits qui me paraissent très probants.

Roucy est un bourg important du canton de Neufchâtel (Aisne), fort de 638 habitants, bâti à mi-côte de la colline qui sépare les vallées de l’Aisne et de la Vesle ; il y existe un hospice bâti et entretenu par la famille d’Imécourt-Gallifet, qui possède dans l’endroit un château important.

Cet hospice a été fondé pour y recevoir des orphelins ; on y a annexé plus tard un refuge de vieillards des deux sexes payant pension, et il y existe en outre plusieurs petites salles, où l’on peut recevoir quelques malades.

Le bâtiment est construit sur un terrain d’alluvion sableux, très perméable ; son niveau est à 4 ou 5 mètres au-dessus à un ruisseau descendant de la montagne, ruisseau qui est distant de 50 mètres à peine du bâtiment hospitalier. Ce ruisseau longe une rue bordée de maisons d’un seul côté pendant une partie de son parcours, puis passe derrière une notable partie du pays pour aller se jeter plus loin dans l’Aisne ; cette eau sert sur tout son parcours aux besoins journaliers des riverains.

J’ajouterai que, juste en face l’hospice, sur le ruisseau, et à son entrée dans le pays, existe un lavoir public qui pour moi n’a pas peu contribué à la propagation de la maladie.

Le 13 juin dernier, je fus appelé chez une dame d’une trentaine d’années, chez laquelle je constatai une fièvre typhoïde à forme adynamique ; c’était la seule malade atteinte de cette affection, j’en suis pertinemment sûr, étant le seul médecin venant dans le pays. Je dois ajouter que, depuis 1870, époque où il y eut dans ce pays une petite épidémie, forte d’une douzaine de cas et limitée à un seul quartier qui, chose bizarre, est resté complètement indemne cette année, je n’ai pas observé un seul cas de la maladie qui nous occupe actuellement.

Ma cliente, boulangère de son état, est une femme bien constituée, assez forte, mais se surmenant par un travail exagéré, ainsi que son mari du reste qui est très intéressé ; elle me raconte qu’elle est malade depuis deux jours, mais que les trois jours précédents, elle avait travaillé jour et nuit sans désemparer pour faire de la pâtisserie en abondance, commandée à l’occasion de la fête du pays et d’un concours de pompes* ; elle avait pu faire toute sa besogne, mais à la fin, suivant son expression, elle avait fini par tomber. Elle ne voulut prendre personne pour la soigner, son mari ne le pouvant pas à cause des exigences de son métier, et elle entra à l’hospice.

Ce fut pour ainsi dire le signal du commencement de l’épidémie que l’on peut diviser en deux phases distinctes :

Première phase. - On peut dire que toutes les maisons qui bordent le ruisseau dont j’ai parlé tout à l’heure ont eu un ou plusieurs malades ; c'est ainsi que dans ce quartier, à partir du 15 juillet, j’observe une douzaine de malades, parmi lesquels une des religieuses de l’hospice.

Le 29 juillet, je fus appelé chez une nouvelle malade dans un autre quartier ; c’était dans une ferme tout à fait au bas du pays et derrière laquelle immédiatement passe le ruisseau ; nouveau foyer d’épidémie et j’observe dans ce quartier sept nouveaux cas.

Voici donc deux foyers d’infection distants l’un de l’autre, par conséquent bien distincts ; à partir de ce moment, l’épidémie se propagea un peu partout, et j’observai encore aux mois de septembre et octobre une quinzaine de cas.

L’épidémie paraissait terminée, il ne restait plus que quatre convalescents au commencement de novembre, quand une nouvelle poussée épidémique se déclara et bien plus grave que la première.

Deuxième phase. - Le 12 novembre, j’observe 7 nouveaux cas, dont trois très graves : un des cas provoque un avortement chez une jeune femme enceinte de quatre mois ; un autre amène la mort d’une personne d’une soixantaine d’années ; et le troisième, des hémorrhagies intestinales chez une jeune fille, mais heureusement non mortelles.

De 12 au 20, trois nouveaux cas de moyenne intensité.

Le 20, quatorze nouveaux cas dont trois très graves ; le premier est celui d’une femme de cinquante-sept ans ayant une forme adynamique très accentuée, qui est morte dans le deuxième septénaire** en quelques heures, d’hémorrhagies intestinales extrêmement abondantes ; le deuxième est celui d’une jeune fille de treize ans, forme ataxique, délire, fuliginosités, eschares au sacrum, elle est guérie maintenant ; le troisième est celui d’une femme de trente-cinq ans, forme dynamique grave ; elle est également guérie.

Ulcérations de l’intestin dans la fièvre typhoïde.

Le 22, quatre nouveaux cas légers.

Le 26, six nouveaux cas, dont un très grave et qui eut de la peine à guérir.

Le 28, trois nouveaux cas bénins.

Le 30, deux nouveaux cas très graves, forme adynamique profonde ; un des deux, jeune enfant de sept ans, succombe dans le coma le 15 décembre.

Dans le courant de décembre, dix nouveaux cas, affectant la forme adynamique de moyenne intensité.

Dans les premiers jours de janvier, quatre cas dont trois graves : le premier est celui d’un vieillard de soixante-douze ans qui eut une fièvre ataxique des plus graves avec délire complet, pendant une dizaine de jours ; la convalescence vint au bout de six semaines ; le second est un jeune homme de vingt-cinq ans (le mari de la jeune femme qui fit une fausse couche) ; il eut une fièvre adynamique grave et il n’est véritablement entré en convalescence qu’au commencement de mars. Les deux autres cas n’offrirent pas de gravité;

Etat actuel. - Aujourd’hui 28 mai, il ne s’est pas déclaré de nouveaux cas depuis le 5 janvier ; nous pouvons donc considérer l’épidémie comme terminée.

Si nous récapitulons, nous trouverons que, dans le courant de novembre, j’ai eu trente-six nouveaux malades ; dans le mois de décembre, dix et dans le mois de janvier, quatre ; en les additionnant avec les trente-quatre cas des mois d’août et septembre, on trouve un total de quatre-vingt-quatre malades, c'est-à-dire le septième de la population, chiffre énorme ! La mortalité n’a été que de 3 sur 84, ou environ 3,5 % ce dont se félicite hautement le médecin traitant.

(…)

Nous pouvons croire que les germes résident surtout dans les selles et que, comme pour le choléra, « la puissance infectieuse de ces selles est moins considérable au moment où elles sont émises que plus tard, lorsqu’elles ont séjourné quelques temps, soit sur les linges du malade, soit dans les fosses d’aisance ; il se produit là un travail de fermentation et de putréfaction qui engendre et multiplie l’agent infectieux. » (A. Proust)

Ce mode de contagion explique les allures de la maladie.

Comme la dysenterie, comme le choléra, elle procède par foyers localisés à une maison ou un quartier. Ces matières fécales, quand elles se trouvent sur un terrain perméable, le traversent, et si un puits ou un cours d’eau est à proximité, elles ont vite fait de le contaminer. Le ruisseau était de plus infecté par les linges souillés des malades, qu’on avait lavés dans le lavoir communal.

(…)

L’air est aussi un agent de l’infection et dans la deuxième phase de l’épidémie de Roucy, il a joué un assez grand rôle ; sans doute le germe contage n’a pas un grand pouvoir de diffusibilité dans l’air ; mais il est reconnu qu’il ne se développe pas seulement dans l’intérieur de la maison, mais encore qu’il peut agir sur les voisins d’à côté ou même d’en face, en traversant la rue.

Dans l’épidémie de Roucy, le mode contagion par les cours d’eau me paraît très clair : le 13 juin, premier cas ; il faut un mois pour que les germes typhoïdes contenus dans les matières fécales traversent le terrain perméable et arrivent dans le ruisseau ; de plus, les linges souillés contaminent le lavoir : le 15 juillet, trois cas dans les maisons qui touchent l’hospice, et neuf autres cas dans le même quartier jusqu’au 31 juillet.

Le 29 juillet, nouveau malade dans un autre quartier baigné par le ruisseau, nouveau foyer, sept nouveaux malades. Pour les autres atteints, la contagion s’explique parfaitement au moyen de l’air, l’isolement des malades n’existant pas ; car l’on sait que dans les villages, il y a une allée et venue continuelles des habitants les uns chez les autres.

Je peux citer, entre autres cas de contagion : une ouvrière ayant travaillé longtemps chez une typhoïque et une laveuse, qui ont été atteintes ; une autre laveuse a eu deux petites filles malades ; or on sait que les personnes qui manipulent les linges souillés sont sujettes à gagner la maladie ; le curé, atteint seul de son quartier, mais que les devoirs de sa profession obligent à aller voir les malades. Je citerai également le quartier dit du Prieuré, où il y a eu huit malades, et la petite rue de Frévat, où il y en a eu neuf, et où la maladie a progressé de porte en porte, sans en oublier une.

Ce dernier quartier de la rue de Frévat a été atteint dans la première moitié de l’épidémie, après les deux foyers infectés par le cours d’eau. C’est une jeune fille de seize ans, ayant été voir des malades avec sa mère, qui a été atteinte la première ; elle a communiqué la maladie à son père d’abord, puis à son frère, âgé de quinze ans. La maison qu’ils habitent est située au faîte du pays ; il y eut d’abord un malade en face de chez eux, puis dans toutes les maisons suivant la rue. La maladie a suivi ensuite la grande rue, n’épargnant guère de maisons. Arrivée à un carrefour, elle prit deux directions : 1° celle de la Cour des miracles, 2° celle du Prieuré, où pas une maison ne fut exempte.

Caractère de l’épidémie. Première phase. - L’épidémie de Roucy dans sa première phase a eu un caractère bénin, si l’on considère le résultat final, puisque je n’ai pas perdu un seul malade ; mais sous ces apparences bénignes, elle atteignait profondément l’organisme ; la convalescence était très longue, l’amaigrissement très prononcé, et tel de mes malades atteint un des premiers, au mois de juillet, n’avait pas recouvré encore ses forces premières en décembre. Cela seul prouve bien que c’était une maladie générale.

La maladie commençait par un frisson, suivi de chaleur, mais pas souvent de sueurs ; il se répétait plusieurs jours de suite ; le malade s’alitait ; langue chargée, inappétence, accès de fièvre irréguliers, gargouillements dans le ventre, taches rosées, non dans tous les cas, mais surtout, adynamie profonde, incapacité absolue de faire quoi que ce soit et même chez certains de s’aider de leurs mains ; rêvasseries, mais jamais délire proprement dit ; chez les uns, diarrhée de moyenne abondance, chez d’autres, constipation opiniâtre, jamais d'eschares au sacrum, ni de complications pulmonaires ; souvent des épistaxis ; tel est le tableau des symptômes principaux que j’ai observés.

On voit par là qu’il n’y avait pas de malades gravement atteints, aussi ne m’ont ils inspiré aucune espèce d’inquiétude et cependant la maladie durait au moins aussi longtemps que dans la fièvre typhoïde à forme plus accentuée ; tel de mes malades n’a pu commencer à manger véritablement qu’au bout de six semaines ; la moyenne au bout de quatre septénaires, rarement avant.

J’ai observé aussi deux malades qui ont eu la maladie sous sa forme apyrétique, le pouls ne dépassant pas 60, forme déjà observée par Laveran, un cas en 1874, et antérieurement par le professeur E. Vallin, au Val-de-Grâce, deux cas en 1873. Ce n’est pas la forme la plus bénigne, puisque sur les deux cas de Vallin, il y en eut un qui mourut et dont l’autopsie confirma le diagnostic. Un de mes typhoïques sans fièvre, homme très replet et très vigoureux, eut une adynamie extrême et maigrit de 30 livres dans l’espace de six semaines. Il croyait mourir à chaque instant, en était très affecté et j’ai eu beaucoup de peine à le guérir.

Outre ces cas de fièvre typhoïde bien caractérisés, j’ai observé un certain nombre de cas de fièvre abortives, variété appelée typhus abortif par Niemeyer ou typhus levissimus par Griesinger ; la durée était de huit à dix jours. J’ai été appelé pour quelques-uns de ces cas, mais je  sais pertinemment qu’une notable partie de la population de Roucy se ressentit de l’influence nosocomiale et que, sans appeler le médecin, les malades restèrent un certain temps abattus, sans appétit et avec des diarrhées plus ou moins abondantes.

Deuxième phase. - La deuxième série de malades, atteints au mois de novembre, fut plus gravement atteinte, et pourtant la durée de la maladie n’a pas été plus grande que celle de ceux de la première série.

Aux symptômes décrits plus haut, j’ajouterai des hémorragies intestinales chez trois malades et dont une femme mourut ; des complications pulmonaires hypostatiques mortelles pour une autre femme ; l’adynamie allant jusqu’au coma et qui enleva un enfant de sept ans ; un avortement provoqué par la maladie avec rétention du placenta, ataxie ; cette malade est guérie depuis longtemps. Chez six autres malades, il y eut des symptômes ataxiques bien caractérisés ; chez deux il y eut des eschares au sacrum. Les autres malades eurent aussi l’adynamie plus accentuée.

Traitement. -  Le traitement employé a été bien simple et le même à peu près pour tous. Au commencement de l’affection, le plus souvent mais pas toujours, un ou deux purgatifs au sulfate de magnésie ou à l’huile de ricin ; quelquefois un émétique, mais rarement. Puis mon principe était de permettre au malade de pouvoir faire les frais de sa maladie, par conséquent j’ordonnai l’alimentation dès le début, mais une alimentation liquide : lait, bouillon, vin de Bordeaux, quinquina sous forme d’extrait ou de vin ; le traitement était complété par des lavements émollients, des fomentations tièdes sur le ventre et des frictions vinaigrées froides sur tout le corps ; sulfate de quinine dans quelques cas, etc.

Avec modération bien entendu.

Je ne donnais des aliments solides, soupes, œufs, viandes grillées ou rôties que lorsque l’appétit était réellement revenu, par conséquent lorsque le pouls était descendu à 60, la langue nettoyée et les gargouillements disparus. J’eus même beaucoup de peine, chez quelques  paysans, qui croient que s’ils ne se bourrent pas, ils vont mourir de faim, à les empêcher de manger avant le temps voulu ; deux d’entre eux mangèrent trop tôt et eurent des rechutes assez graves.

Hygiène de la Commune. - Les rues du village sont bien tenues, les maisons sont en général propres, surtout dans les grandes rues du pays, mais il y a un certain nombre de petits quartiers, qui laissent beaucoup à désirer sous les rapport de l’hygiène ; dans ces quartiers les maisons sont petites, basses d’étages, souvent en contre-bas de la rue, comme dans la rue de Frévat, elles ne sont ni planchéiées, ni pavées et ont seulement pour sol de la terre battue, qui est fréquemment souillée par les enfants, elles ne possèdent qu’une seule pièce pour tous les usages, de sorte que lorsqu’on entre dans ces maisons, l’odorat n’est pas précisément bien flatté. Ces maisons ont eu leur plus grande part dans la maladie et ont eu à peu près toutes, deux ou trois malades. Il est juste de dire que pas mal d’habitants aisés et propres de Roucy ont été également atteints ; mais la présence de ces cloaques est certainement pour quelque chose dans la persistance de l’épidémie.

L’installation de la boucherie est aussi défectueuse que possible : le boucher ne possède qu’une petite cour qui est comme un trou ; la moitié de cette cour lui sert d’abattoir, l’autre moitié, de tas de fumier sur lequel il jette tous ses détritus organiques, sang, matières fécales, boyaux, etc. Les matières liquides s’infiltrent dans le sol, et même traversent le mur mitoyen qui chez le voisin est coloré en rouge dans sa partie inférieure. Tout cela pue en tout temps, mais en été, c’est une véritable infection. Maintenant veut-on savoir quelle est la maison voisine ? c’est l’école des garçons. Il faudra absolument que la commune remédie à cet état de choses.

Un peu plus loin existe une cour commune appelée Cour des miracles et qui sert de passage pour aller d’une rue à l‘autre. Comme l’indique son nom de cour commune, elle sert de cour à tous les riverains, de sorte qu’il existe dans l’intérieur autant de fosses à fumier que de propriétaires ; avec cela aucun écoulement possible, sinon par le trop-plein, sur la voie publique ; entre autres habitants un charcutier qui tue et envoie tous ses détritus dans cette cour. De tous les côtés de cet endroit, j’ai observé des malades, et gravement atteints ; l’enfant de sept ans qui est mort, habitait cette cour.

Enfin, à la partie la plus éloignée, où le ruisseau pénètre dans le pays, existe un lavoir public ; le ruisseau le traverse, en sort et n’est couvert que pendant 39 mètres environ. Les matières contagieuses provenant du linge sale sont charriées par ce ruisseau qui reste à découvert le reste de son parcours et qui sert en partie aux riverains pour leurs besoins journaliers. Ce ruisseau, dans l’épidémie qui nous occupe, a joué un grand rôle, comme nous l’avons vu.

Mon devoir de médecin m’ordonnait de citer ces causes d’insalubrité à l’autorité municipale et c’est ce que je fis. M. le Préfet, averti seulement en décembre, envoya à Roucy le Dr Hugot, de Laon, médecin des épidémies, qui dans son inspection constata que toutes mes allégations étaient vraies.

Il fit son rapport, mais tout se borna là, comme toujours ; la commune n’a rien fait et ne parait pas disposée à faire quoi que ce soit.

Réunion du conseil municipal

A la même époque, j’observai dans plusieurs autres villages de ma clientèle des cas de fièvre typhoïde, mais isolés pour la plupart.

(…)

Chaudardes. - Un cas moyen chez la fille d’un des malades de Roucy et qui en soignant son père, gagna la maladie et la rapporta chez elle. Grâce aux précautions d’isolement que j’ai prises, la fièvre typhoïde n’a pas gagné.

Conclusions : 1° - La fièvre typhoïde peut se développer spontanément. - Il m’est démontré que les premiers malades que j’ai eus cette année dans chaque localité n’ont eu aucune communication entre eux, que la maladie a été spontanée. La maladie se développe sous l’influence de certaines causes que l’on commence à connaître.

Il ne faut pas arguer de cela que je sois partisan de la génération spontanée des bactéries, que l’on considère comme le principe morbifique des maladies infectieuses, quoique dogmatiquement je ne verrais aucun danger à l’admettre, si elle m’était démontrée. C’est affaire aux savants de s’occuper de ces choses ardues ; nous autres praticiens, nous n’avons que faire de la pans permie, ou de l’hétérogénie, d’être disciples de Pasteur ou de Jolly et de Pouchet ; nous tirons nos conclusions des faits positifs observés rigoureusement. Or, il n’est rien moins que démontré que ce soient les bactéries qui engendrent la fièvre typhoïde, la variole, etc. ; et de ce qu’on les rencontre dans toutes les maladies virulentes, il ne s’ensuit pas qu’elles en sont la cause ; elles peuvent en être l’effet. Elles peuvent naître spontanément dans certaines circonstances, dans certains milieux ; ou bien les germes contenus dans l’air, suivant Pasteur, peuvent avoir besoin d’un terrain spécial pour se développer, et ce terrain être le corps des sujets atteints. Ces germes, trouvant leur terrain, se développeraient de la même manière, à peu près que les œufs des insectes, pondus sur des matières organiques, en putréfaction, donnent naissance à des vers ; or l’on croyait autrefois que lesdits vers y naissaient spontanément, et nous savons aujourd’hui qu’il n’en est rien. Du reste, tant que l’on n’aura pas démontré qu’il existe une espèce particulière de bactérie pour chaque maladie infectieuse, on pourra croire que ces proto-organismes sont l’effet et non la cause de la maladie.

2° - Le surmenage est une des principales causes de la fièvre typhoïde. - On a pu en voir, dans les pages qui précèdent, quelques exemples probants. Mais j’ai dans ma pratique un fait très curieux : un homme a eu deux fièvres typhoïdes, toutes deux très graves dans l’espace de cinq années ; le diagnostic a été confirmé la première fois par mon beau-père le Dr Pené, de Beaurieux, la deuxième fois par mon oncle le Dr Leroux, de Corbeny, appelés par moi en consultation.

Eh bien ! cet homme, qui est manouvrier, est un travailleur extraordinaire, il ne se sent pas à l’ouvrage, comme il dit ; il se surmène véritablement. Voilà pour moi, la cause de ces deux maladies successives. Du reste, les praticiens de campagne ont remarqué depuis longtemps que, la plupart du temps, c’était après la moisson, temps où l’homme des champs travaille bien plus, que venaient les maladies et que la fièvre typhoïde surtout faisait son apparition  les médecins militaires ont constaté la même chose après de grandes manœuvres.

3° - La fièvre typhoïde est éminemment contagieuse et se propage surtout par les cours d’eau. - Ce sont surtout les matières fécales finissant par s’infiltrer dans les eaux potables, qui sont les agents de la transmission. Cette maladie se propage aussi par l’air, mais dans un espace plus restreint. La malpropreté des maisons, les détritus organiques en putréfaction à ciel ouvert, doivent avoir également une influence qu’il ne faut pas négliger. Aussi, dans la commune de Roucy, ce qu’il faudrait faire, le voici : le lavoir est à l’entrée du ruisseau dans le pays, il faut le reporter à sa sortie, construire un abattoir sur le ruisseau, un peu au-dessous du lavoir, et à Beaurieux, il faut changer également l’abattoir.

(…) La fièvre typhoïde, qui existe en France pour ainsi dire d’une façon endémique, et qui fait dans certaines épidémies tant de victimes, doit occuper au premier chef les pouvoirs publics. Il parait certain, dans l’état actuel de la science, que les détritus organiques en putréfaction propagent et peut-être engendrent la maladie qui nous occupe, et que les cours d’eau sont l’agent le plus certain de la transmission. D’où la double indication : 1° de forcer les bouchers d’abattre en dehors des villes et villages, et de ne permettre qu’à la viande comestible d’y entrer ; 2° de ne permettre d’établir des lavoirs sur un cours d’eau qu’à la sortie du pays, de manière à ne pas le contaminer dès son entrée.

Dr H. LECUYER

Notes :

Les illustrations ne figurent pas dans l’article d’origine.

*Concours de pompes : concours de manœuvres de pompes à incendie.

**Septénaire : espace de sept jours.

 

La fièvre typhoïde, je sais ce que c’est. Je l’ai eue. On en meurt ou on en reste idiot.

(Mac Mahon, (1808-1893), maréchal de France, 3e président de la République française)

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